Afrique

Goma Nairobi 2012 - 1

Le volcan Nyiragongo est situé en République Démocratique du Congo, près du lac Kivu. C'est un des quatre volcans de la planète à avoir un lac de lave en incandescence permanente. En février dernier, avec Dominique, nous sommes allés découvrir l'un des quatre, l'Erta Ale en Ethiopie : fantastique émotion de voir la terre vivre là devant ! Le Nyiragongo a, paraît-il, le plus grand cratère de lave incandescente au monde. Son accès est facile.

Le volcan Oldonyio Lengaï est à 1000 km à vol d'oiseau plus à l'est en Tanzanie, près du lac Natron. Il présente la particularité d'être encore un peu actif mais avec une lave (carbonatite) qui, au contact de l'air, blanchit.

Après avoir glissé sur le blanc de la neige, roulé sur le blanc des salars, le blanc de la lave m'attend ! Allez Mulet, prêt pour affronter les mille collines ? Goma - Nairobi, la belle Afrique en relief ...

Goma - Nairobi : Préparatifs

Après le Maroc cet automne 2011, j'ai dû changer la cassette du pédalier. J'ai choisi une cassette en céramique car c'est théoriquement plus solide. J'ai dû encore changer les billes de l'axe de la roue avant. La corrosion du sel du Salar d'Uyuni a eu raison de ce roulement pourtant annoncé comme étanche. Sinon, tout est pareil. Le fidèle Mulet va encore m'accompagner.

Au matériel habituel de vélo s'ajoute le matériel pour monter aux volcans. Renseignements pris, ces deux volcans ne nécessitent pas de matériel de type piolet, crampons, casque, cordes ... En revanche, il faudrait des chaussures adaptées, un sac à dos, des vêtements pour le froid et la pluie. Des bâtons ? Ce serait mieux. Mais peut-être peut-on en trouver sur place. Je prends mon sac à dos grosse capacité. Pourquoi ? Il est léger. Il permet d'enfourner la tente et le matelas et donc n'augmente pas le volume sur le porte-bagage arrière. Dans les ascensions, l'étanchéité du sac devrait m'assurer d'avoir un duvet sec. Je laisse à la maison le filtre à eau, le réchaud à essence, la gamelle, les bidons d'essence, le thermos. L'expérience m'a montré qu'on peut s'en passer. Je vais porter une paire de chaussure supplémentaire pour être sûr d'avoir toujours une paire de chaussures sèches. Les Merrel que j'utilise pour pédaler sont en cuir à semelle avant assez rigide, une sorte de modèle intermédiaire entre des chaussures de tennis et des chaussures de montagne. Je les mettrai pour monter au volcan Nyiragongo. Elles ne sont pas montantes donc protègent peu les chevilles. Je les ai testées en montagne avec des guêtres. Ca doit pouvoir suffire. Pour le froid et la pluie, rien de plus que mon matériel habituel de vélo. Je ne vais pas à 6000 m ! Mais je risque être trempé si j'en crois les quelques images que j'ai pu voir sur la montée au volcan Nyiragongo. Aussi, j'ai acheté d'autres chaussures légères qui, en plus de m'assurer d'avoir des pieds au sec pour pédaler après le premier volcan, me permettront de marcher plus facilement durant le trek au Ngorongoro. Sinon, je prends tout le matériel "classique" habituel dans mes cinq sacoches Ortlieb (voir le menu matériel de la page d'accueil). J'ai remplacé le matelas gonflable "automatiquement" Thermarest par un matelas plein alvéolé qui se plie en accordéon, excédé par les crevaisons. J'ai encore acheté un rétroviseur à plus grand champ de vision.

Les visas

Quatre visas sont nécessaires : Rwanda, République Démocratique du Congo, Tanzanie, Kenya. Pas de problème particulier pour les deux derniers pays. Pour le Rwanda, il n'y avait pas d'indication sur le site de l'ambassade du Rwanda à Paris pour un visa à entrées multiples. Visas-express a néanmoins pu l'obtenir. Et pour le Congo, l'agence Rwandan Adventure a pu obtenir un visa tourisme à moindre coût (50 $) pour pemettre d'accéder au volcan Nyiragongo. Coût total des quatre visas : 305 euros.

Quelle compagnie aérienne ?

Lorsqu'on a un vélo, moins il y a de changements d'avion, plus vite on peut normalement récupérer son vélo. J'ai pris KLM avec juste deux avions depuis Toulouse : un premier jusqu'à Amsterdam, un deuxième Amsterdam-Kigali (Rwanda). Pour le retour, toujours la même compagnie avec un premier vol de Nairobi à Amsterdam, et un deuxième vol d'Amsterdam à Toulouse. Il faut noter qu'au moment de la réservation (en octobre 2011), le tarif le meilleur marché (900 euros AR) pour les vols choisis étaient, non pas dans les agences mais chez KLM directement. Avantage non négligeable : le droit d'avoir deux bagages en soute de 20 kg chacun. Comme dans presque tous les voyages un peu lointains, le vélo n'arrivera vraisemblablement pas le 1er février au soir à Kigali. D'où la précaution que j'ai prise de rester un jour de plus à Kigali pour espérer récupérer en bon état le Mulet.

Départ, le 1er février 2012 de Toulouse. Retour, le 3 mars.J'atterris à Kigali au Rwanda. Je joins Gysenii/Goma en bus, le Mulet sur le toit. Je grimpe le Nyiragongo grâce à une agence locale Rwandan Adventure. Puis, vélo jusqu'à Arusha sauf pour la zone aux bandits, identifiée par mes amis Rwandais, que je passerai en bus. Puis, avant Arusha, détour pour aller voir la Montagne des dieux - le volcan à la lave blanchie Oldoynio Lengaï, avec probablement une agence locale. Après avoir rejoint Arusha, direction nord pour atteindre Nairobi au Kenya.

La connexion internet dans cette zone de l'Afrique ne sera pas probablement toujours garantie ... Patience, bipèdes bien-aimés, je ... pédalerai, et quand je pourrai, j'écrirai le journal sur ce site.

24 janvier 2012 : Aïe !

Première surprise ... désagréable : l'agence ZIGZAG avec laquelle je devais aller au volcan Lengaï m'a annoncé hier lundi 23 janvier qu'elle annulait le voyage en raison d'un nombre trop faible de participants ... La contrariété doit faire partie de ... l'Aventure ! Du coup, hier soir, j'ai écrit ... partout sur internet pour voir si je ne pouvais pas me joindre à un groupe qui monterait à ce volcan fin février ... L'attente ... doit faire partie aussi de ... l'Aventure ! Wait and see ... Puis, le volcan voisin du Nyiragongo (le Nyamuragira) situé à quelques km au NO est entré en éruption ... Superbe ! mais ... j'attends des nouvelles (fraiches) de l'agence avec laquelle je dois monter au ... Nyiragongo ! Zen ...

La famille de ma fille Laure s'est agrandie le 18 janvier, d'une petite Ninon ! Bonheur ...

25 janvier 2012

Hier avec cette histoire d'annulation pour le trek du Lengaï, j'ai eu la tête en huit ! Mais, trois réponses encourageantes de ... là-bas ! D'abord, Moses de Tanzanie qui m'a dit qu'il y avait plein de minibus à Arusha qui pouvaient me conduire à Mto Wa Mbu, puis, ensuite, au lac Natron, et là demander un guide Masaï pour monter au volcan. Ensuite, Gilbert Aurèche, un accompagnateur de montagne de La Réunion, qui connait bien la Tanzanie et qui m'a dit la même chose. Enfin, Marcel Walter qui dirige l'agence Mapendano et qui pourrait peut-être trouver une solution. Bref, l'idée de monter au volcan Lengaï en arrivant par mes propres moyens au "camp de base" du lac Natron puis de trouver un guide sur place pour y monter, fait ... son chemin.

27 janvier 2012

Les contacts pris et la réflexion personnelle m'ont décidé à aller malgré tout tenter de monter le volcan Lengaï. A moi de trouver les moyens d'accéder au lac Natron puis sur place de trouver un guide local pour monter au volcan. D'après ce qu'on m'a dit, c'est tout à fait possible. On verra donc ...

28 janvier 2012

J'ai peut-être une proposition pour le Lengaï ! ... Je suis entrain de négocier un tarif en ... anglais ... par internet ... avec un ... Masaï ! ... Gôônflé ! .. Finalement, je me rends compte qu'on n'a peur de rien chez les Etché (euh! ... sauf des ... bandits sur la route !) ! A suivre ...

29 janvier 2012

Perseverare Bascum est ! ... Monsieur Matata m' a dit : Akuna Matata ... autrement dit I agree .. pas de problème ! Je traduis : j'ai pu négocier (en espérant avoir bien ... tout compris) pour 465 $ 3 jours avec guide, véhicule, nourriture, montée (et ... descente) au volcan Lengaï plus deux nuits supplémentaires sous ma tente dans un camping à Mto Wa Mbu alias la "rivière aux moustiques", village que j'atteindrai en vélo.

30 janvier 2012

2 fois 23 kg de bagages sans supplément : le luxe ! Le carton vélo (23 kg plus ... 100 g) et deux sacoches jumelées avec hard élastique (environ 10 kg). En cabine, je prends finalement mon sac à dos grande capacité dans lequel j'ai fourré tous les vêtements, la tente (sans les arceaux ... ce n'est pas autorisé) et le matériel solaire (panneau pliant, chargeurs, raccords), et ma sacoche guidon (gps, carte, boussole, lunettes de soleil, appareil photo ..), plus les cadeaux que je dois porter à l'épouse de Bosco (doctorant rwandais actuellement à l'Université de Pau). Ce lundi ... calme à Eysus, beau soleil : je profite à fond de l'air des Pyrénées ...

31 janvier - 1er février 2012

Rendez-vous à l'Universite de Pau avec Bosco le doctorant rwandais qui devait me donner quelques petites affaires à transporter pour son épouse. En fait de petites affaires, il y avait un sac plein comme un oeuf avec parfum, crèmes, habits pour leur petite fille de six mois, tondeuse à cheveux, appareil pour mesurer l`acidite, l`oxygène, un gros tournevis ... Puis, déjeuner à La Vague avec les copains habituels : Ross, Fabrice, Lucien, Jean-Michel ; un bonjour à Brahim. "Reviens-nous entier".... Puis, Léguevin chez ma fille où j`ai eu le bonheur de voir Ninon agée de seulement 15 jours, toute calme, découvrant un peu plus de la Vie à chaque minute. Diner et dodo chez eux. Dringgggggggggg à 2h30 : faut y aller ... sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller le petit monde ... Séance laborieuse de grattage de pare-brise ... ca caille ! et direction l`aéroport de Blagnac. Trouver le parking P1, se garer le plus près de la sortie vers l'aéroport, trouver un chariot, charger en équilibre le vélo bien emballé ... en avant, dans le noir et le silence froid de l'aérogare. Pas un chat, et pourtant KLM demandait d'arriver 3 heures avant pour les vols intercontinentaux ! A 5h30, on commence l`enregistrement. Tout passe normalement : "combien le vélo ?" 15-20 kg, en réalite 23 kg. les deux sacoches jumelées avec l'élastique pour ne faire qu'un seul deuxième bagage en soute. Le sac de montagne, lui, gonflé à fond (en cabine) avec ... l'énorme tournevis pliant dont j'ignorais l'existence !...

A Toulouse, ils m'ont tout fait sortir et me déchausser car ... ca sonnait toujours ! mais ils n'ont pas vu le tournevis !! Décollage frileux mais c'est parti normalement. Arrivée à Amsterdam un peu en retard. A l'évidence, le changement d'avion pour les bagages, avec si peu de temps (à peine une heure), ne peut pas se faire. Embarquement glacial dans l'Airbus 330-200 et séance de dégivrage des ailes de l'avion : une bonne douche chaude quand ca caille, pas mal non ? Apparemment ça doit cailler ! Avec 20 minutes de retard, on décolle. L'oiseau est bondé !! Oui, oui, Kigali doit être une destination prisée. Et j'ai à côté de moi une belle plante de l'Ouganda qui ne rentrait pas tout à fait dans le siège Airbus, et qui avait en prime un énorme sac qu'elle ne pouvait laisser qu'à ses pieds car il ne pouvait pas entrer dans les coffres en cabine. Vous imaginez aisément la suite : ses jambes ont évidemment empiété sur mon domaine réservé sous le siège de devant, ont commencé à prendre appui sur les miennes car, si elle voulait étirer un minimum ses orteils, elle ne pouvait pas faire autrement que de les emboiter sous le siège qui m'était normalement dévolu ... A plusieurs reprises, j`ai dû envoyer des messages secs et pointus en direction de son pied : elle était désolée, elle croyait que c'était le pied du ... fauteuil ! Je fus sauvé par la pause pipi de la dame. J'en ai profité pour blinder ma limite avec ma voisine qui fut ainsi dans l`impossibilité de franchir la barrière bien consolidée de ma sacoche de guidon rehaussée de mes chaussures superposées savemment et bloquées par ma jambe gauche ! Non mais ! ... Le tournevis ! n`a pas échappé aux contrôleurs hollandais ! I`m sorry but ... pas moyen de récupérer ce qui, il faut le reconnaître, était probablement un excellent outil ! Ah, sacré Bosco ! si encore tu me l'avais dit, je l'aurai mis en soute !...

Arrivée à Kigali à l'heure. Il faisait déjà nuit noire ( ... oui c`est normal, n`est-ce pas Ross ?) à 19h. Tout a été réglé en 40 minutes : contrôle passeport, visa, récupération des bagages et ... du vélo. Incroyable ! L`accueil de Madame Egidia épouse de Bosco, et de son chauffeur (le frère de Bosco) fut parfait avec une belle pancarte à mon nom. Le vélo rentra dans le coffre qui resta à moitié ouvert (le Mulet a des grands pieds et voulait les faire respirer ... l'accoutumance m'a-t-il dit à l'oreille !). Direction l`hôtel Le Printemps, car l`auberge que j`avais réservée ne convenait pas; aux dires d'Egidia, à un professeur ... Très bel accueil du propriétaire Aaron qui m`a donné une très correcte chambre avec douche chaude, entrée et petit salon avec télé ... qui marche ! De suite, direction la messagerie pour dire à la famille que j'étais bien arrivé avec toutes mes affaires. Repas simple mais avec une très bonne brochette de capitaine (c'est du poisson ... bien sûr !) et une excellente Primus, bière locale très douce et pas forte.

Jeudi 2 février 2012

Ce matin, séance d'accoutumance. Passer de -5°C à 33°C-34°C à l'ombre à Kigali n'est pas nécessairement évident pour l'organisme. Ce matin, déjeuner copieux, montage du vélo : roue avant, réglage freins, montage du guidon, de la selle, des pédales, du porte-bidon, des sacoches, gonflage. En une petite demi-heure, c'est fait. Puis, direction la gare routière de l'autre côté de la capitale pour voir les bus recommandés par Bosco. Kigali-Gisenyi avec Virunga express class (n'oublions surtout pas "class" ...), et la compagnie Takwa qui fait la liaison avec la Tanzanie (pour passer en bus la zone aux bandits). Bien sûr, je fais trois fois plus de km car je me suis planté de direction, mais j'y suis arrivé : mon vélo rechignait un peu au début puis je l'ai gonflé à 4 bars et, là, parfait, il respirait bien ! Il faut dire que c'est peut-être un peu normal qu'il ait besoin d'être ... gonflé ! Donc, demain, normalement départ pour Gisenyi (qui jouxte Goma, la frontière justifiant les deux appellations différentes) mais on ne sait pas trop l'heure ! Retour par un cheminement différent qui me fait rencontrer plein de monde. Je commence à comprendre les politiques qui appliquent la technique du toque-manette, car ... ca marche vraiment bien ! Quand tu cherches quelque chose, tu t'arrêtes. Avec un beau sourire, tu abordes une personne en donnant l'impression que tu es complètement paumé ! et ... c'est là que la magie prend : d'où viens-tu ? que fais-tu ? pourquoi fais-tu ça ? ... Bref, tout se déroule petit à petit. Au bout de cinq minutes, on prend les coordonnées mail et ... on finit peut-être par se présenter aux élections. Ici, à Kigali, en comptant 20 contacts par jour, il me faudrait 40 000 jours pour être maire de la capitale du Rwanda !! Tout ça pour dire que les gens sont très accueillants et n'en veulent pas trop aux français semble-t-il (je n'avais pas du tout eu cette impression lorsque j'étais venu en 2008). Le deuxième juge français qui a établi des conclusions qui paraissent logiques sur l'assassinat du précédent président, a, à l'évidence, rassuré bon nombre de rwandais (francophones). Et pourquoi tu ne parles pas anglais ? Je réponds : juste quand il faut, et puis ... tout le monde parle anglais, et le francais est si beau, si nuancé ... Le français, m`a répondu un rwandais, est la langue de l'Amour, l'anglais est la langue des affaires ... Il a tout compris celui-la !

Taxi-moto : vous connaissez ? Prenez une belle moto indienne quatre temps pour faire moins de bruit, un conducteur jeune de préférence, plutot habile pour zigzaguer entre les voitures, les piétons, les camions, les bus, les vélos, et vous grimpez à l'arrière. Le casque est évidemment obligatoire mais ne peut pas se serrer à votre tête, donc il s'enlève de la tête lorsqu'on dépasse 40 km/h (il faut le tenir) ; la visière est bien sûr fendue, et vous agrippez derrière vous l'anneau métallique qui doit servir à vous tenir. Pas trop à l`aise ? Il ne faut pas avoir trop de mauvaises pensées ... alors vous flattez le conducteur pendant qu'il slalome, et ... finalement, vous arrivez à bon port pour pas trop cher. Expérience amusante ! Je pensais prendre mon vélo pour aller changer de l'argent mais ... la roue avant était crevée ! Comme la nuit tombe très vite dans ce pays, j'ai pris un ... taxi-moto. Kigali comme Bujumbura au Burundi est envahi par ces taxis à bas prix. Pas de taxi-velo cependant ...

9h-13h 35 km +240 -180

Vendredi 3 février 2012

Texto reçu à 14h45, heure française : suis arrivé à Gisenyi. Internet demain.

Ah! l'Afrique ... Tout est toujours ok quand on demande, toujours oui ... pas contrariant ! Ce vendredi matin départ de l'hôtel à la nuit car on m'avait dit qu'il fallait être à la gare routière à 6h pour le départ du grand bus qui pouvait charger mon vélo. Les routes de Kigali sont bien éclairées, pas trop de circulation ... juste un vélo-fantome déambulant au pif pour essayer de retrouver le chemin de la veille qui m'avait conduit après pas mal de détours à ladite gare routière. Environ 15 km à faire. J'ai finalement trouvé le bon itinéraire, plus court qu'hier ! Nuit noire avant la gare routière. Attention aux trous. J'éclairai avec ma frontale. un gentil moto-taxi m'a suivi pour m'éclairer un peu plus. Merci. Au bureau de Virunga business class, trois dames : le vélo ... ne peut plus être chargé. Je leur raconte l'épisode de la veille où l'on m'avait dit : pas de problème ! J'ai envie de me facher, mais c'est le matin de bonne heure ... alors je leur dis qu'il fallait me trouver une solution ! Palabres, coups de téléphone ... le grand bus peut peut-être charger le vélo. Quand ? ... dans la journée ! Je fais le pied de grue au milieu d'une foule gesticulante au milieu des centaines de petits minibus qui partent dans toutes les directions. Le grand bus à 8h ! puis ... le grand bus à 9h ! puis ... là, tu vois le grand bus ? C'est en réalite un bus un peu plus grand que les petits ! Il est 10h. Le coffre pour mettre le vélo est tout plat. Le vélo ne rentre pas même sans les sacoches. Je tords le guidon. Ca rentre jusqu'à la moitié. je finis par démonter la roue avant et ... juste juste, ça ferme. Ouf ! Les cinq sacoches et le grand sac à dos sont engouffrés dans le bus ... bondé. Dur le voyage mais ... je finis par arriver à bon port : Gisenyi la belle est là devant avec le superbe lac Kivu.

Une foule de gamins s'agglutine autour de moi et autour du bus. Je remonte méthodiquement tout : roue avant, guidon, réglage des freins, fixation des sacoches. La chaîne était coincée... Tchiao les momes ! ... Sous les applaudissements j'essaie de me faufiler vers la sortie. Pas d'asphalte bien sûr, du dur de dur avec des cailloux vilains ... Je finis par descendre vers le lac et trouve là ... une superbe route goudronnée presque vide de circulation. Hello ! ... je m`arrête. Un cycliste jeune m`interpelle. C'est un guide de l`office du tourisme qui me donne une belle carte de Gisenyi et du Rwanda. Je l'invite à prendre un pot. Fils d`un papa ivoirien et d'une mère rwandaise, il a choisi le Rwanda avec le lac Kivu, a tracé le premier circuit pour vélo longeant le lac côté rwandais avec haltes lodge et camping (250 km). Un gars sympa ... Je file hors de Gisenyi vers le sud pour trouver le Paradis Malahide Lodge où Tom, de Rwandan Adventure m'a réservé deux nuits. Ce soir, je plante ma tente.

5h-15h 55 km +320 -275

Samedi 4 février 2012

Nuit au bord du lac Kivu. Pas froid sous la tente. Au matin, tsi, tsiiiiii.... Vite le spray anti moustiques ! Redodo ... Le clapotis de l'eau et la lumière du jour finissent par arrêter ma longue nuit. Omelette aux oignons pour le petit déjeuner. Toilette, rasage. Départ à vélo pour Gisenyi à une quinzaine de km. Repérage pour la frontière avec le Congo et surtout pour retrouver la route de Kigali que je dois prendre mardi après le Nyiragongo. A mes questions, des réponses toujours positives, à l'africaine. L'un me dit c'est par là, l'autre c"est justement de l`autre côté ... Je finis par trouver après une bonne heure d'aller-retour. Et ... je finis par trouver un cybercafé dans un étage de maison !

Le lac Kivu, petit paradis ... c'est vrai. Mais un enfer de paradis car le diable rode au fond du lac. Il y a des millions de m3 de méthane qui dorment au fond - pas en sous-sol non au ... fond du lac. Je rencontre un plongeur qui travaille pour l'entreprise francaise (Chambery) qui doit extraire le gaz. Je suis à la base travaux et je vois tous les ateliers qui assemblent les tuyaux (de 50 cm de diamètre, épais de 3-4 cm) en les soudant pour la longueur voulue. Puis, on tire avec un bateau le tuyau et on le laisse se poser au fond du lac. L'entreprise a un système sous-marin de pompage qui n`a pas marché jusqu`à maintenant mais qui devrait trouver la solution pour pomper ce gaz, le filtrer, afin qu`il alimente une centrale électrique. Le Rwanda serait largement assuré pour sa consommation à condition que le réseau de distribution soit à la hauteur ... Au fond, loin dans le lac, une tour de forage : ce sont les israeliens qui essaient une autre solution technique.

Le problème est que deux volcans tout proches et actifs sont là : le Nyaburagira et le Nyiragongo, avec deux systèmes de failles différents. Le Nyaburagira vient de produire trois mois d'explosions, le Nyiragongo a ce lac de lave toujours en fusion qui de temps à autre comme en 2002 dégueule vers Goma/Gisenyi au ... bord du lac avec une agglomération de plus d'un million d'habitants. La tempête sur le lac Kivu avec une inversion des eaux et la ... d'après les spécialistes, tout peut sauauauter !!

7h-14h 58 km +155 -125

Dimanche 5 février 2012 - Lundi 6 février 2012 Volcan NYIRAGONGO

Départ prévu pour le volcan Nyiragongo à 8h. On doit passer me prendre au lodge. Personne ... Je fais téléphoner : dans cinq minutes ... Innocent arrive avec son chauffeur. Innocent est le guide. On rejoint huit autres personnes, toutes américaines sauf deux : un espagnol et un allemand. On change de véhicule pour la frontière Congo/Rwanda. Formalités classiques côté Rwanda. Rebelote côté Congo. Une heure passée. On change à nouveau de véhicule pour deux 4x4 très confortables et récents. Trente km de pistes. On arrive à Kibati, l'entrée du parc national des Virungas côté Congo. Le directeur du Parc nous fait les commentaires d'usage sur la sécurité. La taxe d'entrée pour le volcan est de 200$ par personne (déjà payée). A 11h, l'équipe s'ébranle. J'ai pu récupérer deux batons de ski ... (pour le vieux !). Traversée douce mais rapide en forêt. La pente devient plus raide au bout de 20 minutes. Ca marche vite. Devant, un garde armée, au milieu les toutous, puis derrière le guide, les porteurs et les militaires armées. Il faut dire que l'an dernier 12 gardes du parc ont été tués. Je signale au guide que la marche est trop rapide, et lui montre à quelle vitesse on marche dans les Pyrénées. Halte 1h après. Et ... on prend le rythme pyrénéen. Deuxième halte à l'endroit où le volcan en 2002 a craché sa lave qui est descendue jusqu'à Goma (près de 1 million d'habitants). On sort de la forêt, on commence à trouver les seneçons et les lobellis. La pente se durcit encore. Pas mal de personnes commencent à peiner. Et ... là haut, à 30 minutes, on voit les six petites cabanes qui vont nous accueillir pour la courte nuit, tout au bord du ... cratère ! J'arrive le premier (avec l'accord du chef) ... Miracle attendue mais qui dépasse ce que j'imaginais : le lac de lave est bouillonnant tout au fond vers -500 m (on est à 3500 m). Il y a une première terrasse circulaire (mais tout est circulaire ici), puis une deuxième terrasse et des éboulis qui montent jusqu'au bord du cratère où nous sommes. Le diamètre du cratère est de près de 2 km. On ne fera pas le tour car c'est interdit à la suite de l'accident d'un japonais qui a basculé dans le ... cratère et qu'on n'a jamais retrouvé. La nuit sera magnifique, non elle sera exceptionnelle par la beauté de la Vie au-dessous de nous. La lave à 1200 degrés est en constants mouvements de gauche vers la droite par des processus de subduction. A peine sortie des quelque 15 km de cheminée magmatique, elle cesse de rougir avec le contact atmosphérique (la température baisse fortement puis repart très vite par convection dans les entrailles de la terre. La lune arrive. Les rougeurs sont flamboyantes avec des motifs que les mathématiciens pourraient peut-être expliquer. Je prends des photos, je filme ... dans tous les sens. Durant la nuit, le lac de lave déborde jusqu'au fond de la première terrasse. Trois fois, le processus se produira mais seulement au cours de la nuit. La nuit dans la cabane avec le guide Innocent pour co-habitant sera tumultueuse en raison du vent très violent qui a soufflé sur les toles de la toiture. 5h, le réveil sonne pour aller admirer le lever de soleil. Le lac de lave est toujours magique. On se déplace de quelques centaines de mètres vers l'est jusqu'à l'endroit où l'on a installé un treuil et les cordes pour descendre dans le coeur du cratère. Une pensée émue pour les pionniers qui ont osé cet exploit. Mais ça fume de partout dans la paroi et jusqu'à l'endroit où nous sommes pour le lever de soleil. C'est bigrement impressionnant ! C'est à la fois chaud et acide, comme si l'activité du volcan se passait là sous nos pieds ... Imaginons le reste ... Lever de soleil somptueux avec les volcans Karisimbi et Bisoke (que j'avais gravi en 2008). Enièmes photos. Petit déjeuner avec thé et pomme. La descente est décidée. Le temps est toujours très beau. La descente directe sera un peu longue pour certains du groupe peu habitués probablement à ce genre d''exercice un peu en déséquilibre permanent. On finit par arriver à l'entrée du parc où les voitures étaient déjà arrivées. Retour par les coulées de lave qui ont traversé une grande partie de Goma. Impressionnant comme les gens reconstruisent sur la coulée : c'est tout noir, pas une herbe, c'est archi peuplé ... Frontière à nouveau avec les mêmes formalités à l'envers d'hier. La douane Rwandaise fait du zèle en nous demandant de vider tous les sacs. Séparation du groupe. Innocent me reconduit au lodge non sans avoir acheté des bananes, quatre pommes, du cocacolac, à des prix jamais vus dans tous mes voyages. C'est le business m'a dit Innocent. Deux personnes avec lesquelles j'ai échangé pas mal : l'espagnol et l'allemand qui est journaliste de la TV publique allemande. Je lui ai donné pas mal d'idée de reportage sur la région, et je lui enverrai les films donnés poar Françopis Le Guern, compagnon de toutes les aventures d'Haroun Tazieff. Arrivé au lodge vers 13h : plat de spaghetts, bière, douche, sieste. Calme tranquille : spectacle u-ni-que de la Nature ...

Lundi 6 février 2012

SMS reçu : Volcan Nyiragongo fabuleux retour 7 aprem, demain velo pour Ruhengeri

Mardi 7 février 2012

Départ matinal ce matin car je voulais pédaler le plus possible à la fraiche. Petit déjeuner omelette, café au lait, fruits. Le Mulet est assez lourdement chargé surtout sur la roue avant qu'il faudra que j'examine un peu. Arrivée à Gisenyi depuis le lodge calme et avec un éclairage du matin très spécial du coin probablement. De part et d'autre de la chaussée asphaltée, un foule ininterrompue de gens vont à la ville souvent très lourdement chargés le plus fréquemment avec tout sur la tête ou sur le dos avec un bandeau sur la tête qui va porter le poids en grande partie sur la nuque. Certains ont quelques outils précieux dans la main : niveau et scie égoïne, scie à métaux, tenaille, moulin à mortier ... La sortie de Gisenyi est dure : ça monte sec mais il fait bon, la températuire est clémente. Ca va toujours monter pendant environ 40 km. Partout des gens marchant de part et d'autre de la chaussée. Des copains cyclistes m'accompagnent un moment : c'est l'équipe rwandaise de vélo de compétition qui s'entraine ! Un patineur à roulette m'accompagnera durant au moins 20 km, et finira par lacher prise avec le pouce levé ... Curieux : des pyjamas roses sur la route. Des prisonniers encadrés par des militaires et des gardiens de prison marchent en rigolant. J'ai quelque peine à les regarder imaginant ce pourquoi ils sont dans cet état ... Au bout de cinquante km, la pente s'atténue. La lente progression devient plus rapide avec les plats et les descentes qui conduisent à Ruhengeri appelé maintenant Musanza. Je m'arrête à l'hôtel où j'avais logé en 2008 pour saluer les patrons. Trois petits nains sont là, cravatés avec chemise blanche et pantalon gris anthracite. Ce sont trois frères me dira la patronne. Ils ont plus de 50 ans. On leur en donne dix fois moins. La patronne accepte que je pose ma tente dans l'enceinte de l'hôtel. Deux frères rwando-congolais m'offrent une verre : j'ai droit à leur récit de vie. L'un est propriétaire d'un lodge, l'autre est médecin, marié à une suisse, directeur pour le Rwanda de toute l'épidémiologie. Il me propose de passer un moment lorsque je serai à Kigali dans trois jours.

7h-14h 64 km +1423 -1085

Mercredi 8 février 2012

Sympa la nuit sous tente dans la propriété de l"hôtel Muhabura, pour 5000 FRW soit 7 euros. La soirée de la veille a été très loquace avec le nouveau gérant de l`hôtel qui fut, comme le monde est ... petit, gérant pendant deux ans à l`hôtel des chutes à Ciangugu, là où, en 2008, je n'avais pas voulu passer une nuit de plus et .... la nuit suivante, il y eut un terrible tremblement de terre de force 6.8 avec dans Ciangugu une trentaine de morts. Etonnants ces parcours de vie qui font aller d`un site à un autre, d'un pays à un autre, en laissant la famille pour espérer travailler et gagner un peu d'argent coûte que coûte ... La route de Ruhengeri à Kigali est à l'image de celle de Gisenyi à Ruhengeri : très bonne - les chinois la termine juste - très populeuse et ... très 1000 collines ! Comprenez bien : ça monte et ça descend et ça ... remonte ! Un point que j'avais un peu négligé : la chaleur ... un mot un peu provocateur alors que la France se gèle les pinceaux depuis quelques jours ! Le trafic est beaucoup moins dense qu'escompté. Vers 12h, je parviens à un endroit insolite : un immeuble des plus modernes à plusieurs niveaux avec une couverture totale de glaces bleutées. Etonnant dans cette succession de verdure arborée ! Après information, c'est un entrepreneur qui a décidé de construire, avec tout une floppée de magasins attenants, et, bien sûr, un bistrot avec ... une bonne Primus bien fraiche (vous avez deviné ... c'est la bière indispensable à un parcours vélo !) Prix étonnant : bien 30% moins cher qu'ailleurs. Je m'attable pour une bonne platrée de spaghettis bolognaises. Un convoi de semi-remorques du HCR s'arrête. Depuis le début, je note une présence très marquée des ONG liées à l`ONU. Après interrogation, leur efficacité est pas mal mise en doute par les locaux. La pluie survient ... Je me mets à l'abri d'un coin de maison, entouré de bon nombre d'habitants des lieux qui regardent, touchent le Mulet avec des signes de marque de connaisseur ... Je poursuis ma quête vélocipédique jusqu'à un endroit où, normalement, je dois trouver une paroisse recommandée plusieurs fois à Ruhengeri pour l'accueil des bipèdes errants ! Oui ... mais, il faut quitter la si belle route asphaltée pour gravir au moins 500 m de dénivelée sur une piste tout orangée de terre et de ... très beaux cailloux ! Hardi mon gars ! On y va. Le Mulet flageole un peu moins de l'avant. Je lui ai resserré les boulons de ... l'axe de la roue que j'avais, dans la précipitation de la gare routière de Gisenyi, pas très bien vissés. Au bout de quelques km de cette piste difficile sur laquelle j'ai tout basculé à gauche (dérailleur et plateau), j'arrive au bout du chemin de croix tout la-haut dans le ciel sur la colline. Très beau panorama ! La route tout en bas est toute petite. Des enfants, un religieux ... je demande si je peux planter ma tente. Bien sûr, et je suis conduit à la cuisine pour ... une bonne soupe de légumes frais, puis une bonne douche chaude, et, bien entendu, une chambre avec tout ce qu'il faut : draps, serviette, savon et ... de multiples clefs car ... on ne sait jamais ! En réalité, c'est plus qu'une communaute religieuse : il y a des soeurs, des moines, mais aussi les prêtres de l'énorme paroisse très étendue de Rulindo et une école secondaire. Les enfants montent tous à pieds, en uniforme comme dans beaucoup de pays au monde, jusqu'au sommet de la colline où se trouve l'école. Tout le monde est très fier car les scolarisés de Rulindo ont tous été recus à leurs diplômes academiques : bien sûr, l'enseignant que je suis, apprécie. De très nombreux batiments de brique, un atelier pour le travail du bois avec une très belle machine combiné de marque francaise (SICAR) qui ferait baver les connaisseurs, des dortoirs, des salles de réunion, de cours, une grande et ancienne chapelle (des années 1930 avec une très belle charpente en bois. Les toitures sont en tuiles canal locales mais malheureusement de plus en plus remplacées, comme pour les maisons, par de la tole et du bac acier. Quelques beaux meubles faits à la main ne semblent plus faire partie du patrimoine ... Un italien est là, architecte de métier, venu aider les religieux pour la restauration et un meilleur agencement des batiments. Très critique est son appréciation du pouvoir de l'église catholique au Rwanda tout particulièrement depuis la présence de la Belgique (années 1930). Le repas du soir est émaille de pas mal d`interrogations sur ce que je fais, qui je suis, et ... sur les thèmes inévitables de l'apport de la Belgique dans la phase coloniale, le role et la mission de l'église catholique, les questions politiques sur l'avenir présidentiel en France, sur l'évolution du Rwanda .... le tout venant bien sûr après le match de foot à la TV qui, je pense, est tout aussi important que la messe quotidienne ... Coucher tardif.

7h-15h 68 km +1875 -1695

Jeudi 9 février 2012

Très bonne nuit près des étoiles ... La mer de nuage est là ce matin en dessous de moi. Petit-déjeuner avec l'architecte italien vraiment très sympathique. Ciao ! La descente de la piste orange truffée de creux, de bosses, de cailloux en relief, se fait tout doucement. L'asphalte est là ! Ouf, c"est tout de même mieux un bon goudron ! Ca monte toujours, encore un peu, toujours un peu (ça forge le caractère m'a-t-on dit), les fonds de vallons sont très occupés par les cultures, et ... quelques cultures en terrasse font leur apparition. Une technique nouvelle qu'ils ne pratiquaient pas. La terre était remonté tous les ans à dos d'homme. Un petit défaut encore semble-t-il : les pieds des terrasses ne sont pas empierrés, la terre est à nu, parfois un peu enherbée mais ... bonjour les dégâts de la pluie ! Ce sera pour l'étape suivante ... Le chantier chinois apparaît, tout proche de Kigali maintenant. Dans quelques jours, la route Kigali - Gisenyi/Goma sera toute neuve, bien enroulée autour des collines : vive le vélo ! Bien sûr, je me paume dans la capitale et je remonte des pentes qui, je le croyais, devaient me raccourcir les distances pour traverser la ville et rejoindre l'hôtel Le Printemps. Je rallonge énormément en réalité (et pourtant j'ai emporté GPS et boussole). Je finis par utiliser le système D : "Où est le stade ?" Ca au moins les gens connaissent. Je finis par m'attabler tout à côté pour avaler ... devinez ! .... des spaghettis bolognaises (mais je crois qu'ils ont mal compris le qualificatif bolognaise) et une super Primus grand format ! Il est 13h, le soleil est au plus haut. Le chapeau en feuille de choux de Dominique me sied fort bien ! Plongée ensuite vers l'hôtel Le Printemps. Le patron Aaron (vous vous rappelez l'ancien ministre et ancien député) m'accueille en me posant mille questions mais ... direction la douche. Maissss... l`eau de la douche n'arrive pas .... alors internet, maisss ... internet ne marche pas. On me dit qu'il faut un ... peu de temps. Je vais alors taper le message suivant adressé à Dominique, à Laure, à Thomas :

e-mail reçu:

Je suis arrivé à Kigali tout à l`heure : très chaud et bonnes côtes à vélo ! Hier pas de possibilité internet ni téléphone. Aujourd’hui je suis revenu à l`hôtel Le Printemps mais internet est en panne. Je suis allé à côté. J'espère que demain ce sera réparé. Je mettrai mes chroniques.

Je vais aller demain matin à la gare routière pour essayer de trouver un bus de Rusumo à Singida. Je rappelle que ce tronçon en Tanzanie est réputé pour les bandits. Donc je veux le passer en bus (600 km). Mais je sens que ça ne va pas être évident malgré tout ce qu'on m'a dit. Je repars de Kigali à vélo normalement samedi pour être à la frontière Tanzanienne à Rusumo dimanche soir ou lundi selon les horaires et jours du bus espéré.

En revenant à pied à l'hôtel : "Prof !" J'entends des voix dans la rue. Je me retourne et reconnais Gaspard Gaparyi qui a été doctorant à Pau et qui m'a reconnu de sa voiture en compagnie de sa fille et d"une cousine. Le soir à l'hôtel, alors que je sirotais ma bière devant une assiette de ... spaghettis bolognaises, Gaspard, géant gaillard, commande une brochette de chèvre et des bananes. Peu après, le patron de l'hôtel Aaron - l`ancien ministre - l'ancien député - se joint à nous. Gaspard et Aaron se connaissent : retrouvailles avec francais pour témoin ...

7h30-14h 73 km +1450 -1560

Vendredi 10 février 2012

Chasse au bus ce matin. Il faut que j'arrive à trouver un bus qui me fera éviter la zone des bandits c`est-à-dire le secteur après Rusumo (frontière avec la Tanzanie). Et, j'ai prévu que ce bus passe lundi 13 dans mon planning ... Direction, une nouvelle fois, la gare routière de Kigali à 15 km. Kampalacoach a des bus superbes mais l'agence m'indique qu'ils ne passent pas par ... Rusumo. Toutes les indications glanées ça et là m`orientent vers la compagnie Takwa. Et ... je vois un grand bus Takwa qui part de la gare routière. C'est ce qu`il faut pour le Mulet ! Après moultes palabres, explications avec schéma et calendrier à l'appui, il y a bien un grand bus Takwa qui part de Kigali et qui passe par Rusumo et Singida, cette localité tanzanienne où je compte reprendre ma marche à bicyclette. Ce bus part demain samedi ou mardi prochain. Je comptais lundi. J'opte pour un billet pour mardi prochain pour Rusumo où je mettrai le vélo en travers pour qu'il s'arrête et "nous" embarque. Car je vais à Rusumo en vélo en deux jours. Mais le prix du billet est le même si je pars de Kigali ou de Rusumo (pas de petits bénéfices avec les Muzungus). Coût total 20 000 Francs rwandais pour le Muzungu et 5000 pour le Mulet. Je ressors de l'agence avec un très beau billet plein de couleurs. Je fais bien vérifier que c'est pour mardi et non pour demain samedi, que le vélo est inscrit dessus ... Espérons que tout ça marche : imaginez le Musungu avec son vélo à la frontière tanzanienne faire mille gestes de singe pour finir par voir passer le bus plein pot devant son nez et ... resté planté ... là ... au milieu des chutes de ... Rusumo !

Après avoir réglé cette question du bus, je suis monté au mémorial du génocide de Kigali, situé sur une colline au nord de la ville. On y a entassé 250 000 corps et morceaux de corps dans des fosses communes. Ce ne sont que ceux de la ville de Kigali. Je rappelle qu'en un peu plus d'un mois en 1994, on s'accorde à évaluer à près d'un million de personnes les tués du génocide dans tout le pays. Le mémorial est relativement soft c'est-à-dire qu'on présente une série de panneaux avec photos et documents, un raccourci de l'avant, pendant, après le génocide. Marquante est l'absence de réaction des organisations internationales pourtant informées de la situation regulièrement par les militaires non rwandais présents alors. Une grande salle d'archives est accessible au public mais en fait c'est seulement un accès par internet à un site permettant de visionner des témoignages et quelques documents. A noter que l'interpretation toute journalistique de la guerre entre Tutsi et Hutus est assez contestée, les Tutsi ayant été ceux qui étaient considérés comme les plus fortunés. Notamment, on devenait Tutsi lorsqu'on possédait au moins dix vaches, est-il écrit sur un panneau. On note encore les réactions ambiguës et surtout les absences de réactions de l'église catholique rwandaise. En parlant avec une haute personnalité du pays, j'ai pu entendre que lors des massacres, on a pu donner la communion à des hommes aux vêtements souillés de sang avec machette au poing ... Il est certain que le dernier résultat consigné par le juge francais venu à Kigali avec des experts en balistique, atténue quelque peu le différend franco/rwandais ... Toutes les personnes m'ont confirmé un certain apaisement des tensions entre la France et le Rwanda. On m`a encore dit que la vérite serait connue d'ici 50 ans. Pourquoi 50 ans ? Mystère ...

Au fait, Monsieur Matata - vous savez le Masai de l'agence du même nom avec qui j'avais communiqué en anglais par internet pour faire le volcan Lengai près du lac Natron - vient de me dire par mail que c'est sa seigneurie Matata soi-meme qui sera au rendez-vous prévu au Fig campsite de Mto Wa Mbu le 18 fevrier en fin d'après-midi. Croisons les doigts que le bus de Rusumo me prenne et que les 4 jours de vélo qui suivent se déroulent normalement pour trinquer avec ... Matata le !8 après-midi, et partir pour le Lengai le lendemain.

8h-15h 54 km +180 -158

Samedi 11 fevrier 2012

Grasse matinée : lever 7h30. Je reste donc un jour de plus a Kigali, le bus de Rusumo me prenant mardi au lieu du lundi escompté. Matinée très agréable surtout quand je pense à la froidure et surtout à la neige qui vous assaillent dans les Alpes, les Pyrénées, et peut-être même dans la région toulousaine.

En prévision de mes deux jours de vélo avant la frontière tanzanienne, je dois reflechir pour bien éviter de me faire piéger par la nourriture, le couchage, le vélo, l'argent à changer - puisqu`il me faudra des shillings tanzaniens, et ... à ne pas me tromper de jour ! Heureusement Dominique veille ! Je dois aller changer des dollars US contre des shillings tanzaniens. "Oui, bien sûr, on a des shillings" mais lorsque je veux mettre en pratique alors ... ah! mais non, on n'a pas ... Quatre fois dans quatre forex c'est-à-dire quatre bureaux de change. "Il faut aller dans le centre-ville". Re-vélo dans le centre de Kigali. Un forex se pointe. "Pas de problème". Combien le change ? Il me tape quelques chiffres sur la calculette et je lui dis que je ne suis pas d'accord (je n'avais aucune idée du change bien sûr !). Le collègue vient à son secours avec une autre calculette. Je vois que ça correspond à peu près. D'accord pour 100 dollars US que je lui ... donne. Puis, hésitant, il regarde le collègue, met les 100$ dans une liasse de billets. Toujours rien. Je flaire le coup fourré et hausse très vite le ton. Il finissent par me dire qu'ils n'ont pas de shillings tanzaniens. Ils me rendent les 100$ en s'excusant ... Ouf! ... et me demandent de les suivre jusqu'à un autre forex où, là, l'échange se fait avec la même contre-valeur : 1$US pour 1375 shillings tanzaniens. Chaud ... j'ai eu ... dans tous les sens du terme. Naif que je suis ! Direction l'Ambassade de France pour dire bonjour. Le quartier est très résidentiel c'est-à-dire qu`il n`y a que des grandes propriétés avec de grands parcs dont celui du Président du Rwanda pas loin du ... drapeau francais. Barricadée - comme une ambassade, l'entrée est filtrée mais aucun francais. On me dit que c'est samedi et demain dimanche ... Je ne suis donc pas très étonné de n'avoir reçu aucune réponse à mes deux propositions de conférence sur la gestion comparée des parcs nationaux francais et rwandais ... Il commence à faire très chaud. Je retourne vers mon bistrot favori et ... me fais invontairement payer à manger par Leon, un sud-africain travaillant pour une compagnie pétrolière qui me dit que c'est le meilleur coin de Kigali pour échanger. Je lui dis que le poulet qu'il a choisi ne vaut rien (on ne voit que les os comme pour moi hier). Il me prend par les sentiments en me disant que le Bordeaux est le meilleur vin du monde ! Aussi, commande-t-il deux flacons de vin rouge de ... l'Ouganda voisin mais c'est ce qu`il y a de mieux dans ce bistrot. Il me fait l'éloge des brochettes de poisson. J'exécute ... et nous voila papotant en franglais lorsqu'une vision inédite nous surprend : deux Masaïs en vraie tenue d'origine arrivent, nous font un peu d'ombre un moment, et s'assoient pour siroter deux bières avec ... l'inévitable smartphone en action. Vision étonnante de ces deux êtres sortis de nos meilleurs films qui sont là les pieds en éventail (et quel éventail !) regardant avec passion un match de foot à la ... télé ! On les salue bien bas, ils nous répondent de même mais ... au bout d'un moment, le soleil les atteignant un peu trop fort, ils décident de changer de lieu pour ... plonger dans l'ombre d'un petit réduit voisin. Sont-ce bien de vrais Masaïs ? Le sud-africain Leon est aussi "espanté" que moi ! Mais que font-ils donc au Rwanda ? Et comment sont-ils arrivés dans ce lieu pour initiés où les échanges verbaux vont bon train au rythme des commentaires des footeux de la télé ! Le statut de Prof est pas mal finalement car je dois très mal le porter puisque Leon me dit être très honoré de partager la table d'un ... Prof, et veut absolument payer l'addition. Encore un qui s'est fait piéger par la douceur du climat local puisqu'il me dit avoir un deuxieme bureau au Rwanda ! ... Avant de rentrer taper ces lignes, je passe à l'épicerie du coin acheter ma dose journalière de Coca, du fromage de vache rwandais, une boite de sardines à l`huile pour ... au cas où ... demain et les jours suivants ! Car je dois bien tout calculer pour être au rendez-vous du volcan Lengai avec Monsieur Matata (un Masaï un vrai) qui m'attend à Mbo Wa Mtu le 18 fevrier après-midi. Car, avec le retard d'un jour pour le bus de Rusumo à Singida, je n'ai plus de jour d`avance.

Dimanche 12 février 2012

Kigali à Ngoma, une centaine de km. Un jour de plus que prévu pour joindre Rusumo, la frontière tanzanienne, le bus de Takwa ne passant que mardi prochain au lieu du lundi prevu. Il faudra mettre les bouchées doubles pour pédaler et être au rendez-vous ... lointain ... en km de Mto Wa Mbu avec Matata pour le volcan Lengaï ! Ce matin à la fraiche, départ tout doux vers l'aéroport de Kigali qui doit bientôt devenir un aéroport militaire, un nouvel aéroport civil devant être construit un peu plus au sud. Je pense bien sûr aux évènements de 1994 en passant la colline de Kanombe d'où, d'après le rapport du juge français Trevidic, aurait été abattu l'avion de l'ancien président rwandais. Et ... bien sûr, je me trompe de route. Heureusement la vraie route de Kayonza n'est pas très loin. Je descends une raide piste bosselée et retrouve assez vite la bonne route. Curieuses, ces maisons neuves sur la gauche qui font penser à une résidence de riches avec gardiennage. A droite, des grandes réserves d'eau qui doivent être des piscicultures. Tout est au carré. Les bassins sont alignés. Beaucoup de maïs partout. Le Rwanda (et, plus loin, la Tanzanie itou) va bientôt concurrencer les Landes ! De très grosses différences entre le Rwanda de l'ouest, du nord, et le Rwanda de l'est. Ici, vers la Tanzanie, l'ambiance est très différente : apparemment moins peuplé, moins accueillant ... Beaucoup de cyclistes me suivent et m'accompagnent. C'est presque la course du Rwanda ! Des montées bien sûr encore et toujours, quelques trop rares descentes ... J'arrive sous la chaleur énorme, à Kayonza, grand carrefour routier nord - sud - ouest. Pause bière et casse-croute avec riz et un squelettique morceau de poulet très cuit. Bonne la bière ! Sous le cagnard, je reprends la route vers le sud pour gagner quelques km supplémentaires. Toujours des montées et descentes avec les enfants qui trottent à côté de moi. Je finis par arriver à Ngoma. Une fanfare défile au pas cadencé pour une fête religieuse anglicane d'après ce que j'ai compris. Un lieu pour loger ou planter ma tente ? Les réponses à mes questions sont, bien sûr, contradictoires. Je fais des va et vient pour finir par revenir à la route principale qui conduit à la frontière tanzanienne. Là, un lodge m'est signalé mais ... en réalité un vrai bouiboui ... la douche est cassée, les wc sont hors d'usage ... un grand lit néanmoins avec une moustiquaire ... trouée. Un réduit tout noir. Je m'en contente pour cette nuit après plus de 100 bornes sous le cagnard. Repas frugal le soir. Nuit correcte. Matin ... difficile pour trouver le cook qui doit me faire l'omelette demandée. Ca ira quand même. A déconseiller toutefois pour les touristes normaux !

7h-16h 110 km +933 -840

Lundi 13 février 2012 : de Ngoma à Rusumo, la frontière tanzanienne

Départ vers 7h. La route est ombragée. C'est bon de pédaler par cette température matinale. Des marques sur la route. Peu après, un énorme camion de carburant ... renversé. Impressionnant ! C'est dans une descente en virage ... De l'autre côté de la chaussée, des hommes discutent et rigolent en me voyant passer. Toujours plein d'enfants en uniforme pour l'école m'accompagnent. Les adultent rigolent, les enfants courent et font la course avec moi. De futurs coureurs de fond à n'en pas douter car ils tiennent longtemps ! Des cyclistes prennent le relais avec toujours les mêmes vélos sans dérailleur qu'ils poussent comme des forcenés. Ce sont des vélos-taxis. Ils portent un riche bipède, certainement, qui depuis le porte-bagage tient la discussion avec moi, de temps en temps en français, le plus souvent en anglais. Les fonds de vallons sont très cultivés, avec des parcelles au carré. Descente vers ... Rusumo c'est-à-dire la frontière avec la Tanzanie. Une frontière avec passage très étroit, bourré de camions arrêtés de part et d'autre, tant côté rwandais que côté tanzanien. C'est la rivière Akagera qui fait frontière. Juste au sud, on voit à quelques centaines de mètres la confluence de la rivière Ruvubu (qui prend naissance au Burundi dans le parc national du même nom) avec la Nyabarongo river qui arrose le Bugesera au Rwanda. Comment passer la frontière ! Mon vélo à la main, je sollicite des personnes qui semblent pouvoir me renseigner. Je tombe juste. J'apprends qu'il y a 80 personnes rwandaises payées par l'Etat pour faciliter les passages. Bien sûr, une bière doit être payée. Deux personnes donc se font rincer gratis mais ... elles me font une bonne transaction pour le change en shillings tanzaniens (bien meilleur qu'à Kigali puisqu'ici j'ai eu 1500 shillings pour 1 dollar US alors qu'à Kigali ce fut 1370 shillings pour ... 1 dollar !). Je passe la frontière entre les camions et finis par trouver une chambre bouiboui tout là haut pour dormir. Mon vélo est monté avec les sacoches. Maintenant ce sera l'attente jusqu'au lendemain matin pour le bus Takwa ! Cet endroit est infame, noir, bruyant, plein de bestioles. Je finis par trouver un bout de nourriture acceptable. Le bureau Takwa n'est en réalité qu'une cabane en bois de 1 m2 à peine sans aucune indication. L'employé Takwa n'est pas là ... J'attends ... des heures durant. Il finit par se montrer, me regarde le billet de bus pris et payé à Kigali. Good ? Yes, to morrow in the morning at 6h ... Je commence à être un peu plus rassuré. Dure attente psychologique jusqu'au lendemain. Allez, dodo ...

7h-14h 64 km +852 -1109

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Mardi 14 février 2012 : de Rusumo - Singida avec un speedy bus

La descente des escaliers très raides avec le vélo et les sacoches dans la nuit du matin fut assez chaotique mais ... je n'ai pas chaviré ! Nuit noire, personne à 6h. Les camions stationnés partout dorment. Pas d'employé au bureau Takwa ... le jour pointe son nez. Pas de petit déjeuner bien sûr. 8h, pas de bus. La frontière est encore fermée. On me dit qu'il y a une queue très importante de camions côté Rwanda. Et si le bus ne passait pas ... Je fais taire les pensées stupides ! L`Afrique c'est toujours comme cela ! Akuna Matata ... Et, de fait, à 10h, le bus Takwa pointe le nez. Ils savent apparemment que l'umuzungu français a un vélo. On ouvre un coffre à l'arrière. Les sacoches sont démontées. Le vélo finit par rentrer, coincé un peu par les sacoches. Je monte dans le bus plein ... Ouf ! J'y suis ! Je vais enfin partir de cet endroit immonde ! Et .... c`est un bus digne du Paris-Dakar ! Impressionnante la conduite ! On a toujours l'impression que le bus va casser. La vitesse est excessive. Mais ce doit être la seule solution pour ne pas trop sentir les trous. Combien de fois tous les passagers ont sauté de leur siège ! Je pense au Mulet et compatis ! ... Arrêts multiples ... La campagne tanzanienne défile : mais, mais ... La journée passe ... Des vendeurs à la sauvette nous proposent des cacahuètes (oui, les singes muzungus à la fenêtre du bus !), des bananes ... Des marabouts sont pités sur des poteaux électriques : impressionnantes grosses bêtes ! Des baobabs ! ... La soirée arrive ... il y a 600 km de Rusumo à Singida ! ... Singida : arrivée vers 20h. La nuit est noire mais ... pleine de monde et de bruit. La gare routière ... le Mulet sort de son trou ... il me manque une sacoche ! Dans le noir, à la frontale, je cogne vite la caisse du bus. Ouf ! on m'entend. Le chauffeur sort, je le félicite pour sa conduite sportive à la Schumacher ! Il m'ouvre le coffre et ... la cinquième sacoche est là ! Le bus repart vers Dar es Salam. Je remonte tout sur mon vélo. Je suis entouré de monde, chasse les envies beaucoup trop agressives ... Hôtel ? Yes ... Stanley hotel. Avec un nom pareil, je me dis que ce doit être pour moi. Deux jeunes bipèdes me conduisent à la nuit noire. J'ai ma frontale. Deux km après, il est là ... Les bipèdes demandent chacun 1000 shillings. Je suis trop fatigué pour discuter. Stanley, un lodge à peu près correct. La douche est hors d'usage. Le lit est là. Repas correct. Fatigue psy ... je me couche sous la moustiquaire ... trouée. Le vélo est à côté de moi. A demain ...

Mercredi 15 février 2012 : de Singida à Katesh

Petit déjeuner très correct à l'hôtel Stanley. Départ vers 7h. La route vers Katesh est assez facile à trouver - directiion Arusha. La route est vite très bonne, très calme, avec très peu de circulation. Une route de rêve avec assez peu de montées. Très sympa de pédaler ainsi. Ca change des terribles chaos du bus d'hier. J'arrive à Katesh sans problème. Il fait chaud certes mais que c'est bon de pédaler ! Une guest house ? Oui, entre deux commerces le long de la route principale. Mais ... une chambre infestée de cafards ! Pas moyen d'avoir mieux. Je ne peux pas planter ma tente au milieu des noires flaques d'huile de vidange ... Le coin toilette s'allume. je le laisserai allumé toute la nuit car je me suis rendu compte que les cafards restaient planqués avec la lumière. Lunch chez Mama ! Il faut bien se ravitailler un peu ... La bière bien sûr ... double ! La Kilimandjaro est une bonne bière qui ressemble bien à la Primus. La nuit est ponctuée par les moustiques et les cre cre ... des supposés cafards. Ma lampe frontale est souvent allumée ... C'est plus psychologique que réel ... la lumière allumée du coin toilette doit faire effet. Le matin arrive. A la nuit noire, sans petit dejeuner bien sûr, je m'échappe vite de ce satané lodge de Katesh ...

7h-14h 99 km +685 -882

Jeudi 16 février 2012

Je suis enfin arrivé à Babati ! Aujourd'hui, 70 km mais 45 km de sacrée piste ...

Au départ de Katesh, la route est bonne, bien asphaltée. Mais ... les chinois sont bientôt là ! Ils refont la route comme presque partout en Afrique. Et ... ce sera 45 km de piste-galère avec de la tole ondulée, de la poussière, des bus et des camions qui vont à fond de train avec des chauffeurs qui doivent trouver un malin plaisir à faire gueuler les cyclistes et les piétons envahis bien évidemment par l'énorme poussière. On a l'impression que ces travaux ne finissent jamais. On peut tout à fait voir toutes les étapes pour réaliser une route. Tout le matériel est chinois. les ouvriers sont africians, les chefs sont chinois avec .... mais oui ... des gants blancs alors que l'on est en train de placer le bitume fumant ! Je n`ai pas pris la photo car trop excédé par la poussière et le cagnard chauffant ! But it`s true ! Des contrôles de police aussi ! Pauvres policiers qui font ce travail en pleine tempête de poussières ! Pchiiii ..... Dans une descente, gros bruit à ma roue arrière. Un gros morceau de fil de fer s'est planté au beau milieu de ma roue. La crevaison est nette, grosse. Des enfants m'aident à réparer. Je colle une rustine, gonfle, repars. Le paysage devient beau quelques km avant Babati, la ... grosse ville du coin. Les troupeaux de vaches, mélangés de chèvres et d'ânes, ont l'air plus importants. Les cultures se font sur des surfaces plus grandes. On a l'impression que quelques tracteurs sont là. Ce sera confirmé plus tard : des Ford et des Massey-Ferguson. A Babati centre, beaucoup d'animation mais pas d'hôtel. Je reviens en arrière, non sans avoir pu trouver un endroit pour adresser des mails à la famille, et acheter une bouteille de Coca. Je finis par trouver un très sympathique hôtel dans la campagne environnante. Une bonne nourriture, une chambre correcte. Mon planning pour le rendez-vous du Lengaï est tenu pour le moment. Mais je ne dois pas me déconcentrer. J'ai encore pas mal de km.

7h-14h 75 km +555 -898

Vendredi 17 février 2012

Je ne suis plus qu'à 85 km du rendez-vous avec Matata demain pour le volcan Lengaï, mon deuxième gros objectif de ce périple. Il fait très chaud et la bière est bonne ! Quelques passages avec travaux. On entre au coeur du pays Masaï. Mto Wa Mbu est ce gros village bordant le lac Manyara qui signifie rivière aux moustiques. Un homme averti en vaut deux. J'ai la bombe spray à portée de main. Les habitations pour toutous s'égrènent le long de la route. Le Fig campsite est le lieu de rendez-vous avec Matata. Mais où se trouve ce campsite ? Aie ! mon pneu. Mon vélo est à plat ce matin ! Crevé ! Le bon petit-déjeuner fini, je pensais pouvoir tranquillement partir ... Devant les yeux curieux des employés de l'hôtel, je fais une démonstration réussi d'un changement de chambre à air à la roue arrière en un temps record. Curieuse cette crevaison ... car, hier, je suis arrivé sans encombre. La suite me montrera que le pneu n'était que dégonflé ... Ce fut donc un petit malin qui, dans la nuit ... très bruyante, a du me jouer un petit tour. La route vers le carrefour de Makuyuni est très bonne et très agréable dans le petit matin tranquille. C'est vraiment désertique. La chaleur arrive vite, vers 10h. Toujours les relais vélo qui m'accompagnent tantôt avec les bicyclettes locales tantôt et le plus souvent avec la course à pied des petits écoliers ... Ah! des ruches horizontales pendues aux arbres ! Les buissons qui longent la route sont envahis par le cardinal, ce très bel oiseau rouge vif à la tête noire (le male) et à l'oeil jaune. Magnifique oiseau que j'avais pu maintes fois photographier au Burundi. Le carrefour de Makuyuni arrive. C'est là que se fait la déviation vers le Ngorongoro et le Serengeti. Autrement dit ... la route infestée de 4x4 venant d`Arusha et de Moshi. Lieu semblable aux carrefours routiers, avec des prix exorbitants pour les Muzungus. Je suis en avance sur le planning maintenant. Plus que 35 km à faire demain pour le rendez-vous avec Matata - convenu par internet depuis la France voici maintenant 25 jours. J'ai été gonflé tout de même car ... prévoir ainsi à l`avance était quand même très risqué ... Je finis par trouver une petite chambre sans douche certes, sans wc mais avec ... un lit et une moustiquaire à peu près en état. Le patron m'invite à partager avec lui un excellent agneau. J'en ai redemandé pour le soir !

7h-14h 97 km +237 -422

Samedi 18 février 2012

SMS reçu :

Je suis à MTOWAMBU. J'attends Matata. J'ai crevé 2 fois. Natron demain puis LENGAI, départ à minuit.

Départ tranquille au petit matin. Direction plein ouest par la touristique route des parcs tanzaniens. Ma roue arrière devient toute molle ... Crevaison encore ! Hop ! Mulet, les roues en l'air ! Je répare encore avec une nouvelle rustine. Mais ... à nouveau à plat ! Il fait un cagnard infernal à supporter. Re-pattes en l'air pour le Mulet. Excédé, je lui mets une chambre à air neuve. Le village Mto Wa Mbu pointe son nez. Je finis par trouver le Fig Campsite. Je suis arrivé 2h avant l'heure convenu du rendez-vous. On connait Mr Matata. On sait que je devais arriver. On sait que je dois planter ma tente ... Ouf ! J`y suis donc ! Une bonne Kilimandjaro s'impose !

Alors que je finis de monter la tente, j'entends "Andrea" ... c'est Matata qui arrive avec une heure d'avance. I'm happy to see you ! Et nous faisons le point pour les jours à venir avec l'ascension du volcan. Le cuisinier est avec lui. Départ demain matin avec un land conduit par Dodo (sic !), avec Djafar le cook qui sera aussi mon guide-chef pour toutes les transactions et ... il y en aura ! ...

On va faire les courses ensemble avec Djafar pour acheter de la nourriture qui me convienne pour les trois jours. Le soir, diner très copieux préparé par Djafar. C'est bien parti pour le Lengaï !

7h-11h 36 km +125 -120

Dimanche 19 février 2012

La nuit au Fig Campsite fut très bruyante. Etonnant ce besoin permanent de gueuler et de faire brailler de la soi-disant musique ! Réveil matinal. Le vélo restera au Fig Campsite. Par précaution, je prends avec moi toutes les sacoches dans le land hors d'âge mais fort bien conduit par Dodo. J'apprendrai que Dodo est le mécanicien-secours connu dans tout Mto Wa Mbu. La piste est vite abordée, très dure, très éprouvante pour le matériel. On est en plein pays Masaï, avec ... les barrages routiers où il faut payer pour continuer. De grandes gazelles bondissent, les zèbres sont très rigolos avec leurs pattes peintes comme des chaussettes de gosse. En arrivant au lac Natron, après trois heures et demi de piste à fond la caisse (tout est déglingué dans le land mais ... on avance !), une nouvelle barrière. Problème ... Il y a un Umuzungu (moi), donc ce sera encore plus cher. Le cook Djafar est consterné car il y a quelques mois le péage était de 5$ US. Matata a compté 15$ qu'il m'a fait payer d'avance. Maintenant, le portier a refermé la barrière car il veut 20$ ! Je refuse de payer puisque le deal était que les fees étaient compris. Le cook finit par lui donner les 5$ demandés (que je lui rembourserai bien sûr après). Ah! les Masaïs ... et ce n'est qu'un début ... On pointe le lac Natron avec le Land. On s'arrête dans la vase. On continue à pied avec Djafar. Mais force est de constater que nous ne pourrons pas aller très loin, la marche devenant impossible. La vase est trop envahissante. Les flamants roses sont bien là mais très loin ! Derrière, une énorme tâche blanchâtre : c'est le sel que le gouvernement a refusé d'exploiter pour maintenir les flamants roses. On monte un peu pour s'installer dans un très beau campsite dénommé Oldoynio Lengaï. Vous l'avez deviné : le volcan Lengaï est là, juste en face de nous. Accueil très agréable. Très belle douche, wc avec cuvette et chasse d'eau digne d'un trois étoiles. La nuit sera courte.

Lundi 20 février 2012 Volcan OLDOYNIO LENGAI

Réveil à minuit ! Il a fait très très chaud avec même de l'orage, au point que j'ai dormi la tête hors de la tente. Rapide café et départ avec le Land pour 45 minutes de trajet. Un jeune guide Masaï de 26 ans plus Jafar le cuisto et le chauffeur Dodo sont là. Piste de nuit, dure mais le reste le sera encore davantage. Sac bouclé - je refuse que le cook porte mon sac - nous nous alignons derrière le jeune Masaï Manuel. Montée sans problème car c'est tout droit ! Sauf que le Masaï va trop vite. Le cook a du mal à suivre. Je ferme la marche. Je dis au guide de ralentir un peu. La pente est de plus en plus raide. On fera ainsi un peu plus de 1500 m de dénivelée. On rejoint un groupe de trois français (un père psy Didier et ses deux filles). On atteint le sommet du cratère dans la nuit. On aura mis environ quatre heures. Ca gèle un peu au point du jour. On devine un énorme trou : le cratère n'est plus le dome blanc avec les cheminées, vu sur toutes les photos mais un énorme trou béant. Tout s'est complètement effondré. Cet effondrement a eu lieu en 2008 (cf. http://dominique.decobecq.perso.neuf.fr/Lengai.html). Pour avoir une idée d'avant l'effondrement regardez la séquence http://www.curiosphere.tv/video-documentaire/0-toutes-les-videos/107737-reportage-les-laves-multicolores-du-volcan-ol-doinyo-lengai.

Notre position sur le bord du cratère est tout en équilibre : on ne peut pas trop circuler. Et dire qu'hier nous avons rencontré un groupe de belges avec un espagnol qui nous ont dit que l'espagnol, spécialiste professionnel du parapente, s'est envolé du pied du volcan et, après avoir réussi à monter par des pompes comme les rapaces jusqu'au haut du Lengaï (+1500 m), s'est posé au sommet du cratère ! Quasiment impossible sans risquer la chute dans le cratère ou ... dans la pente du cône du volcan qui présente un a-pic de 1500 m ! Et pourtant il l'a fait : un espagnol un peu ... basque ? Les laves blanches faites de carbonatite sont visibles à l'intérieur du cratère - on dirait parfois des stalactites. Mais on les voit surtout dans les strates du cône du volcan. A environ 30 m du bord du cratère - juste en-dessous de nous - se trouve une longue et fumeuse fissure qui, lors de la descente, m'a foutu la trouille car, à l'évidence, l'endroit où nous étions faisait partie d'un énorme morceau de cône qui, un jour ou l`autre, rejoindra les entrailles tout là bas au fond du cratère. Il semble qu'il y ait tout au fond un petit lac liquide mais difficile de préciser plus. L'heure de la descente arrive. Le guide Masaï de l'équipe des trois français est très habile pour sécuriser les pas de ses clients. Je passe en dernier. Peu à peu, à tout petits pas, la troupe finit par perdre de l'altitude. A l'évidence, je comprends maintenant pourquoi les agences de voyage ne le proposent plus. Il faudrait au minimum installer un très bon point de fixation en haut du cône du cratère avec une très longue main courante, au moins pour sécuriser un peu la descente. On passe devant les trois français, plus lents. On finit par atteindre la voiture vers 10h. Un regard en arrière - en plein jour - montre l'impressionnante face de 1500 m montée et ... descendue ! Retour au Campsite Oldoynio Lengaï. Douche, nourriture, boisson et ... petite sieste ! Je donne un pourboire au guide Masai ... qui a pris les dollars sans un regard sans un merci ! alors que le pourboire d'après le cook était largement suffisant. Chaleur étouffante à nouveau. La tente est pliée. Le land est rechargé. Le stop est ici monnaie courante, et obligation est faite de s'arrêter pour prendre ... cinq personnes qui s'entassent dans la partie coffre. A nouveau les problèmes de péage ... La pluie diluvienne (on est sous les tropiques) s'est abattue sur notre véhicule. Les essuies-glaces tout déchirés balaient un tout petit peu le pare-brise. Et ... un péage non prévu nous a fait attendre et parlementer plus de 45 minutes. L'eau est entré par les interstices des multiples rivets de la carrosserie. Les stoppeurs pris - en fait des guides locaux fort intéressants qui parlaient assez bien le francais - ont fini par donner de la monnaie : la barrière a fini par se lever. Dodo le driver a rattrapé le temps perdu : piste longue de plus de 150 km qui traverse des villages Masaï. On a fini par arriver à Mto Wa Mbu au Fig Campsite. Pourboire de rigueur pour le chauffeur. Pour le cook également, avec en prime mes chaussures achetées pour gravir les deux volcans. Le cook ne faisait que glisser avec ses tennis pourris. Au moins pourra-t-il peut-être mieux assurer ses montées. Il avait l'air content. Le patron du Fig Campsite m'a offert une nuit en chambre dans le dur. Sympa ! Belle et longue journée ! Même si le lac Natron et ... le volcan Lengaï effondré, m'ont un peu laissé sur ma faim.

Mardi 21 février 2012

Journée de repos aujourd'hui et ... de lessive générale. Un petit déjeuner très classique pour un prix extravagant. Je refuse de payer, fais appeler la gérante Mme Pia qui me baisse le prix de 40%. Je vais acheter un petit sachet de lessive et ... en avant les frottis/frottas. L'eau est ... pas mal coloré. Je rince, j'étends tout ça devant la tente remontée pour la dernière nuit à passer là. Puis, direction internet ... Plein de personnes veulent me guider. Premier endroit : il y a un workshop. Deuxième endroit : 5000 shillings de l'heure avec une connection très lente. Je lui dis que ce n'est pas correct, les francais n'étant pas américains. Troisième endroit : Red Banana (sic) avec, là, une connection pour 2000 de l'heure. Mais, seule la messagerie est accessible, le site etchelec n'était pas accessible. Un très beau lieu de rencontre ce red banana qui fait tout à la fois la promotion des activites culturelles, de la formation à la protection de la nature notamment pour les guides touristiques locaux, de la formation informatique pour les Masaïs. L'heure de déjeuner arrive : brochettes de boeuf avec frites et bière : très bon jusqu`au moment où un jeune que je croyais être de la maison, me donne la note à payer... et s`en va. Bien sûr, la vraie serveuse est furibarde. Un autre jeune s'en mêle. Bilan : je fais comprendre que je veux retrouver l'auteur du larcin pour lui envoyer un plomb ! Tout s'est alors curieusement apaisé ... Je n'ai rien payé de plus ! ...

Mercredi 22 février 2012

C'est l'heure du départ ! Le vélo s'est bien reposé pendant trois jours. Je l'ai un peu nettoyé. Tout est harnaché à l'habitude selon un ordre et un rituel bien établi. Le temps est bon, il fait même un peu frais - c'est un peu avant sept heures. Au revoir au personnel du Fig Campsite. Direction est, avec ... le soleil levant en plein dans les mirettes. Je sors les lunettes de soleil (faut penser à tout !). Quelques Masaïs opinent de la main avec le pouce levé. Je rejoins Makayuni après 35 km de route assez bonne. Et je m'arrête au lodge où j'avais passé une nuit, pour prendre un pot. Je reste là ou je continue ? Je sais que j'ai maintenant trois jours d'avance sur mon planning. Mais, je préfère continuer, ce carrefour de Makuyuni ne m'ayant pas laissé de très bons souvenirs. Direction Arusha donc : la route est celle des processions de 4x4 se rendant au Ngorongoro et au Serengeti. Toute cabossée, cette route ressemble un peu à celle d'Eysus à Escot (allez-y en vélo, vous sauterez comme un cabri !). Cela dure des dizaines de km. Le paysage est très ouvert. Les côtes sont encore présentes mais plus douces. Les troupeaux de vaches, zébus, chèvres, ânes sont globalement plus étoffés que vers Singida/Babati. La culture mécanisée fait son apparition avec ça et là un tracteur Ford ou Massey-Ferguson. Et ... ridicule du ridicule, des jeunes Masaïs sont là, sur le bord de la route, tout maquillés de peinture noire et blanche formant un masque guerrier sur le visage pour ... attendre les 4x4 de touristes et ... se faire photographier - moyennant money money - avec un Umuzungu au milieu d'eux : souvenir, souvenir ... La première fois, j'ai crû à une sorte de cérémonie. Le phénomène se répétant, j'ai fini par leur envoyer un borborygme lorsque je passais à leur hauteur et ... ils repondaient de la même façon. Stupide ! Le pire et le meilleur se trouvent chez les Masaïs. Class mais aussi ... ridicules ! "Money, money"... répétaient à l'envie les petits enfants au bord de la route, harnachés avec le costume de guignol ! ... Il faisait très chaud sur cette route qui partait vers le nord. Une bière bien sûr ! Une guinguette Masaï avec le costume bien sûr, me tente. Le prix demandé est le triple du prix habituel le plus cher ! Je n'en peux plus et vocifère dans une langue qu'ils finissent par comprendre. Je m'échappe en prononçant tous les jurons que je connais. Quelques km plus loin, encore des Masaïs mais là, plus raisonnables : la bière est à un prix ... normal ! Comme quoi, la ... chaleur peut faire un peu péter les plombs chez... tout le monde.

Et ... là bas, au loin, le ciel devient tout jaune. La route plonge dedans. Les camions en sortent tout repeints à neuf. Ca gronde un peu. La pluie commence à tomber. Je m'arrête ou je continue ? Un abri mais ... où ? Je prends le parti de rechercher mon poncho, donc ... je m'arrête en contrebas de la route sous un arbre plein de piquants. Les voitures et les camions sont maintenant phares allumés. Je me rends compte que la visibilité est très réduite. La route est ... bien sûr sans bas-côtés suffisamment larges. Donc, je décide d'attendre, jugeant beaucoup trop dangereux de continuer dans ces conditions de visibilite à vélo : c'était le rentre-dedans assuré par l'arrière. La tempête de mélange de sable et de terre se déplace un peu. La visibilité s'améliorant, je décide de reprendre un peu et tout doucement ma progression. Bien m'en a pris. La visibilité s'est améliorée finalement assez rapidement. Mais, le bonhomme, le vélo, les sacoches sont copieusement repeints ! Les faubourgs d'Arusha arrivent. Je finis par trouver le Meru Inn que m'avait recommandé Matata. Impeccable pour moi, avec une vraie chambre, un vrai lit, une vraie douche ! Mais ... pas d'eau chaude, l'électricité ne fonctionne que le soir à partir de 19 h et s'arrête le matin à 8 h, avec, dans la journée, quelques plages horaires de fonctionnement. C'est propre (finis les cafards). Une télé permet de voir France 24 (lorsqu`il y a du courant). Je suis sale. J`ai faim, j`ai soif. L'hôtel accepte ce drôle de bonhomme avec sa drôle de machine qui dort ... bien sûr dans ... sa chambre à l'étage !

7h-16h 115 km +835 -454

Jeudi 23 février 2012

Ah! si vous saviez comme c`est bon un vrai lit dans une vraie chambre ! Nuit reposante ... Petit déjeuner copieux ... Good, good !

Samedi 25 février 2012 - Vendredi 24 février 2012

Le luxe d'une presque grasse matinée ! Arusha est une ville très cosmopolite avec notamment beaucoup d'indiens. Une ville où les règles de circulation sont, comme souvent en Afrique, hors normes habituelles. On a l'impression que tout est possible sans d'ailleurs savoir comment ! Plusieurs fois j'ai interrogé les gens sur le Tribunal pénal international qui est chargé de juger les génocidaires présumés du Rwanda : personne ne connait !!! Comme quoi l'information est une chose toute relative ! Sortir dans la rue est une chose assez pénible ici à Arusha car on est accosté en permanence ! Qu'est-ce que ça serait si j'étais une jolie fille ! Hier soir, une personne bien renseignée m'a dit que la corruption était assez générale en Tanzanie. Il a pris pour illustration le fait qu'il y a des coupures générales d'électricité inopinées tous les jours. Il paraitrait que la raison n'en est pas due au manque d'énergie potentielle (il y aurait d'importantes possibilités avec notamment le gaz) mais au fait qu'un des plus gros vendeurs de groupes électrogènes est aussi à un poste très influent, et n`aurait donc pas intérêt à moderniser le réseau d'électricité ... Le soir, énorme bazar lorsque les groupes électrogènes de tous les immeubles se mettent à hurler dans la rue ...

J'ai pu localiser le Tribunal pénal international pour le génocide du Rwanda : énorme bâtiment sous l'égide de l'ONU qui est aussi le lieu de Grandes Conferences Internationales. Interdiction de photographier : on se demande les raisons ... La prison est proche de l'aéroport, à une dizaine de km. Le marché local est ... très chaud à traverser. Tout est noir (sic), plein d'une foule énorme. On vend de tout, en particulier des milliers de chaussures dépareillées entassées ... Les brouettes sont gigantesques faites en bois avec des roues de voiture. On cuit dehors avec du bois ou du charbon de bois, des frites, des brochettes ... On est hélé de toute part. Be careful ! entends-je ... je suis étonné, puis ... your camera ... bon, j'ai compris. C'était un blanc certainement expérimenté en la matière. Je rentre dans un supermarché pour acheter des bananes pour demain. Je prends des petites au bon goût sucré, les pèse avec une balance automatique comme chez nous. Le prix ne correspond pas à ce qui est sur l'étiquette des bananes. Je fais venir un employé qui me dit que l'étiquette sur le rayon n'est pas bonne ... Je conteste un peu mais bon ... je finis par accepter. Je passe à la caisse : cela faisait 1250 shillings. Je donne 1300 et ... pas de monnaie. Je m'étonne mais la reponse est encore bien sûr évidente : no money ... Il faut s'y faire à ce système tanzanien ! Demain donc, je remonte sur le Mulet ... pas trop tôt ! J'ai encore quatre jours pour atteindre Nairobi.

Dimanche 26 février 2012 : en route pour la frontière kenyane

J'en ai un peu assez d'Arusha, ville qui cumule à peu près tout ce que l'on peut trouver de dérégulations (le terme est ... très beau !). Je quitte le très correct hôtel Meru Inn après un bon petit déjeuner à 7h. La sortie est plein ouest à travers un labyrinthe de rues pour rejoindre une pseudo rocade, en fait la route Arusha - Moshi. Direction gauche avec un carrefour indiquant Nairobi road à gauche encore. Ca me surprend un peu mais, après interrogation auprès d'une personne de la ville d'Arusha, pas de problème, c'est bien la bonne direction. 2 km après, voyant que cette route partait plein sud, je repose la question sur la "route de Nairobi". Réponse : bien évidemment dans l'autre sens ! Je retourne et au pif file plein nord. C'est la bonne solution ... Le petit vent du nord a la délicate attention de me fouetter le visage, en plein dans le nez ... Les pentes interminables se succèdent, pas trop raides mais suffisamment montantes pour me faire baisser ma moyenne jusqu'à passer le petit plateau. Crevaison au pic de la chaleur sur une longue et déserte ligne droite. Toujours la roue arrière. Je retourne le Mulet après lui avoir enlevé les sacoches. La manipulation est maintenant bien rodée. La chambre à air, neuve, est percée à la même distance de la valve que pour la précédente crevaison. L'examen de l'enveloppe me donne la solution : un beau morceau de verre est resté coincé dans les crampons de l'enveloppe et ... traverse celle-ci juste suffisamment pour que, la chambre à air gonflée à 4 bars, soit percée. Rustine, remontage du vélo, mise à l'endroit, sacoches ... La chaleur est étouffante. Je rencontre quatre allemands équipés comme moi qui vont dans le sens inverse. Ils veulent rejoindre l'Afrique du sud en passant par la Tanzanie et le Malawi. Pas de problème pour le passage de la frontière kenyane, la route est excellente jusqu'à Nairobi ... Namanga est la localite frontalière Tanzanie/Kenya. Un bazar innommable avec des camions arrêtés dans tous les sens, des mutiples bâtiments en cours de destruction, des mares d'huile noire ... Une guesthouse ? Je finis par trouver une chambre noire avec de l'eau, une douche froide, des toilettes turques. Ca ira ... Je finis par rencontrer Emmanuel qui ... connaît tout le monde (je lui ai suggéré de se présenter aux élections), avec un sourire perrmanent, qui est embauché par l'Etat tanzanien pour s'occuper des enfants les plus misérables de 3 a 5 ans. Il veut aller compléter sa formation à l'étranger, me sollicite pour faire les démarches. Je lui indique que la solution la plus réaliste pour lui est d'écrire un projet pour justifier sa demande et de l'adresser par voie hiérarchique à son ministère avec copie à l'organisme choisi pour la formation. Mais, je lui ai dit que si j'étais son chef, je refuserai sa demande tellement sa présence semblait nécessaire pour ces populations si délaissées par la Vie. Photo, échange mail. Un coup à boire bien sûr aux frais du volcanocycliste. Je finis par réussir de le convaincre que je suis fatigué de la route, casse un bout de croute (pas assez ...) et me couche aux heures des poules ! ... Toute la nuit, ce fut la musique plein pot avec les fréquences graves de la percussion qui faisaient vibrer mon lit.

7h-17h 117 km +976 -1076

Lundi 27 février 2012 : Namanga - Kajiado, terrible ...

Réveil aux aurores à l`habitude. Départ sans petit déjeuner pour la frontière. Je change de l`argent. Comme par hasard, il manquait la monnaie. Au contrôle visa, le policier fait une lecture attentive de tous les visas inscrits sur mon passeport quasi plein. Sans doute suis-je peut-être inquiétant ! J`ai droit, non pas comme les allemands me l'avaient indiqué, à un passage rapide, mais à une photo de ma tronche regardant bien droit la caméra, à un relevé des empreintes digitales ("végétales" dirait un de mes anciens voisins) de tous les cinq doigts de la main droite. Pan ... un coup sec tombe sur le passeport : Ouf ! Ca y est, je peux pédaler au Kenya ! Namanga a sa partie kenyane comme Goma a sa partie rwandaise appelée Gisenyi. La route est caillouteuse au début puis superbe asphalte mais ...toujours rectiligne et en pente ascendante puis légèrement descendante puis re-montées ... ainsi pendant des km et des km de ligne droite. Epouvantable sous la chaleur terrible ! Le vélo se met à couiner de tous les cotés, les vitesses passent très mal. Je rudoie le Mulet jusqu'au moment où je sens le big problème qui va arriver : la fringale ! C'est vrai que la veille je n"ai mangé que quelques bricoles le soir et que ce matin, le petit déjeuner est passé à l'as ! C'était trop sale (un peu style Rusumo). La tête va et vient, le soleil est chaud, très chaud. Vite, je dois m'arrêter et boire. Long, très long. Je demande si je suis loin encore de Kajiado ? On me répond bien sûr que non. Et ça continue de ... monter. J'ai mis le tout petit petit pour rouler à 6 km/h sous le cagnard du diable. Une antenne-relais au loin. A coup sûr, le village est là, pas loin. Les premières maisons apparaissent. La population grouille. J'y suis. Où est le centre ? Là, bien sûr, me montrant l'arrière du vélo ... Noir, c'est horriblement noir de saleté. Les "ruelles" sont sans évacuation souterraine des eaux usées. Plein de détritus partout. Je finis par trouver une guesthouse avec une chambrette correcte. Et puis ... ça suffit pour aujourd`hui. Je réussis à avaler des spaghettis et à ingurgiter presque d`un trait un demi-litre de bière (bien moins bonne que la Serenguetti et que la Kilimandjaro en Tanzanie). Il est 18h. C'est l'heure de mon repas du soir. Filet de tilapia avec frites : pas mal ! En fait, j'ai eu droit à un tilapia entier tout froid tout dur qu'on a voulu me faire payer le double du prix affiché sur la carte, car ce n'était pas le filet mais le poisson entier. Fatigué de la journée et excédé par tant de tricherie, j'ai refusé de payer, ai demandé le chef, suis allé à la caisse avec probablement un regard qui devait en dire long, ai dit que je partais sans payer s'ils maintenaient l'addition présentée. Les serveurs rigolaient. J'ai haussé le ton. Ils ont rectifié l'addition ... Dehors, s'abattait une pluie diluvienne qui a duré une bonne heure avec des éclairs partout. Les ruelles étaient des torrents. Avantage : ça nettoyait un peu les rues ! J'ai acheté deux bidons d'eau et de jus d'orange car j'avais vidé toutes mes réserves. Chaud la journée, dans tous les sens ... Nairobi n'est plus bien loin.

7h-16h30 97 km +871 -510

Mardi 28 fevrier 2012 : Kajiado - Kitenga ... glisser vers la capitale

Excellent petit déjeuner ce matin ! Il faut bien compenser un peu les erreurs de la veille. Départ un peu tardif, mais la journée doit être courte. Je suis en avance sur mon temps prévu pour le rendez-vous avec le chauffeur de Christian Thibon demain mercredi dans l`après-midi (il ne reste plus que moins de 100 km). La route est très roulante et descendante en grande partie. Régal de laisser aller le Mulet en roue libre. Je décide d'arrêter vers midi pour me reposer un peu de la veille. Kitenga arrive, une bourgade-rue le long de cette route Nairobi-Arusha. Beaucoup de petits commerces. Une guesthouse ? C'est complet. Un hôtel qualifié "Nomade" se trouve de l'autre bord de la chaussée : ce nom, ça me va, et de la place, il y en a ! Prix élevé sans trop de confort : chambre donnant sur un garage intérieur pour voitures avec impossibilité de fermer les ouvertures (de la chambre, bien sûr). Plat de spaghettis, bière. Il est midi. Il me faut du change. La Banque nationale est présente, gardée par énormément d'employés dont de vrais militaires casqués avec pistolets mitrailleurs. Change correct à environ 80 shillings pour un dollar (100 shillings pour un euro). Je fais passer le temps en allant voir les échoppes des vendeurs, cherche internet, et finis par trouver une étonnante galerie marchande climatisée avec internet possible mais ... seule la messagerie est accessible. Pas de possibilité d'aller sur le site etchelec. Un SMS à Christian Thibon et à son épouse Beatrice pour avertir que ... demain, je serai bien au rendez-vous prévu à l'aéroport de Kenyatta à la porte des arrivées internationales.

8h-11h 55 km +150 -190

Mercredi 29 février 2012 : Nairobi ... la désirée !

La nuit fut encore un peu mouvementée mais pas pour les raisons habituelles de bruit. Vers minuit, ronflement de voiture dans le garage (ma chambre donne sur le garage avec un seul sas grillagé). Ca me réveille bien sûr, la voiture fait du sur place, le moteur tourne toujours. Les vapeurs d'échappement commencent à emplir la chambre. J'ouvre la porte et vois une dame hors de la voiture en train de discuter au téléphone, son chauffeur restant au volant. Mon sang ne fait qu'un tour. Je lui dis que des gens dorment dans les chambres et qu'on reçoit toutes les fumées de sa voiture. Voyant qu'elle s`en fout (et qu'elle ne comprend pas bien mon anglais écorné, je vais au volant et ... le chauffeur comprend très vite qu'il doit arrêter le moteur. Je remercie tout le monde ... La dondon a continué à discuter ... La voiture finit par sortir du garage - maintenant ouvert ... A 5h du matin, même fait mais à l'envers : une grosse mercedes rentre et se gare ... juste devant ma porte (heureusement que j'ai rentré le Mulet dans la chambre, sinon je crois qu'il aurait subi une sévère cure d'amaigrissement). Le vombrissement ne dure pas trop longtemps. Finalement, dans cette chambre j'étais fier d'avoir eu la meilleure douche de mon périple. Je n'avais pas prévu la pollution ... On ne peut pas tout avoir ! Petit déjeuner avec omelette espagnole, et hop ! en piste en slalomant au milieu des triporteurs-taxis. La route pour Nairobi se poursuit au nord toujours droite. Quelques bosses, ... on finit par rejoindre Athi River et la route de Mombasa, route à grande circulation s'il en est avec ... énormément de camions. Direction ouest pour Nairobi, route à deux fois deux voies. Ca monte, ça fume, noir, très noir. Le vélo renacle sans arrêt. Je ne peux plus passer sur le grand plateau. Tiens bon encore quelques km ! ... Tout là-haut au fond, les moteurs peinent et fument encore plus. Un avion me survole assez bas ... l'aéroport international approche. Là, à droite, la tour de contrôle. Pour rejoindre l'accès à l'aéroport, on doit faire un grand détour, une grande boucle, traverser les deux voies pour gagner la seule bretelle à droite vers l'aérogare. Je commence à reconnaître les abords. La police est nombreuse, les herses sont de sortie. Contrôle évidemment : "Avez-vous de la nourriture ?" Réponse négative avec I'm a meeting point with my driver. Le policier doit me prendre pour un dingo. Les explications sur mon périple finissent par satisfaire sa curiosité, et finissent toujours par motiver d'excellentes "congratulations !". Je file vers mon lieu de rendez-vous aux arrivées internationales. Il est 9h. J'ai rendez-vous à partir de 16h ... Pas mécontent d'être arrivé ! J'ai maintenant du temps ... Je me renseigne sur la possibilité d'avoir quelque part un carton pour emballer le vélo pour le vol : pas de carton ... J'erre dans les divers endroits de l'aéroport suscitant toujours des interrogatioins amusées. Une dame directrice d'agence de tourisme me voyant là attendre sous un soleil de plomb, finit par me demander qui doit venir me chercher. J'explique et finis par indiquer le téléphone de Stanford. Il est 15h. La dame réussit à avoir Stanford et lui ordonne (sic) de venir me chercher ... de suite ! J'ai gagné deux heures. Stanford arrive avec un pick up 4x4. Il avait ma photo. Le Mulet est chargé. Ouf ! On s'est trouvé, grâce à Christian, ami et collègue dirigeant l'IFRA à Nairobi.

Jeudi 1er mars 2012- vendredi 2 mars 2012

Le reste sera deux journées de repos chez les Thibon. Je finis par trouver un semblant de carton avec un emballage de lit que je récupère dans une grande surface. Replié aux dimensions du vélo, avec force ficelle, l'ensemble sera scotché définitivement. Zut ! j'ai oublié de dégonfler les pneus ! Eclatement assuré, me dit-on ... Achats de quelques cadeaux pour la famille. Nourriture abondante et excellente chez Christian et Béatrice. Les embouteillages à Nairobi ... c'est du jamais vu nulle part ! Je pars à l'aéroport vendredi en début d'après-midi avec Stanford. Stress pour ... l'acceptation de l'emballage très sommaire du vélo dans ce carton déjà bien usagé ... Première pesée (je tenais le carton ...) : 15 kg. Je suis un peu surpris ... J'ai droit à deux fois 23 kg. Deuxième bagage comprenant deux sacoches de vélo jumelées : 11,5 kg. Je suis rassuré. et vais me caler dans un coin de l'aéroport pour attendre l'enregistrement 4 heures plus tard. Le superviseur de KLM arrive. Re-pesée du vélo : 25,9 kg (je ne tenais pas le vélo ...). Je conteste la pesée. On met le vélo sur une autre balance : idem 26 kg. Ca dépasse de 3 kg. Je signale que le deuxième colis ne fait que 11,5 kg pour 23 kg autorisés : rien à faire "Ca dépasse de 3 kg" me répète-t-on. Je comprends ... et dis : combien vous voulez ? tout en expliquant que je viens de Goma en passant par le Rwanda, la Tanzanie ... "Really ?" ... et d'ajouter encore qu'à l'aller je n'avais eu aucun problème pour l'enregistrement du vélo avec KLM. "Wait a moment"... Au bout de trois quarts d'heure, l'employé revient tout sourire. No problem ! Akuna Matata ! Le problème est réglé : pas de surcoût pour le vélo. Tout est en ordre ... L'aérogare de Nairobi est toujours aussi étouffante. L'attente est longue, l'avion est en retard. Il sera plein comme un oeuf. Le vol sera sans problème.

Samedi 3 mars 2012

L'arrivée à Amsterdam s'est faite avec un froid de canard. Passer de 35°C à quelques degrés au-dessus de zéro surprend. 4h d'attente pour l'avion suivant Amsterdam-Toulouse. Le Foker est garé loin. L'accès se fait en bus. Beaucoup de bagages sont en attente de chargement : mais pas de carton vélo visible. Je m'inquiète auprès d'un employé : peut-être est-il déjà dans la soute ? Son regard amusé me rend confiant. 2h de vol jusqu'à Toulouse, 2h de ... sommeil. A l'arrivée, Pierre, mon gendre, est là, tout sourire. Et ... sur le tapis roulant, miracle ... le carton vélo arrive. On charge tout dans la 307. Direction Léguevin. Tout est bien. Les pneus ont tenu le coup. Les chambres à air n'ont pas éclaté. ... Quand je vous disais que mon Mulet était un bon ... vélo !

Bilan après cette combinaison volcans/vélo

Après mes voyages vélo dans les Pyrénées, les Alpes, en Asie, en Amérique du sud, au Maroc, je dois dire que ce voyage de Goma à Nairobi a peut-être été le plus éprouvant, non pas physiquement mais psychologiquement. J'ai dû emporter du matériel nouveau pour gravir les volcans (principalement un sac à dos et une autre paire de chaussures montantes) mais ce ne fut pas un handicap trop fort puisque j'ai laissé dans le même temps le réchaud, les gamelles, le thermos, les recharges d'essence. Les épreuves physiques (vélo, grimpette) furent plus une forme de libération qu'une contrainte. Car, j'ai eu beaucoup de prises de tête pour arriver à boucler tous les rendez-vous que j'avais prévus pour être "à l'heure" pour gravir le Nyiragongo et le Lengaï. Il fallait que je me rende à ces rendez-vous en vélo et en bus. Or, les bus furent pour moi finalement les défis les plus sérieux car jusqu'au dernier moment je ne savais pas pas si je pourrai ou non prendre le bus avec le vélo. Beaucoup d'épisodes de chaud et froid psychologiques. Et, comme j'avais réservé les dates depuis la France pour gravir les volcans, il fallait à tout prix que les km séparant les deux volcans soient franchis. Je reconnais que j'avais vu un peu juste pour le Lengaï. Le fait que le bus ne put passer à la frontière rwando-tanzanienne qu'avec un jour de retard sur le planning que j'avais prévu, m"obligea à ne pas perdre une minute - donc à pédaler tous les jours - pour être au jour et à l'heure fixés à Mto Wa Mbu en Tanzanie à environ 1500 km du Nyiragongo, même avec 500 km fait en bus. L'intérêt principal de ce périple fut bien sûr l'ascension des deux volcans. Le Nyiragongo est vraiment un monument de la Nature que je mettrai même avant l'Erta Ale, pourtant exceptionnel ! Le Lengaï est délaissé par les agences de voyage. On comprend bien pourquoi ! La descente est vraiment très piégeuse, même pour des habitués de la montagne ! Et le haut du volcan ne présente plus du tout l'attrait qu'il avait avec toutes ses morphologies de surface en lave blanche. Tout s'est effondré et ... on voit un énorme trou béant. Il faudrait au minimum sécuriser au moins les trois cents premiers mètres de la descente en plaçant de temps à autre une possibilité d'assurance. La jonction des deux volcans par le moyen de la bicyclette permet de découvrir à vitesse d'homme et les paysages magnifiques du Rwanda et de la Tanzanie et les habitants des lieux. A noter l'excellent accueil fait toujours par toutes les personnes rencontrées qui vous prennent pour un ovni la plupart du temps mais qui ne cessent de lever le pouce en signe de félicitations. Les effets du tourisme automobile dans les parcs nationaux en Tanzanie et au Kenya sont pour moi très négatifs sur les Masaï qui jouent avec la bêtise et l'argent des Muzungus et qui en demandent toujours plus avec des péages de plus en plus fréquents et des tarifs imprévisibles. Une chose nouvelle : la pression de la forte chaleur ! Après 13h, pédaler devient extrêmement épuisant. Les moindres côtes deviennent des montagnes à franchir. Une soif permanente diminue la capacité à pédaler du bonhomme. Un air très sec et la forte poussière fatiguent énormément le vélo ... Les prix sont souvent fantaisistes. Par exemple, une même bière peut avoir un prix du simple au quadruple, c'est selon ... Mais une chose est sûre : quand le Blanc n'est pas content, il réussit souvent à obtenir gain de cause. Le marchandage des prix semble plutôt habituel. Le Rwanda est un pays qui a beaucoup évolué et qui est devenu très sûr. La Tanzanie, en revanche, est manifestement beaucoup plus délicate à prévoir dans les réactions des gens. Voyage à recommander ? Dans l'esprit, oui. Dans la pratique, pas mal de détails matériels - qui peuvent bouffer la vie du bonhomme ! - peuvent être améliorés particulièrement dans la logistique, en particulier pour l'organisation de l'ascension du Nyiragongo ... Etonnante nouvelle expérience néanmoins ...

André, 7 mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Maroc Anti-Atlas 2015 - 1

Anti-Atlas ! Un nom étrange qui serait l'inverse de l'Atlas (Haut-Atlas) dominé par le Toubkal. Y aurait-il donc un voyage à - 4000 m ? Un volcan à l'envers ? Trop beau tout ça ! Jules Verne ... oui. Mais le centre de la terre n'est pas encore pour aujourd'hui ! L'Anti-Atlas évoque pour moi le superbe site de Tafraout aux extraordinaires couleurs surtout le soir au coucher du soleil. Les enfants étaient petits alors quand, avec la 305 break, nous étions allés ... là-bas ! Je m'étais promis d'y revenir. Plus de vingt cinq ans ont passé. Le moment est venu. C'est en vélo que je vais caracoler autour de Tafraout ...

Stéphane, grand connaisseur des lieux, un ancien étudiant retrouvé dans les Pyrénées au détour d'une virée en montagne, m'a donné tant d'informations et de sites à découvrir que mon choix pour deux semaines s'est porté sur ... ce que je n'ai pas déjà vu. Ainsi, j'ai construit une boucle possible (quand on est à la maison) mais peut-être aux dénivelées et distances un peu trop gourmandes. C'est une combinaison d'échauffement le long de l'océan Atlantique, de montées de cols, d'oasis dans la montagne, de passages dans des zones un peu désertiques, de descentes modérées pour le retour vers Agadir. La carte avec les dates donne les prévisions journalières imaginées depuis Eysus. La suite me dira si c'est bien réaliste puisque j'ai tout calculé sauf la journée de repos. Par prudence, j'ai envisagé une ou deux variantes possibles. Il y a tellement de causes potentielles de changement : le bonhomme d'abord (gare à l'hypoglycémie) , le temps (la chaleur ? la neige ? comme dans mon précédent voyage au Maroc), le vélo (le Mulet commence à avoir ses sabots usés), le terrain (les dénivellations sont ... intéressantes !), les contacts ... Prévoir un maximum de conditions reste un dénominateur commun à mes périples solitaires.

Samedi 14 novembre 2015

Impensable ! Le drame terroriste d'hier soir nous laisse hébétés. L'ignominie n'a de sens que pour l'humain ... Comment peut-on basculer ainsi de l'amour à la haine, du respect de l'autre à la tuerie aveugle, du pardon à l'extermination ? Ce matin, la stupeur est partout. L'état d'urgence est décrété ...

Partira, partira pas ? Si beaucoup de compagnies aériennes étrangères annulent momentanément les vols vers la France, le vol EasyJet pour Agadir est maintenu.

Coïncidence ? Lors de mon dernier tour au Maroc, montant le Tizi n'Tichka et parti de Marakech de très bonne heure, mon fils m'annonce par téléphone que ce matin là s'est produit une énorme explosion à la place Jemaa-el-Fna de Marakech, soufflant un restaurant où j'avais pris une bière la veille au soir. Aujourd'hui, retour vers le Maroc avec encore une fois un assassinat aveugle à Paris.

L'aéroport de Blagnac est étonnamment paisible : pas de police pas de militaire. Les gens éprouvent le besoin de sourire, sans doute pour se montrer qu'on n'a pas rêvé.

L'enregistrement du sac contenant les bagages en sacoches se passe rapidement avec une hôtesse très souriante qui, de plus, m'accompagne pour étiqueter mon vélo joliment emballé dans un beau carton. C'est EasyJet : no problem. Pas de surprise, tout est en ordre. Sac en soute de 18 kg (pour 20 kg autorisés), vélo dans un carton (24 kg pour 32 kg autorisés) pour un aller-retour Toulouse-Agadir à 240 euros ... Un tarif de très loin inférieur à toutes les autres compagnies avec, en outre, un trajet direct, ce que ne fait aucune autre compagnie.

Le passage sous le portique, l'annonce de la porte d'embarquement, les formalités douanières et de police, l'entrée dans l'avion, tout se fait dans un ordre exemplaire. Qu'Air France prenne de la graine d'EasyJet ! L'A320 est plein comme un oeuf : j'ai compté 150 sièges clients occupés, 4 hôtesses, les 2 pilotes et ... mon Mulet ! Le départ se fait avec 10 minutes d'avance, l'arrivée avec 15 minutes d'avance. Un atterrissage tout doux ... Tout va bien à Agadir : grand beau temps. Bagages, vélo compris, police, douane en une petite demi-heure. Mon nom sur une feuille blanche. Ahmid est là, le taxi.

Mais ... une vieille mercédès berline sans porte-bagage. Aïe ! le vélo ... Pas de problème, Ahmid a tout prévu : on pose le carton couché à même le toit, il sort des bouts de ficelle du coffre, des dépliants publicitaires de l'office du tourisme pour que les ficelles ne cisaillent pas trop le carton, on ouvre les quatre glaces des portières et on ... serre. Le jeu latéral semble maîtrisé mais les coups de freins ou les accélérations un peu trop virils vont faire glisser le carton ! Mais non, c'est un raisonnement d'intellectuel pas de marocain. Je lui enjoins de ne pas dépasser 60 km/h et de passer les ronds-points à 20 km/h. Ahmid me fait plaisir.

Le carton-vélo ... en équilibre !

Il obéira. Mais ... une heure pour arriver aux Chtis d'Agadir, une auberge-restaurant tenue par un breton marié à une chti. Apparence très propre. On discute avec Didier, le patron, du match de foot d'hier soir et, évidemment, des événements terroristes. Je finis par me poser dans la chambre. Dîner à 20h, m'a-t-il dit (soit 21h en France avec le décalage horaire).

Dimanche 15 novembre 2015

Autour d'un mérou, poisson remarquablement cuisiné (accompagnement tomates, pommes de terre rehaussées par les senteurs de fines herbes dont le nom reste secret), je fais la connaissance de Serge Dupuis, un français habitué du Riad des chtis d'Agadir, qui connait le Rwanda, qui fait du vélo, qui a été universitaire. Je finis par comprendre que je suis en pays de connaissance avec même des amis communs. Curieux ! On a beau aller au fin fond de la planète, il y a toujours quelque chose qui n'est jamais inconnu. Seulement Serge a un vélo de 5,5 kg ! Je ne l'ai pas dit au Mulet (qui pèse tout nu 17 kg ...).

Photo Didier Gauthier, les Chtis d'Agadir

Du coup, Didier, le propriétaire du Riad, s'est joint à nous. La soirée s'est donc un peu allongée ... Car, lui aussi, a eu un parcours professionnel atypique : avec un brevet professionnel d'électrotechnicien, il a voulu aller plus loin, a passé avec succès une maîtrise de droit par cours du soir, est devenu spécialiste en relations humaines chez France télécom puis a passé plus de dix années à Bruxelles à la Direction des ressources humaines. Jacques Delors et Martine Aubry sont pour lui presque de la famille. Aujourd'hui, suite à la rencontre de sa femme, il a composé ce riad avec compétences et gout certain. Plus de 90 nationalités différentes ont été hébergées dans son établissement.

Ce matin, grand beau ... mais il est prévu du beau temps durant les deux semaines de mon périple. Trois objectifs : trouver à changer euros contre dirhams, remonter le vélo, acheter les provisions habituelles pour la survie. C'est dimanche, beaucoup de magasins sont fermés. Un bureau de change est à 500 mètres du Riad. En gros, c'est 10 dirhams pour 1 euro. Pour remonter le vélo, pas trop de difficultés non plus. Le carton n'a que très peu été abîmé durant le vol. Les pédales sont remises à l'endroit avec la clef de 15, le guidon est réinstallé avec un peu de mal pour serrer le gros écrou évitant au guidon de basculer vers l'avant, la selle est ajustée, la béquille retourne à sa place, les portes-bidons sont fixés, la roue avant est centrée, le compteur kilométrique remis en marche, les pneus sont gonflés avec 100 coups de pompe Lapiz (très ancien modèle mais qui permet de mettre les 4 bars nécessaires pour éviter au maximum les crevaisons), le rétroviseur est recalé, la trousse à outils suspendue à la selle Brooks.

Après, direction le souk d'Agadir qui serait le plus grand d'Afrique. Je me dirige à pied avec le plan papier d'Agadir mais ... certains noms de rue ne sont pas les mêmes sur le plan papier et sur les panonceaux accrochés dans les rues. Au total, comme d'habitude en ville j'ai pris trois directions différentes avant de trouver la bonne. Comment ? En demandant. Il faut se méfier un peu car c'est toujours bon, toujours oui. J'ai suivi un papi qui y allait avec son petit-fils "parce qu'il avait bien travaillé à l'école". Porte 7 : c'est l'entrée pour trouver un pantalon ! Vu le soleil et les coups de soleil inévitables, il faut absolument que je me couvre les cuisses, sinon ce sera la biafine assurée tous les jours. Et, bien sur, je n'ai pris que des cyclistes courts et un short. Un pantacourt en coton est vite trouvé par "le frère du cousin qui en a". Je marchande à moitié prix. Il me fusille des yeux en me disant que c'est un pantalon de marque, que le prix que j'en donne est moins cher que ... Je me laisse amadouer et on finit par transiger aux deux tiers du prix initial. Mais, c'est vrai que la qualité semble être là. Donc, tout le monde est content.

Un tajine ? pourquoi pas, au poisson ! Pas terrible néanmoins avec beaucoup d'arêtes. Et le thé ? oui mais le thé marocain ! avec la théière remplie à moitié de sucre et de menthe, et mélangé et remélangé au moins 7 fois pour être vraiment le meilleur thé du monde (bien meilleur à mon gout que le thé de Chine). Après, il me faut trouver mes aliments de survie. Je finis pas trouver des petites épiceries ouvertes (c'est dimanche) avec mon quota d'aliments et de boissons pour me rassurer : une bouteille d'1,5 litre de coca-cola, une bouteille d'1,5 litre de fanta, une bouteille 1,5 litre d'eau minérale, un croissant, une chocolatine, cinq bananes, cinq pommes. Au moins, ma tête sera tranquille avec les deux sachets lyophilisés de taboulet indien, quelques barres à la pâte d'amande, quelques bonbons acidulés piqués chez mon fils Thomas.

Il me reste à tester mon vélo. La chaleur est très forte lorsque vers 15h je décide de repérer la sortie de la ville pour la direction Tiznit. Pas de souci : le vélo piaffe sans faire de bruit. Une bonne quarantaine de minutes néanmoins sont nécessaires pour respirer un peu mieux après l'embranchement vers l'aéroport international.

Didier au Riad est au four et au moulin. Son établissement est plein. Il faut dire qu'il est recommandé par le guide du Routard 2015 et par Tripadvisor alors qu'il n'a rien demandé. Ce soir pas de dîner au Riad, Amina, son employée, ne travaillant pas le dimanche. Pour demain matin, comme je pars au lever du jour bien avant l'heure du déjeuner, j'aurai néanmoins de quoi m'alimenter avec un petit plateau dans la chambre. Service au top donc. Riad des Chtis d'Agadir : à fortement recommander pour 28 euros petit-déjeuner compris.

Lundi 16 novembre 2015 - Chaud déjà !

Hier soir, Didier mon hôtelier m'a conseillé un couscous royal au restaurant Jardin d'Eau. Navette assurée, préparation personnalisée avec l'ajout d'huile d'argan "bio". Je n'en demandais pas tant. De fait, tout a été avalé goulûment. La préparation des légumes valait, à elle seule, le déplacement.

Ce matin, 6h10, réveil. Nous étions six personnes du Riad à partir à 7h. Aussi, Didier s'est levé plus tot pour nous préparer le petit-déjeuner. Je lui laisse le carton-vélo, mon sac d'emballage des sacoches. Mon départ est remarqué au pied du Riad avec moult photos du bonhomme et son Mulet. L'air est frais mais très doux. La veste fluo est enfilée. Tout roule. Le repérage d'hier m'a bien aidé mais ... jusqu'à un certain moment car, bien sur, comme souvent dans les sorties de ville, je me perds. Avantage, j'ai traversé un immense marché en plein air en préparation. Quelques kilomètres en trop mais bon ... aujourd'hui ce n'est pas bien gênant. Il m'a fallu quand même 20 bons kilomètres pour sortir de l'agglomération d'Agadir.

La vitesse tourne autour de 20 km/h ce qui, compte tenu du chargement, est correct. Le paysage reste assez lugubre : de grandes étendues avec, parfois, d'immenses serres de plastique, quelques rares troupeaux de brebis gardés par un jeune berger, puis, après une cinquantaine de kilomètres, des plantations de ce qui ressemble à des amandiers. Je me force à m'arrêter de temps à autre pour avaler quelques fruits secs, une banane et boire un coup (cocacola et fanta orange).

Mais le Monsieur Soleil là-haut commence à me griller le crane. J'enfile le chapeau sous le casque. La chaleur ressentie baisse nettement. Fin de la deux fois deux voies : je suis sur la N1. Après, c'est un peu l'enfer avec les véhicules un peu larges pour un cycliste car, si le doublement de la chaussée est terrassé sur ma droite, c'est soit en contrebas de 40 centimètres soit à l'inverse par un relief impossible à utiliser en vélo. Et le gymkana commence, l'oeil rivé dans le petit rétroviseur. La circulation est parfois très dense et parfois ... nulle : curieux ... J'ai eu à me balancer sur le bas-coté trois fois, mes sacoches refusant de serrer les fesses devant le camion qui arrivait derrière. Le vélo a tenu bon malgré les sauts.

La chaleur est là, surtout avec le pic du soleil qui arrive. Tiznit se montre à l'horizon. Devant une station de carburants, un immense marché-vitrine à ciel ouvert : des marbres, des poteries, du carrelage, de la faience. Très beau mais ... j'ai de plus en plus soif ! Direction l'hôtel des touristes (ça me va bien !) en pleine place de la médina de Tiznit. C'est une petite pension familiale recommandée. Accueil sympathique par Ahmed qui me dit que les marocains ne comprennent pas ce qui se passe en France : "qui est Daech ? Aucune des trois grandes religions du Livre (chrétiens, juifs, musulmans) ne peut être concernée par ces attentats. Ce que veulent les marocains ? Vivre tranquillement en famille et laisser la politique au Roi puisqu'il y en a un."

Pas facile de trouver une bière ici. Des français m'indiquent le Mauritania. Finalement j'y mange un ... (devinez !) ... poulet frites, et je bois deux bières succulentes. C'est vrai qu'il commence à faire très chaud.

Agadir - Tiznit, 7h15 - 12h30, 98 km +339 m -93 m

Mardi 17 novembre 2015 - Grosse journée

Un peu plus de 100 km avec 3 cols, 1600 m de dénivellation montante cumulée, près de 10 heures de pédalage avec toutefois trois arrêts pour boire et manger un peu. Heureusement, la veille j'avais bien mangé. Mauritania, très sympa avec le cycliste. Double ration de brochettes, grosse salade riz tomate carotte. Ce matin, départ à 7h de Tiznit. Arrivée vers 17h pour profiter un peu du coucher de soleil, car je campe. Je suis monté avec grande économie de moyen pour faire les 100 km de la journée. J'écris dans ma petite tente donc dans une position pas très confortable.

J'ai pris la route de Tafraout sur 70 km. Au départ, pas mal de circulation. Pourtant le jour se lève à peine. Les petits villages se succèdent, de plus en plus éloignés l'un de l'autre. Plus je monte plus le paysage invite à la sérénité. Deux premiers cols mais le troisième (col de Kerdous apparemment mais au Maroc pas facile de trouver le nom d'un col) est un vrai, un bon, quasi semblable en montée au Tizi n'Test. Aux carrefours, les directions sont en arabe. Alors, tempête sous mon crane surtout que ma tablette qui me permet de voir ma position par satellite (sur fond de carte siouplait) refuse de s'allumer. J'interroge : "c'est toujours tout droit mon ami" ... jusqu'au moment où je dois impérativement tourner au Sud. Ma tablette m'a pris en pitié et ... a daigné s'allumer, donc ma position s'est affichée et j'ai pu alors prendre la bonne piste très étroite mais asphaltée jusqu'à Aghoudid. Très bel itinéraire après 80 km. On ondule en altitude sans village mais avec des terres proches griffées par un tracteur, et avec moult pierres. Depuis le lever du jour et tout le long de l'itinéraire, j'entends le même chant d'oiseau. A le voir, je crois bien que c'est une espèce d'alouette.

J'ai monté la tente après quelques kilomètres de piste tout-terrain un peu plus loin qu'Aghoudid. Le vélo saute pas mal mais il faudra qu'il tienne car demain pour atteindre Amtoudi, ce sera de la piste cross tout le temps.

Tiznit - 3 km après Aghoudid, 102 km, +1675 m -547 m

Mercredi 18 novembre 2015 - Amtoudi, un agadir somptueux

La nuit sous tente a été sans vent, calme. Pas un animal n'est venu roder. Lever de soleil multicolore au milieu d'un paysage naturel à 360°. Haro sur le Mulet ! Il saute, se cabre, glisse mais reste toujours d'aplomb. La piste est en descente la plupart du temps et ... bon choix dans ce sens car pour remonter ce terrain défoncé il aurait fallu sortir les tripes ! Cahin caha à petite vitesse - je crains toujours la petite faute sur ce type de terrain car les conséquences peuvent être imprévisibles, pas un chat ne passant à l'horizon ... sauf un âne trottinant tout seul avec empressement ! Les kilomètres défilent lentement, quelques gués chaotiques à franchir, des terrains agricoles apparaissent. Là-bas, au loin, un âne tire une araire qu'un homme essaie de tenir droite. M'approchant, je me demande bien ce qu'il compte cultiver : il n'y a que des pierres que le soc bouge à peine sans un quelconque sillon. J'applaudis le monsieur et l'âne. Il me répond en faisant de même. A un méandre de l'oued, un bel ensemble potager que fignolent des femmes arrachant, plantant, papotant ... La piste s'améliore. Bientôt la sortie et la rencontre avec la vraie route, bien asphaltée celle-là, qui me conduit en retournant au Nord, vers Amtoudi.

Amtoudi, ce village dont personne ne connait le nom sauf ses habitants. Hier, j'ai eu toutes les peines du monde à me renseigner. Mais, mon tracé sur la carte et le point gps où je me trouvais coïncidaient parfaitement. J'étais donc sur la bonne voie. Un haut lieu du tourisme mais sans touristes. L'auberge "On dirait le Sud" vantée dans tous les guides comme le lieu où séjourner, est fermée. Le patron a mis la clef sous la porte. A Tiznit, le jeune Abdou de l'hôtel des touristes m'a dit que je devais contacter Abdou (un autre bien sur) à Amtoudi. J'ai donc demandé Abdou de la part d'Abdou, et je tombe sur le fils d'Abdou qui s'appelle Mohamed. Pas de problème, tu as faim, on va te faire à manger, tu cherches une chambre, pas de problème, on va te trouver cela. Mais c'est vrai que j'avais très soif et très faim. Je rentre dans la première boutique trouvée et je refais le plein de boissons et de nourriture de survie. Hier soir, j'avais très très soif ayant pourtant bu quatre litres dans la montée des trois cols. Chez Abdou, je suis comme un pacha : tout un appartement tout confort qu'Abdou gère pour des propriétaires français absents. J'ai faim donc de suite omelette thé marocain (le vrai, autre chose que le thé d'Agadir). Tout là haut à 300 mètres au-dessus est pitée une extraordinaire forteresse dénommée ici agadir Id Aissa qui est admirablement conservée (XIIe). J'y monte à pied en un demi-heure après qu'Abdou ait téléphoné au gardien qui là-haut fait la visite. C'était principalement un grenier où l'on stockait de la nourriture : orge, mais, carottes, amandes ... Mais c'était aussi un gigantesque rucher disposé en étages avec des ruches horizontales cylindriques comme on en trouve encore quelques exemplaires en Aragon (l'arna aragonaise). Aujourd'hui, plus de ruches car, aux dires du gardien, plus de nourriture pour les abeilles. Cet agadir permettait aussi aux populations de se réfugier en cas de razzias, plusieurs citernes d'eau recueillant les eaux de pluie ayant été creusées et fonctionnant encore. L'ensemble est bati en pierres séches. Quelques gravures rupestres tout en haut de cette fortification. Très, très beau !

Tajine de poulet à la descente, chez Abdou bien sur qui m'allume la télévision avec les dernières nouvelles sur la recherche des terroristes dans la région parisienne. "Tu ne veux pas aller voir La Source ?". Abdou aime montrer les petits trésors de son village. "Tu suis le bord de l'oued, c'est tout droit, tu arrives devant un autre agadir et c'est plus loin au fond ! Tu veux un guide ?" Fier comme un basque pas fatigué, je lui réponds que je vais bien trouver ! De fait, on peut difficilement se tromper car il faut suivre une gorge rocheuse dont le fond est pourvu d'une luxuriante végétation. Sauf qu'il faut une bonne heure pour y aller. Un cheminement se devine d'abord le long du petit canal d'écoulement qui alimente le village en eau, ensuite en écartant les branchages tout en regardant le ciel pour pointer la bonne direction, enfin quelques pas sur des gros rochers qui surplombent une puis deux très belles cascades. Très agréable cette petite balade à l'ombre des parois rocheuses de la gorge.

Journée un peu éclectique mais plein de belles choses et un petit repos aussi pour regonfler les batteries. Du coup, j'ai probablement trois fois plus de liquide que de besoin, et plein de vaches qui rit ! Au diable l'hypoglycémie ... Au fait, si vous allez à Amtoudi, ne pas hésiter à contacter Abdou Amoudi.

Aghoudid + 3 km de piste (tente) - Amtoudi, 31 km (dont 25 de piste), +686 m -1233 m

Jeudi 19 novembre 2015 - Aux portes du désert

Je suis parti d'Amtoudi ce matin avec un peu de regret, tant ce site est remarquable et mon hôte Abdou accueillant. "Quand tu reviendras, je te ferai visiter en 4x4 toute la région". Car Amtoudi n'est que le nom de la région et ce n'est qu'avec le succès touristique de l'agadir Id Aissa que l'on a attribué le nom d'Amtoudi au douar Id Aissa. En voulant sortir de ma maison flanquée à flanc de montagne, je coince la clef dans la serrure ! Je tape fort, encore plus fort. Il fait encore nuit. Mon proche voisin Abdou est à plus de 200 mètres ... Après 10 minutes de compréhension (les serrures sont parfois coriaces à apprivoiser), je finis par trouver le tout petit espace qui m'a permis d'enfin faire tourner le barillet. Mais ... en descendant, le vélo chargé dans le presque noir, chute dans le virage, cul par dessus tête. Le mur d'Abdou m'a bloqué. Le petit-déjeuner est servi. Mon ami Abdou s'est levé pour me saluer. "Ti va toujours tout droit jusqu'à la mairie". Salut mon frère !

Sur la route, je croise le boulanger qui vient ravitailler le village. Droit, droit, le ruban asphalté est en très légère pente descendante. J'enlève très vite une épaisseur. Il fait très bon. "A 15 km, ti tourrne à gauche". Pas mal, il y avait 16 km. Les enfants sont aimantés vers l'école du village. Au bout de 30 km, je rejoins une route qui a l'air plus importante. Mais le trafic des véhicules est très calme. Heureusement, car un vélo plus un car ou un camion, ça ne peut pas rester sur le bitume en même temps ! Il s'ensuit de longues, longues lignes droites qui tracent dans un désert de pierre bordé des derniers ressauts de l'Anti-Atlas. Ca me fait penser à la canal de Berdun entre puente la Reina et Sabinanigo en Espagne. Arrêt vache qui rit, banane, coca-colac. Je croise quelques tentes berbères, mais personne n'en sort. Grand carrefour vers Tafraout. Pas pour moi, je file en face vers Icht. Plus que 15 km. Juste avant le village, à gauche, le camping-hotel Borj Biramane dont l'appellation aurait pour signification la tour du propriétaire des chameaux. Tenu par deux frères français plantés là depuis huit années, c'est plus qu'un camping aux portes du désert, un havre pour les toutous comme moi qui cherchent à bien dormir, bien manger et boire, et qui dispose d'une connexion internet. Pas la peine d'aller plus loin. La place est bonne. Seul petit bémol : une quinzaine de motards (français) sont en troupeau et causent fort mécanique ! Je prends un petit bloc en dur au bout du camping : toujours très propre, lit avec draps ... Le Mulet est content.

Abdalah me propose une visite de la médina d'Icht. Lampe de poche obligatoire. La vieille cité en pisé conserve encore quelques labyrinthes accessibles. Je découvre les trois niveaux d'habitation avec un étage par épouse, mais une cuisine commune, les réduits qui sont des chambres pour les enfants, pour la femme, mais pour l'homme ... Abdalah ne m'a rien dit. Très instructif ce parcours qui montre encore une fois un jeune marocain marié avec quatre enfants ne pas accepter le terrorisme au nom de la religion musulmane.

L'eau, source de vie, prend bien plus de valeur aux portes du désert que chez nous. Elle est précieusement répartie pour les jardins selon des règles acceptées par tous. Abdalah a créé une association qui a pour mission de récupérer tous les plastiques, les emballages jetés, de les recycler et de faire des petits bracelets, des sacs à main, des petits bijoux ... Ce sont les femmes qui s'en occupent. J'en ai vu de très beaux réalisés avec des capsules de canettes en aluminium.

Le muezzin se fait entendre. Le soleil se couche à Icht.

Amtoudi - Icht, 70 km, 7h - 12h, + 666 m -1212 m

Vendredi 20 novembre 2015 - Ti va chi Boujmaou

En fait, c'est le seul endroit où l'on peut dormir en dur à Akka. Personne n'est levé avant 8h au camping-hôtel Borj Biramane à Icht. La veille, on m'a donné un petit-déjeuner plateau avec presque tout ce que j'avais demandé : jus d'orange pressée, vache qui rit, pain, confiture, oeuf dur. Dans mon bloc, la nuit a été perturbée par un satané moustique. Lever de soleil toujours majestueux avec les beaux dégradés célestes du bleu au rouge que rehaussent les silhouettes noires des mosquées. La sortie du camping se fait dans le silence mais avec la polaire sur le dos. La route est alors un long ruban noir pas très large, comme hier, mais bien tracée. Pédalage un peu automatique dans cette lueur du matin, le bonhomme dort encore d'un oeil. Seul bruit mais il faut etre attentif : les alouettes m'accompagnent encore de part et d'autre de la chaussée me précédant de quelques mètres puis repartant lorsque j'arrive à leur niveau. Ballet étonnant et réconfortant.

Je rejoins la route plus importante qui aboutit à Ouarzazate. A gauche toute ! C'est alors que commence une longue très longue virée droite mais droite qui ... va bien me mener quelque part ! De part et d'autre, le désert de sable et surtout de pierres. Pas un animal sauf quelques petits oiseaux tout noirs à la queue blanche intrigués de voir ainsi circuler un bipède à vélo. Ce sont plutôt des autos, des camions, des bus qui passent ici. J'ai vu quelques anciens véhicules de l'armée reclassés par des particuliers déguisés en Laurence d'Arabie, venus sans doute ici sauter sur les dunes de sable comme les motards d'hier. Ca distrait le Mulet ! Un petit vent trois quart de face me rafraîchit un peu mais me fait rétrograder souvent. Les montées et les descentes ne sont pas très fortes. Après une cinquantaine de kilomètres, des engins de chantier terrassent, goudronnent, dament ce qui, à terme, devrait devenir un axe majeur de Ouarzazate à Tan-Tan. Quelques déviations obligent à emprunter quelques kilomètres un peu boueux. Le trafic est ici très rare, ce qui fait le bonheur du Mulet. Je subis de temps à autre d'énormes nuages de poussières fines et aveuglantes lors de croisements de camions qui doivent certainement faire bien rigoler les chauffeurs qui ne ralentissent pas du tout leur bolide.

Akka est en vue. Encore 10 kilomètres : "Si tout droit" ! Oui, c'est bien vrai que c'est tout droit ! Un panneau : Akka, histoire et culture. L'entrée au douar est unique. Je cherche du regard le café de Boujmaou recommandé par Brahim du camping Borj Biramane. "Tu verras des chaises dehors". C'est vendredi, le muezzin harangue à tue-tête dans le micro de la mosquée. Un petit souk à gauche. Je commande un thé et demande le café de Boujmaou. "Pas de problème, c'est juste là derrière et puis à droite" ! Boujmaou est à Tata. Je ne peux pas me recommander de Brahim ! Le tenancier s'appelle Omar. Il me fait tout pour 120 dirhams : chambre, couscous maintenant, tajine ce soir, eau, petit-déjeuner, avec li vilo là fermé à clef ! Il faut dire qu'entrer à Akka est assez impressionnant quand on est français. D'abord on est seul, tous les regards berbères dirigés sur li cicliste. Mais l'accueil individuel est toujours très affable, très gentil. En mangeant le couscous - qui est loin de valoir le couscous royal d'Agadir ! - je me rends compte que les berbères prennent aussi un berlingo de lait qu'ils mélangent à la semoule. On apprend tous les jours. Pas d'internet mais à coté il y aurait un cybercafé. Alors ...

Cette étape est avec celle de demain jusqu'à Tata, une sorte de transition dans une zone assez désertique. Je n'ai pas rencontré une seule tente berbère à la différence d'hier, mais quelques rares panneaux avec une vache dessinée, sauf ... qu'il n'y a pas de vaches, seulement brebis et chèvres.

Icht - Akka, 6h45 - 12h45, 86 km, +260 m -214 m

Samedi 21 novembre 2015 - De Tata à Tagmoute, une merveille

Depuis mon arrivée à Akka, j'ai l'impression d'être entré dans un autre monde. On m'avait dit à Amtoudi que les locaux qui travaillent dans le tourisme sont les plus ouverts. Cela s'avère exact. Il est vrai qu'on est ici dans le Sud du Maroc, pays des berbères, relié par quelques routes goudronnées depuis très peu d'années. Est-ce l'éloignement avec les centres de décision politique marocain ? Est-ce l'identité berbère qui rend un peu méfiant ? Si l'accueil quand on dit bonjour est toujours poli, on se sent observé en permanence. Peut-être est-ce dans ma tête ?

Je suis parti comme d'habitude au point du jour, direction Tata. Cette étape est comme celle d'hier, une liaison par le désert sud marocain de la partie orientale de l'Anti-Atlas, très proche de l'Algérie. Il ne faut pas trop réfléchir, y aller sans rencontrer âme qui vive durant quasiment 65 km. Désert, désert de pierres et de sable. On longe de belles structures rocheuses longilignes orientées Est-Ouest qui forment des sortes de murs naturels contre lesquels la route est tracée. Comme hier, seulement quelques rares bus, camions, voitures. A chaque croisement de véhicules, toujours un petit signe du chauffeur : bien sympathique pour le bipède qui a parfois l'impression de pédaler pour encore pédaler.

L'entrée de Tata est un peu à l'image de ce que j'ai déjà trouvé à Ouarzazate, à Akka : un défilé de lampadaires d'une douzaine de mètres de haut de part et d'autre de la chaussée élargie à 3 ou 4 voies à l'entrée de la ville, sur un bon kilomètre. Mais à Tata, il y a un rond-point qui se trouve juste avant la monumentale entrée. Et, sous la monumentale entrée se trouvent des policiers que je n'avais pas vus, car j'ai été attiré par un grand panneau mentionnant le jumelage de Tata avec une ville française. Photo ! Mais arrivé sous la monumentale entrée, les policiers m'arrêtent : passeport immédiatement sans dire bonjour. On me dit que c'est interdit de prendre une photo si l'on voit le panneau posé par terre Police. Le chef veut visionner ma dernière photo : il y voit le panneau et me demande donc de la supprimer, ce que je fais sur le champ. Puis, il m'invite à reprendre la photo sans le panneau Police. Je le salue poliment et m'échappe. Je suis étonné de cette raideur car habituellement la police (ou les gendarmes) sont toujours avenants, cherchent à parler voire serrent la main.

Après avoir pris une omelette berbère (oeufs mollets avec olives, tomates, le tout cuit dans un tajine) et un thé, je décide de filer plus haut et de commencer l'étape prévue pour demain. Le soleil cogne fort. Je pars quand même avec peut-être l'objectif soit de camper soit d'atteindre Tagmout à une quarantaine de kilomètres. Cette route fut un émerveillement, apparemment récemment asphaltée. On ne cesse de découvrir de nouveaux tableaux paysagers après chaque virage. La montagne est là, présente, avec un festival de plissements aux contours, formes, ajustements très insolites. On a l'impression qu'on s'enfonce comme une petite souris dans un livre géant de Nature et que chaque virage est une page nouvelle qui se tourne, en relief bien sur. Magnifique !

Les policiers ont bien fait de me faire fuir de Tata. Un seul gite à Tagmoute, où je suis ce soir. Accueil normal mais un peu en-dessous des accueils que j'ai eus jusqu'à maintenant, jusqu'à Icht.

Akka - Tagmoute, 107 km, 7h - 16h, +985 m -460 m

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Dimanche 22 novembre 2015 - Couleurs chaudes mais pentes ... dures

Pas mal le gite de Tagmoute tenu par Abdelah. Le tajine pour quatre m'a bien revigoré hier soir. Départ guidé par la trouée de la petite route à travers les palmiers dattiers surplombant les cultures bien bordées de terre pour maintenir au mieux l'eau distribuée avec parcimonie.

On m'a dit que ça allait monter dur jusqu'à Igherm, qu'il valait mieux prendre le bus. Que nenni ! La route monte mais pas trop. On reconnait bien les endroits humides avec les palmiers et les petits jardins. Les ouvriers travaillent tot à la réfection de la chaussée. Un grand bonjour, ça va ? Le soleil fait flamboyer les couleurs ocres de la montagne. Beaucoup de clic-clac. Mais la pente devient plus sérieuse, et même d'une raideur et de longueurs très inhabituelles. C'est la première fois que je suis obligé de mettre tout à gauche : petit plateau, toute petite vitesse. C'est jusqu'à 4 km/h, la limite de l'équilibre. Les pentes dépassent les 13% ressemblant à celle du col Agnel versant italien dans les plus forts passages. Le bonhomme tient le coup mais on n'avance pas vite. Après 42 km de montée dont une vingtaine petit-petit, Igherm pointe son nez. C'est dimanche mais un café me permet de manger l'omelette berbère et de boire le thé. Un jeune diplomé d'anglais est intrigué par ce vélo bizarrement habillé. Du coup, il m'accompagne avec son vtt durant une vingtaine de kilomètres sur la route de Tafraout. Car j'ai décidé d'aller plus loin qu'Igherm redoutant un peu la longueur et surtout les bosses de l'étape de demain. Bien m'en a pris. J'ai fait près de 40 km après Igherm tout en montées-descentes, montagnes "russes". Brahim le vététiste qui dit avoir une licence d'anglais m'a saoulé de paroles durant la vingtaine de kilomètres. Une crevaison à la roue arrière ! Je désosse le Mulet de ses sacoches, démonte la roue, le pneu, remplace la chambre à air, remonte tout et ... essaie de semer mon berbère anglais. Je lui fais comprendre que c'est loin Igherm, qu'il faut retourner. Dans les descentes, je le sème mais il me rattrape dans les montées. Il a fini par se décider à me fiche la paix lui ayant dit que je ne pouvais plus parler, que je m'étouffais.

Depuis Igherm, je pédale entre 1500 m et 1800 m d'altitude au gré des bosses. Vers 16h30, je me décide de trouver un coin pour piter ma tente. En contrebas de la route, je pose mon abri sur un plat de cailloux. Au menu, taboulet à l'indienne mais il faut verser de l'eau bouillante ! N'ayant pas porté de réchaud ni de gamelle, j'y mets de l'eau froide. Pas terrible le résultat mais je pense que la semoule devrait bien passer quand même. Deux vaches qui rient, un petit coup de coca, et ...dodo dans la tente car le froid est bien là à cette altitude.

Tagmoute - 40 km après Igherm, 82 km, 7h - 16h30, +1230 m -950 m

Lundi 23 novembre 2015 - La poisse mais ... de la chance quand même

La nuit sous tente fut plutôt inconfortable car allongé comme si j'étais sur du ballast de chemin de fer. Est-ce le froid ? Ma montre s'est complètement déréglée. Ce qui est sûr, c'est que la tente est totalement givrée par le froid. Alors que le climat est très sec, j'ai devant l'entrée un beau tapis blanchâtre et le double toit est comme amidonné ! Glagla ! Mon réveil s'est fait à la lueur du jour mais sans soleil. Dur de plier tout et de mettre tout le bazar dans les sacoches. Je fais grimper le Mulet sur la route et ... descente mais vraiment lentement car c'est glacial. Ca fait longtemps que je n'ai pas attrapé ainsi l'onglet. Le frigo a duré plus d'une heure, le temps que Monsieur Soleil me réchauffe un peu. Pédalage en montagnes russes comme hier. Paysages rondelets déserts ! Quelques cols, donc quelques descentes aussi et ... le guidon devient dur ! crevé de la roue avant ! La guigne ! Quelle n'est pas ma stupéfaction de constater en démontant le pneu que c'est l'armature métallique du pneu qui est rentrée dans chambre à air. Impossible à réparer sans changer le pneu ! Pas âme qui vive - tout le monde a dû rester au chaud ! Que faire ? En observant bien le fer cassé, je me rends compte que je peux le plier un peu. J'ose une solution qui s'avérera efficace : pliant le fil de fer du pneu et le coupant au plus ras de la jante (j'ai toujours une pince !), le bout pointu métallique appuie maintenant contre la jante et non plus contre la chambre à air. Je mets la rustine et remonte tant bien que mal. Je gonfle à fond (100 coups de pompe Lapize !!) et je pars doucement en veillant à ne pas trop appuyer latéralement sur la roue avant. Inutile de dire que j'ai l'oeil plus sur ma roue que sur le paysage ! Pas chaud du tout là haut où je pédale entre 1500 m et 1800 m. Au carrefour où je dois bifurquer vers Id Ougnidif, je rencontre les gendarmes bien au chauds dans un kangoo. Je leur expose mon cas en leur disant qu'il faut absolument que je trouve un autre pneu. Affirmatifs sont-ils tous les deux : aller à Tafraout et non à Id Ougnidif. J'obtempère et file encore 22 kilomètres, très attentionné à ne pas vexer la roue avant ! Au bout de deux kilomètres, une grande, une énorme descente ! Je n'ose pas freiner avec le frein avant de peur de trop chauffer la jante. Tafraout n'arrive jamais ! Quelques douars mais pas de cycliste. Il faut aller à Tafraout. Je ne reconnais que le coeur de ce gros village pour y être allé voici bien longtemps. On a construit énormément depuis. C'est dans ce coeur que je trouve l'inespéré mécanicien cycliste. Le bonheur est là, tout rond, tout neuf, cranté à souhait. Du 26 pouces, on en trouve partout dans le monde ! Qu'on se le dise ...

En cinq minutes, le Mulet a les pattes avant refaites à neuf. Mais ... j'ai eu chaud quand même !

30 km après Igherm - Tafraout, 59 km, +450 m -1240 m

Mardi 24 novembre 2015 - La Kasbah de Tizourgane, nid d'aigle à ne pas louper !

Tafraout ... je ne devais pas y passer mais le pneu à changer impérativement m'a détourné de mon itinéraire. Et comme je n'avais pas prévu de journée supplémentaire dans mon tour de l'Anti-Atlas, je suis obligé, demain, d'aller à Ait Baha et, après-demain, de rejoindre directement Agadir. J'évite donc Taroudant. Dommage, peut-être aurai-je pu me faire inviter par les Chirac qui, d'après ce qu'on m'a dit ici, aurait un très bel hôtel.

Toute la nuit, j'ai été obsédé par la remontée de Tafraout, 21 km pour rejoindre le col d'où je suis descendu hier. Cette descente m'avait paru effrayante par la continuité et par la raideur de la pente. Il me semblait que je n'allais pas y arriver avec ma charge. Petit-déjeuner très léger yaourt-banane-cocacola. Je piste le compteur avec les kilomètres qui défilent très lentement mais ça va. Une chaussée bitumée d'à peine 4 mètres avec un soleil de face aveuglant, la pente, la charge, la très petite vitesse, tout ça me fait dépenser pas mal d'énergie lorsqu'un véhicule me croise ou me dépasse, cela, bien sûr, pour ne pas balancer le vélo hors de l'asphalte. Bien concentré pour ne pas fournir plus d'effort que nécessaire, je finis par lorgner le col tout là-haut mais avec bon espoir d'y arriver sans trop de problème. Deux petites pauses biscuit-fanta orange avec quelques clic-clac. Et ... finalement, je ne trouve pas cette montée de 21 km si impossible !

De l'autre côté du col, au rond-point, je retrouve à nouveau la police. Pas très causants en uniforme. Et j'entame la "descente" - en réalité toujours en montagnes russes - vers Ida Ougnidif pour trouver la Kasbah Tizourgane vantée par Stéphane. Le vent n'est pas chaud. Un thé s'impose. Au bord de la route assis devant ce qui semble être un café, je rencontre un natif de Ida Ougnidif qui habite depuis longtemps Saint-Denis et qui est en vacances. Parlant parfaitement le français de Paris, il m'accompagne en buvant le thé, redoutant un peu de rentrer en France.

Je finis par voir la Kasbah Tizourgane perché comme un agadir mais ayant été utilisé non comme un grenier mais comme une protection contre les razzias. Très belle oeuvre de 23 années de restauration et d'aménagement presque luxueux pour des gîtes, on y monte les sacoches à l'aide ... d'un monte-charge ! Le Mulet a trouvé plus sûr de se mettre à l'abri au pied de cette citadelle. Accueil très agréable par la femme du patron, la cuisinière, l'homme à tout faire ... La vue de la terrasse supérieure aménagée est imprenable : un paysage de montagne avec des arganiers implantés ça et là, et ... des ruches au pied de la citadelle.

Enfin, je peux voir trois ruches anciennes horizontales et cylindriques en activité. Une assez grosse entrée ronde d'environ 4 cm de diamètre est creusée dans le couvercle de façade qui paraît tout en terre séchée. Le petit rucher est typiquement traditionnel, un bâti ouvert en pierres sèches, avec plusieurs étages constitués de roseaux ou de moitiés de tiges de bambous mélangés à de la terre, avec un toit assez épais fait d'un mélange de terre et de végétation herbacée. Si la construction de ces ruches est semblable aux anciennes arnas aragonaises, le diamètre de ces ruches apparaît un peu plus petit que celui des arnas. Ces abeilles butinent de préférence les fleurs d'arganiers juste en dessous des ruches. Un miel d'arganier, tiens ! C'est propre au Maroc certainement.

Tafraout - Ida Ougnidif, 58 km, 7h-15h, +1054 m -840 m

Mercredi 25 novembre 2015 - La guigne ! nouvelle crevaison ...

Tizourgane Kasbah à Ida Ougnidif est le top de ce qu'on peut espérer trouver au Maroc. On y est tellement bien que je n'ai pas entendu la montre sonner le clairon du réveil ! Le patron m'a décrit ses difficultés pour réhabiliter ce monument appartenant en indivision à sa famille. Persévérance est le mot que l'on peut retenir pour aboutir à ce prestigieux établissement d'accueil : un modèle pour une bâtisse datant du XIIIe siècle mise aux normes de confort actuelles. Il manque juste un savon pour se laver. Sinon, tout y est : pas de fautes majeures de goût dans la restauration, travail d'artisans inventifs et compétents - notamment pour toutes les menuiseries faites sur mesure, oeuvre pédagogique avec des étudiants en master patrimoine d'Agadir, accueil parfait, cuisine excellente avec les produits locaux, chambres très grandes avec salle de bain, eau chaude solaire ...

Un rapide bonjour aux abeilles entrevues hier dans le très beau rucher à la mode antique, au pied de la Kasbah, niché versant Sud juste au-dessus des arganiers, et me voilà reparti. Mes sacoches ont été descendues par le monte-charge. Tout se présente bien pour joindre tranquillement Ait Baha, dernière étape avant Agadir. Dans le silence du matin, le jour se levant, rouler est un privilège qui, dans ces circonstances, permet de ressentir ce que les paysages peuvent offrir de meilleur à l'âme humaine. Mais ... une drôle d'impression me ramène aux réalités moins agréables : ma roue arrière se dégonfle ! Pourtant, avant de mettre une chambre à air neuve, il y a trois jours, j'avais bien pris la précaution de toucher tout l'intérieur du pneu pour être certain qu'il n'y avait pas d'épine, de morceau de fer susceptible de faire une nouvelle crevaison. Bien des morceaux de route sont actuellement en travaux lourds avec ferraillage, béton, engins de toutes sortes, et ... des cailloux très pointus sur lesquels on est obligé de rouler. J'enlève tout le barda pour extirper la roue arrière, démonte le pneu, sort la chambre à air neuve qui ne semble pas tout à fait dégonflée. J'opte pour mettre à la place la chambre à air de la roue avant d'hier que j'ai remplacée par une chambre à air neuve. La rustine est encore à moitié collée : je gonfle un peu, ça a l'air de tenir. Je me dis qu'avec la pression la rustine restera bien plaquée contre le pneu. Je remonte tout. 100 coups de pompe Lapize, et ça repart. Le paysage n'a plus la même saveur après ce nouveau coup du sort.

Un dromadaire au milieu de la chaussée ! En réalité, il y a tout un troupeau qui se délecte des noix d'argan. Le berger, plus que véritable gardien, suit les dromadaires des yeux et les accompagnent. Très belles bêtes bien propres. L'un essaie de s'approcher de l'appareil photo ... et c'est dans la boite ! ... Le pneu a l'air de tenir. Encore une bonne dizaine de kilomètres pour arriver à Ait Baha, grosse ville si l'on peut dire, où je peux trouver des chambres à air neuves.

C'est le jour du marché. Le souk se fait dans la rue principale mais aussi dans les ruelles adjacentes. Il y a de tout, en particulier toutes les petites choses qui faisaient le bonheur des bricoleurs "d'avant" avec les quincailleries et les drogueries. J'avais pisté un hôtel qui avait de bons avis. Impression confirmée par un passant qui m'indique son adresse.

Mais avant, il me faut trouver le réparateur de cycles qui me vendra deux chambres à air neuves et solides. Je suis tombé sur un brave homme qui trouve ce que je cherche et qui, aussi, voyant que mes mains étaient noires de cambouis, m'a porté de l'eau, de la poudre pour me laver les mains. Sympathique homme ! Je suis désormais armé pour crever au moins deux fois demain entre Ait Baha et Agadir !

La petite ville grouille de monde. Il y a plein de vieilles Landrover, de Peugeot et surtout de Renault. Au Maroc, les constructeurs automobiles de marques françaises ont (eu) un marché prometteur. Les Dacia sont très prisées.

La barbe a poussé depuis que je n'ai plus de bombe à raser et que le rasoir a rendu l'âme. Trouver un barbier ! Bonne idée, et puis lui faire aussi raccourcir les poils sur la tête ! Je tombe sur un maître du coupe-choux. Trois fois, il me badigeonne de mousse à croire que le rasoir ne coupait pas ! Je ressors avec la tête plus légère ...

Ida Ougnidif - Ait Baha, 49 km, 7h30 - 13h, +253 m -895 m

Jeudi 26 novembre 2015 - Retour chez les Chtis

De crainte de ne pas me réveiller comme la veille, j'ai mis l'alarme à la tablette, au téléphone et à la montre. Total : je me suis réveillé une heure plus tôt ! n'ayant appliqué le décalage horaire que sur la montre ...

Toujours très beau lever du jour ! Le vélo a sa roue arrière encore gonflée : magie du bricolage même avec la moitié d'une rustine collée ! Cela fait toujours impression, semble-t-il, de voir un bipède casqué sur une machine à pédales gorgée de paquets noirs. J'attire toujours autant les regards. 8°C ce matin à Ait Baha. La route est magnifique, large et sans circulation, durant les 30 premiers kilomètres. De beaux et fantomatiques douars apparaissent, pour la plupart en ruines. L'éclairage du soleil levant allonge fortement les ombres, accentuant un relief déjà bien présent.

Crèvera, crèvera pas ? Quelques portions encore empierrées me font lever de la selle pour mettre un maximum de poids sur la roue avant maintenant équipée de neuf. La pression du pneu arrière paraît tenir. Beaucoup de contours sur cette portion qui me conduit à la plaine menant à Agadir. Un lac ! La vision est surprenante ici mais le barrage est bien réel. De longues et planes lignes droites maintenant me mènent à Biougra, puis à Ait Melloul où j'ai envie d'une ... omelette. Cuite directement dans un plat en aluminium, ... je mets les mains là où il ne faut pas, c'est très chaud et ... je lâche tout ... mais ce fut bien bon ! Le plat est bien agréable pour pédaler maintenant cahin-caha.

Je passe Inezgane, reconnais la route qui mène à l'aéroport ... Ca y est, on sent l'écurie !

Avant d'aller chez les Chtis d'Agadir, je file au port de pêche. Impressionnant le nombre de bateaux présents ainsi que la dimension du port. L'entrée s'y fait sous surveillance policière et douanière. Magnifiques, les charpentiers de marine qui construisent encore là de très gros chalutiers en bois. Tout un secteur du port est dédié au dépeçage des bateaux retraités, à la coque toute cabossée, rouillée. Les chalumeaux en action tronçonnent par le feu ces vieux rafiots qui doivent en avoir des choses à raconter. Le sentiment de sécurité est total - ce qui n'est pas le cas en général dans les ports. Beaucoup de monde s'active sur chaque bateau pour charger le matériel nécessaire au retour en mer. Des tout petits bateaux, des barques presque, avec deux ou trois hommes à bord, partent ou reviennent de l'océan, la pêche n'étant pas seulement le fait de gros bateaux usines - qui sont aussi présents - ou des chalutiers traditionnels. Pas mal de monde à mobylette ou avec une remorque tirée à la main négocient quelques surplus de poissons invendus car pas aux normes. Sur un quai, plein de filets de pêche sont aux prises avec des petites mains qui racommodent, rafistolent les mailles déchirés. Même les orteils sont à l'oeuvre en même temps que les mains pour bien tendre le filet à réparer.

Casse-croûte sur le port avec calamars grillés/frites. Retour chez les Chtis où Didier me reçoit avec toujours autant d'attention : le carton du vélo et mes vêtements "de ville" sont bien là. Il est 14h. Ca y est l'Anti-Atlas est emballé. La boucle est bouclée.

Ait Baha - Agadir, 65 km, 7h15 - 14h, +110 m -598 m

Vendredi 27 novembre 2015 - Vécu d'Agadir

Ce matin, Les Chtis d'Agadir sont un havre de paix. Confort et détente au milieu de personnes de nationalités multiples. Un suédois travaillant au Mali est inquiet de retourner à Bamako. Un couple québécois, un autre germanique, deux franco-asiatiques. C'est aussi un couple polonais à l'histoire étonnante. Décidés à fuir la misère, mari et femme embarquent dans une voiture usée. Arrivés aux environs de Berlin, de nuit, panne de batterie : l'alternateur a rendu l'âme. Passe et s'arrête une voiture avec une dame seule à bord. Elle embarque le couple polonais, lui trouve une chambre. Le lendemain, le mari de la dame a fait le nécessaire : l'alternateur a été changé. La voiture des polonais est prête pour continuer le voyage. Aucun frais à payer. Belle histoire ...

Midi : au casse-croûte ! En déambulant sans trop réfléchir, je vois des petites tables pas mal occupées, avec un panneau indiquant "restaurant". Bien prétentieux peut-être le terme, mais assiettes appétissantes si j'en crois ce qui est servi. Le serveur - aussi patron - est habillé très propre : "oui, bien sûr, on fait le couscous le vendredi". Quelques minutes après, une magnifique assiette fumante arrive accompagnée d'une boisson inédite pour moi : jus de carotte avec orange. Arrive un couple avec deux petits enfants : lui en costume - cravate très chic, les petits habillés en "dimanche", elle complètement enveloppée de noir de la tête au pied. On ne voit même pas les yeux ...

Entre l'avenue Mohammed V et l'océan Atlantique, un autre Agadir : grandes et larges avenues, résidences de luxe, multiples hôtels 4 et 5 étoiles, kyrielle de taxis, bus de tours operators. Très peu de monde. De plantureux bipèdes aux tours de taille conséquents sirotent tranquillement. Mais les bars, les restaurants de luxe restent presque vides malgré les tarifs promotionnels ostensiblement affichés. Passe une jeune fille court vêtue.

Deux Agadir ...

Samedi 28 novembre 2015 - Retour à Toulouse

C'est l'heure de faire rentrer le vélo dans le carton. Le Mulet se plie de bonne grâce à l'opération : pédales à l'envers, guidon en travers, selle et béquille démontés, pneus dégonflés. On insère la tente, le matelas, le casque. Le carton est bouclé. Didier, le patron des Chtis d'Agadir a un lodgy qui permet au vélo d'être transporté sans risque jusqu'à l'aéroport. Quarante minutes quand même pour accéder à l'aérogare avec des embouteillages qu'une meilleure conception du maillage routier pourrait éviter. Au revoir à Didier qui m'a royalement reçu. Bonne continuation au Riad !

L'arrestation il y a deux jours de présumés terroristes autour d'Agadir laissait penser que les contrôles à l'aéroport allait être renforcés. Petite aérogare avec un grand hall d'embarquement, les passagers y font déjà la queue plus de deux heures avant l'embarquement. Les comptoirs d'enregistrement EasyJet sont très actifs et sans histoire. Jusqu'à l'arrivée des bagages à Toulouse-Blagnac, je retrouve la même efficacité dans l'organisation et dans le service à l'usager. L'avion est bondé et les places ne sont dimensionnées que pour des bipèdes petits et moyens. Le départ se fait avec 20 minutes d'avance ! "On va être détourné, c'est sûr : pourquoi part-on ainsi avec autant d'avance sur l'horaire !". C'est un clin d'oeil des passagers toulousains très en verve qui se trouvent derrière moi. Dans la nuit noire, on peut voir que l'on suit le littoral méditerranéen espagnol : lumières de Valence, de Barcelone ... mais aussi surprenante boule orangée de la lune ... L'atterrissage à Blagnac se fait en douceur. Il est 21h.

Aïe ! pas de pièce de 1 euro ! Comment prendre un caddie pour charger le carton-vélo et les sacoches. Heureux hasard : la pièce de 5 dirhams a la même dimension. Thomas est là pour m'accueillir. Ambiance normale à l'aéroport. La raclette a été très appréciée ... Douce réalité ... Retour à Eysus le lendemain : une grande barre nuageuse épouse les montagnes. La neige est bientôt là !

Un Bilan ?

L'Anti-Atlas est bien une montagne. Le petit tour fait en une douzaine de jours de vélo fait grimper au total près de 8000 mètres. Pas mal de montagnes russes. Trois grandes montées : le col de Kerdous depuis Tiznit, la portion spectaculaire de Tamgoute à Igherm avec de longues pentes supérieures à 12%, le col sans nom 20 km à l'Est de Tafraout. Un coup de coeur : les extraordinaires plissements rocheux de la portion Tata - Tamgoute - Igherm. De bonnes adresses avec de belles rencontres et discussions : chez Didier aux Chtis d'Agadir, l'hôtel des touristes à Tiznit, chez Abdou à Amtoudi, la Kasbah Tizourgane.

Ce voyage s'est inscrit dans un contexte très particulier puisque je suis parti le lendemain de la tragédie terroriste de Paris. Partout où je suis passé, j'ai eu les mêmes réactions spontanées avec le besoin de dire à l'étranger que la religion ne peut pas justifier de tels crimes. Le sentiment de sécurité a été total avec quelques gestes toutefois qui m'indiquaient clairement que je devais passer, m'éloigner, partir. Mais beaucoup plus souvent, j'ai eu de très nombreux témoignages d'attention alors que je ne demandais rien : par exemple lorsque j'ai dû changer mon pneu avant, ayant les mains noires de cambouis, on m'a spontanément porté de la lessive et de l'eau pour me laver ; par exemple pour me recommander un "ami" qui me trouvera logement et nourriture. Quatre images flash restent présentes dans ma tête : au souk d'Agadir, les visages épuisés de deux femmes, assises à même le sol, pétrissant indéfiniment la pâte d'argan (photos vendredi 27 novembre) ; toujours à Agadir, une mère de famille, tout de noir vêtue en voilage intégral, le mari en costume-cravate tenant par la main un petit garçon endimanché ; à Akka, la convergence de nombreuses femmes adultes se dirigeant vers l'école pour des cours d'alphabétisation ; toujours à Akka, de très beaux objets confectionnés par des femmes avec les plastiques ramassés dans le douar.

Kaleidoscope du cycliste ...

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Maroc 2011 -2

Mercredi 4 mai 2011

Finalement l'hôtel dans lequel j'étais à Boumalne "La Kasbah du Dadès" est à recommander. Tout est à peu près parfait : grande chambre, literie impeccable pour le repos mérité, salle de bain très propre et avec une eau chaude qui ... coule, emplacement exceptionnel (énorme terrasse avec une vue à 180° sur tout l'horizon), cuisine excellente (potage à la tomate épaissi avec des oignons, quelques petits légumes brisés, sel, poivre, piment, choix de spaghettis à la bolognaise - il manquait du parmesan ... -, melon aux six saveurs - orange en rondelles nappée de cannelle, avec en son centre du yaourt parfumé à la groseille), un cuisinier très attentif et doué, une ambiance générale du personnel très attentionné et respectant les consignes et les horaires, ... bref pour une demi-pension à 300 dirhams (que j'ai ramenée à 250), c'est vraiment une excellente adresse. Ce matin, en chargeant le Mulet, je constatais une augmentation du jeu du pédalier. J'ai essayé de trouver un cycliste réparateur à Boumalne mais c'était trop tôt. Finalement, je me suis décidé à regagner Ouarzazate en cloquediquant un peu tout le long, espérant y arriver sans encombre, mais c'est 115 km plus loin... Finalement, le pédalage fut bon. Pendant une dizaine de km j'ai pu vérifier que derrière une remorque de tracteur, le pédalage était extrêmement facile car l'air était assez aspirant pour peu qu'on se tienne à 1-2 m de la remorque (mais attention au freinage intempestif du conducteur du tracteur qui ne sait pas qu'il y a quelqu'un derrière). Ca m'a bien aidé car le vent était de face. J'ai encore vu toute la ligne de haute montagne du Haut-Atlas tout enneigée, du MGoun au Toubkal en passant par le Tizi-N-Tichka. De très beaux dromadaires (bruns ?) essayaient de trouver un peu de pitance pas trop loin de la route. Quand on voit ces étendues désertiques et ce soleil brûlant, on pense aussitôt à la formidable énergie solaire disponible. De fait, un projet de centrale photovoltaïque de 500 mégawatt est prévu ici. L'approche de Ouarzazate n'en finissait pas, les lignes droites étaient longues, longues. Mais la vue des lacs de barrage à ma gauche rafraichissait un peu la tête. J'étais bâché pour le soleil avec le chapeau de Dominique solidement ancré par le casque. Tout arrive, même Ouarzazate. Je suis allé à l'Office du Tourisme pour essayer de trouver d'autres hôtels. Finalement, je suis à l'hôtel Royal proche de la place centrale. La douche faite, je suis parti chercher un ... réparateur vélo ! Le premier trouvé n'avait pas les clefs pour le pédalier. Le second a été plus débrouillard (mais inquiétant un peu aussi). Il a dévissé la manivelle gauche puis avec une pince qu'il a redressé au marteau (sic!), il a, semble-t-il, pu visser un peu plus fort le moyeu du pédalier et m'a dit : "c'est bon !". Stupéfait, j'ai effectivement vu qu'il n'y avait presque plus de jeu. Il a remonté la manivelle gauche. Il n'a rien voulu, je lui ai donné 20 dirhams. Il était tout content (deux euros). Mais je ne sais pas jusqu'à quand ça va tenir. Je lui ai parlé de 500 km : il m'a dit que bien sûr ça pouvait tenir 500 km mais qu'il faudra changer la pièce. Du coup, tout content, j'ai mangé un plat de spaghettis avec un café (un vrai café c'est quand même pas mal !). Je vais rester deux nuits à Ouarzazate pour faire une petite pause d'un jour, avant de partir pour la deuxième partie du voyage.

8h30 - 15h30 +510 m - -875 m 119 km

Jeudi 5 mai 2011

Mélanges ...

Hier soir, repas de gala chez Dimitri ! ... qui n'est plus le légionnaire assoiffé qu'on décrit dans le Guide du Routard mais un ... Basque originaire de Saint-Pé-sur-Nivelle (famille Larralde) : tajine de lapin aux pruneaux (ce n'était peut-être qu'un chat mais il était pas mal), mousse au chocolat (plutôt crème de marron liquéfiée) et excellente bouteille de vin du Maroc de 33 cl (région du sud-ouest de Fès, je crois). Le cycliste était satisfait, le ventre un peu assagi !

Chambre très simple mais très bien au Royal Hôtel (80 dirhams la nuit sans petit-déjeuner), très propre. Nuit super ronflante. Petit-déjeuner presque à l'heure habituelle (vers 7h30) au restaurant Royal qui jouxte l'hôtel (propriétaire différent) : personne évidemment à cette heure. Les tables commencent à être mises en place sur la terrasse dans l'avenue Mohamed V. Puis, omelette, café au lait et bien sûr un excellent jus d'orange pressée (c'est un des must du voyage car très régulier partout et avec toujours l'accord parfait des papilles). L'énorme projecteur solaire allongeait inconsidérément les moindres reliefs. Irréelle la vision des berbères devenant ainsi par leur ombre ondulante, des silhouettes doubles. Quelques véhicules poussifs, quelques vélos qui faisaient un grincement un peu semblable au mien. A l'heure où je quitte la table, quelques costumes arrivent, cadres clope au bec pour commander le thé berbère.

Direction La Kasbah de Taourirt. Un très bel ensemble architectural en terre, conservé et entretenu, accessible aux touristes (moyennant 20 dirhams), ancienne demeure du Pacha de Marrakech. On visite principalement les appartements du Glaoui. On enfile toute une série labyrintique de pièces plus ou moins grandes, plus ou moins basses, tout un tas d'escaliers avec parfois des petites ouvertures vers l'extérieur (en forme de meurtrière) mais aussi de belles salles toutes ornées avec des ouvertures en arcs dans les murs et des plafonds charpentés par du bois de cèdre avec parfois du stuc peint ... Un plafond très coloré dépareillé mais c'est pour des séquences de tournage de film qui auront lieu cet après-midi. Ouarzazate est une ville de cinéma ... Le musée du cinéma qui est en face de la Kasbah n'est pas très engageant : beaucoup d'objets en ... toc. Plus intéressants peut-être les très beaux étals de marchands de tissus et de bibelots : un jeune vendeur a réussi à me faire prendre un très beau chèche couleur bleu touareg qui sera pour Domi.

RAM. Non ce n'est pas l'ingénieux système de mise en mémoire de nos appareils de communication par internet mais la compagnie aérienne marocaine, qui a une agence juste à côté de l'hôtel Royal. Je rentre pour confirmer mon vol de retour pour le 13 mai. En réalité, la confirmation ne sert qu'à avertir le passager d'éventuelles modifications dans le vol. La confirmation n'est pas obligatoire, le siège passager est de toutes façons réservé. Sauf ... qu'il peut y avoir du surbooking (dixit l'employé de RAM) et alors, mieux vaut arriver assez tôt le jour du départ !

Le capteur solaire fonctionne à plein depuis ce matin. La terrasse de l'hôtel est parfaitement située. La batterie de l'appareil photographique en avait besoin. Mais, au loin, une rumeur qui enfle. Un oeil par-dessus le parapet : une manif ! là-bas à 50 m. L'ex soixante huit hard que je suis descend voir. C'est une manifestation des voitures beige crème avec une énorme banderole qui fait toute la largeur de l'avenue Mohamed V traduite en français (et en arabe) qui dit : "les Grands taxis de Ouarzazate condamnent l'explosion de Marrakech à l'hôtel Argana". Pas mal non ?

Poulet - frites ! Ca y est cette fois-ci, les odeurs de grillade m'ont attiré. Pal mal l'éternel plat intercontinental, même si les frites n'étaient pas très nombreuses à honorer le bipède doré. Pas de vin mais tout de même l'excellent thé marocain qui reste le meilleur du monde avec la menthe et le sucre en ... quantité bien sûr ! Et ... la tarte au citron : oui, je l'ai trouvé au Salon de thé de la place centrale mais pas aussi bon tout de même que la tarte au citron d'Amatchi et même que celle que l'on trouve à Leclerc de Gap ! Mais, au Maroc, c'est une divine surprise néanmoins, accompagnée d'un puissant café noir très ... serré !

Vendredi 6 mai 2011

Hier soir en mangeant, un collègue marocain professeur d'anglais au lycée de Ouarzazate (qui parlait un français remarquable) m'a dit que la route Ouarzazate - Taznakht était très belle. L'itinéraire que j'avais prévu passait par Agdz pour rejoindre ensuite Taznakht, mais en deux jours, avec le passage de trois cols. Comme je ne suis pas très sûr de la réparation du jeune marocain sur mon pédalier, j'ai finalement opté ce matin de rejoindre Taznakht en un jour en passant par cette "belle vallée" recommandée par le collègue anglais. Départ pas très matinal comme toujours parce que les marocains servant le petit déjeuner ne sont pas très matinaux. Je retourne donc pendant 29 km sur la route de Marrakech (que j'avais suivie à l'aller sous les trombes d'eau). Le paysage sur les montagnes du Toubkal est superbe avec, en premier plan, les très belles cultures. Dans les champs, pas mal de monde au travail, quelques ânes broutent, et ... un très beau cadrage pour une photo avec, en premier plan, trois femmes ramassant l'herbe avec l'âne à côté qui attend le chargement, derrière, un village et, en fond, la chaine enneigée du M'Goun. L'arrêt s'impose : clic, mais ... les petites dames n'aiment pas du tout. Je vais vers elles et essaie de discuter puis leur propose de les aider à monter sur le dos de l"âne le grand sac d'herbes coupées. Un jeune homme passe. Je l'invite à venir faire de même. Il refuse catégoriquement ! Je finis par monter l'énorme sac sur l'âne après une bonne rigolade ... On laisse, vite après, la route de Marrakech pour filer plein sud-ouest sur une route extrêmement étroite qui ne peut supporter deux véhicules en même temps sur la chaussée. Donc ... attention le bipède cycliste !! Un oeil permanent sur le rétroviseur s'impose. Comme toujours, quelques défaillants de la vue m'ont fichu quelques frayeurs. La vallée est effectivement très belle, bordée de montagnes moyennes très variées et dans les tons et dans les configurations. De l'eau coule vers ... l'est, le désert. Quelques animaux sont surpris dont une très belle grande aigrette et un animal que j'ai vu à plusieurs reprises qui ressemble un peu à un écureuil mais qui a une démarche qui fait penser à un lézard (!!). Pas mal d'élevages avec des bergers qui gardent moutons (blancs et noirs mélangés), chèvres, mais aussi un grand troupeau de petites vaches très brunes. Un très bel oued dénommé Oued Iriri mais ... après, c'est-à-dire au bout d'une quarantaine de km depuis Ouarzazate, la montée du Tizinbachkoum (col à 1700 m) commence, avec une pente douce d'abord mais qui n'en finit pas. Et ... Monsieur le Vent a la bonne idée de pointer son nez ... de face ou de trois quart, en même temps que la pente devient plus généreuse, que le col semble être atteint ... car ça redescend un peu, mais non ça remonte, ça remonte même fort, à nouveau un col mais ... non ça continue à nouveau à descendre puis à monter ... cela une bonne dizaine de fois ! Le bonhomme sur le vélo peste contre ce vent de face qui ne s'est jamais arrêté jusqu'au bout, jusqu'au village de Taznakht. J'apprendrai que le vent se lève régulièrement en début d'après-midi mais que le matin c'est calme. J'ai donc fait, par un itinéraire plus court, deux journées prévues en une seule, mais cela m'a permis d'économiser Monsieur le Mulet. Car il lui reste encore au moins trois cols avant Marrakech dont le fameux Tizi N'Test. Comme prévu, la pseudo réparation n'est pas terrible. Le Mulet couinait et renâclait dès le départ puis un peu moins dans les pentes fortes. Le bipède qui était dessus pestait contre ce terrible vent au point qu'il se demandait s'il allait pouvoir arriver à ... l'étape ! Le village de Taznakht est coupé en deux, à gauche (nord) c'est l'ancien village, à droite (sud) c'est le nouveau avec tous les petits commerces et les hôtels. Je trouve des français en panne de voiture (un caillou a percé le radiateur) avec un guide berbère, attablés dans un hôtel-restaurant. Je demande si le repas est correct : "très bon". Donc je présume que l'hôtel doit être acceptable. Le guide berbère fait comme s'il me connaissait depuis toujours, me présente au patron pour une demi-pension extrêmement raisonnable (150 dirhams). Pour ceux qui ne voient pas le nom de Taznakht sur la carte, ça se situe à peu près à mi-chemin antre Agdz et Taliouine sur la carte de la page d'accueil. J'avoue que toute la deuxième partie de cette étape d'aujourd'hui m'a un peu forcé le mollet. Quel foutu vent ! Tout était presque réuni : la pente qui obligeait à monter "petit", les véhicules arrivant par derrière un peu trop près, et le Vent qui était à la fois permanent et très changeant avec parfois des bourrasques à ... bien tenir le guidon : de quoi faire remiser le vélo quand on voit la facilité avec laquelle les moteurs encaissent les morsures d'Eole !

7h40 - 15h30 +995 m -800 m 90 km

Samedi 7 mai 2011

Hier au soir, j'ai commandé à tout hasard un tajine à la viande. Extraordinaire finesse de préparation. La viande était de l'agneau avec juste ce qu'il fallait de gras pour que ça fonde dans la bouche. L'accompagnement était un mélange subtil d'olives, d'oignons, de petits pois frais, de pommes de terre. Très bel équilibre de cuisson ! La nuit fut bonne. Sans trop l'espérer, j'avais donné petit-déjeuner 7h. Le petit-déjeuner était prêt à l'heure. Le départ fut donc rapide. Un bonheur de route ... sans circulation à cette heure-là quasiment. On est à un peu plus de 1500 m et on file sur une suite de plateaux en montant un peu avec le passage de deux cols à 1800 m environ. La végétation apparaît plus verte que vers Ouarzazate : à l'évidence, l'altitude et la proximité plus grande de l'océan explique que l'on ait là des troupeaux beaucoup plus nombreux avec des bergers (souvent deux d'ailleurs) qui gardent plus de 1000 têtes (toujours brebis et chèvres mélangés). Des tentes pointent dans la montagne de temps en temps : ce sont les cabanes de bergers d'ici. On a de l'élevage extensif et des cultures sur de très grandes parcelles : beaucoup de blé mais aussi des plantations d'amandiers (peut-être aussi d'oliviers). Une douce brise frontale est là pour peaufiner l'aérodynamisme de mon bronzage : très agréable. La pente est douce souvent mais bien réelle avec des portions proches des cols, un peu plus physiques. Tout le long de ce parcours d'est en ouest, la belle barrière du Haut-Atlas est là avec les plus hauts sommets encore un peu enneigés. Je crois reconnaître le Toubkal mais je dois me tromper, le Toubkal étant vraisemblablement un peu plus derrière à l'ouest. La brise commence à enfler (de face) vers 12h. Mais l'essentiel est fait, les cols sont franchis. Maintenant, c'est la longue descente (pas toujours descendante !) vers Taliouine. Décor de plissements rocheux qui feraient parler le plus muet des géologues ! C'est vrai que Dame Nature, là, il y a quelques millions d'années, a eu du fil à retordre pour faire une place à toutes les demandes de couches géologiques. La discussion a dû être vivre à voir les enchevêtrements qui en résultent. L'auberge du Safran approche. Car, ici, la culture du Safran est une spécialité locale (mais je n'ai pas su voir une seule fleur dans les champs - sans doute n'est-ce pas la bonne saison). L'auberge est là encore très bien tenue, avec des chambres aux couleurs de décoration toutes différentes. Vue sur les plissements à 180°. Etant arrivé assez tôt, je demande un ... tajine à la viande ! Le tajine fut très bon mais la viande était, là, de la chèvre en boulettes. La musique des papilles n'était pas aussi harmonieuse qu'hier soir ... Taliouine est un village-rue sur la route Agadir - Ouarzazate. Le climat un peu venté est très agréable (le thermomètre affiche 33°C) ... tant qu'on n'est pas en vélo. Demain, je préfère poursuivre tant que je sens mon vélo plein d'entrain encore, quitte à avoir un jour d'avance sur mes prévisions. Mais j'ai encore un sacré col le Tizi N'Test à monter (après-demain normalement). J'aurai un peu moins d'appréhension une fois ce col franchi. Donc, demain, j'espère pouvoir arriver au début de la montée du col, soit une distance à faire de l'ordre de 90-100 km. Le temps est maintenant au beau fixe, semble-t-il.

7h - 13h30 +635 m -1000 m 89 km

Dimanche 8 mai 2011

Etape de liaison comme on dirait. La flemme aux pédales, je suis parti ce matin à 7h30 de Taliouine, le village pour géologues (un cas d'école, ces plissements qui l'entourent !). Il fait un temps de rêve (à cette heure là !) à flââânner. Je compte arriver au pied du dernier col de ce voyage, le Tizi N'Test, soit environ 80 km. L'heure est presque à la contemplation tellement on sent que la Nature a repris des forces dans la nuit. Quelques hommes et femmes vaillants sont dans les champs. Toujours du blé, mais aussi de plus en plus de grandes étendues de cultures très mécanisées (notamment des citronniers). Il se côtoie deux formes de cultures à mille lieux l'une de l'autre : ici on ramasse à la faucille l'herbe pour nourrir le bétail, là, tout est clôturé, l'arrosage est enterré, automatisé, tout est aligné, et, parfois, sous de grandes serres recouvertes de plastique. Le paysage verdit de plus en plus au fur et à mesure qu'on va vers l'ouest. Les arbres montent de plus en plus haut en altitude, toujours le blé, mais aussi de superbes étendues de cet arbre magique qui s'exploite désormais en coopérative de femmes : l'Arganier. Qui m'a renseigné ? ... La maréchaussée en uniforme. Je n'en ai pas crû mes yeux lorsque m'arrêtant à la hauteur d'un barrage de police, le policier le plus proche me tendit la main : "alors, comment ça va !". Je vous disais qu'au Maroc tout le monde se connaît depuis toujours ! En réponse à ma question, les deux policiers m'expliquèrent que cet arbre pousse principalement en montagne, qu'il ne se plante pas mais qu'il pousse tout seul (sans doute avec l'aide du vent et des oiseaux), qu'il procure de l'huile très fine pour les parfums, l'eau de toilette, les crèmes, qu'il fait trois productions annuelles. Sacrée aubaine cet arbre ! ... Sa répartition est aléatoire sur l'espace mais cet arbre semble avoir besoin de bien 150 à 200 m2 de surface au sol. Beaucoup de ressemblances avec les oliveraies d'Aragon ... Au loin, une petite fumée ... sort d'un monticule conique d'environ 5 mètres de hauteur. D'autres monticules à côté ... faits de grosses branches de bois, recouverts pour certains de terre, et trois hommes noirs de poussières qui remuent ... du charbon de bois. Enfin, je le trouve ! Depuis le temps que je cherche à voir la fabrication artisanale du charbon de bois comme on le faisait dans les Pyrénées il n'y a pas si longtemps (Céleste Gimenez, d'Eysus, m'avait tout expliqué car elle en avait fait au Bois du Bager dans sa jeunesse). Car cette fabrication illustre le mécanisme de la combustion sans oxygène qui serait vraisemblablement une solution bien préférable à l'incinération dans la plupart des situations. Ca se consume sans apport d'oxygène : on allume la meule de bois recouverte de terre par des brindilles allumées dans une cheminée faite au centre haut de la meule, on bouche. Tout se consume en gros en huit jours d'après ce qui m'a été dit. Il reste le carbone (le charbon de bois). J'ai pu faire pas mal de photos de toutes les étapes. Lucien Espagno sera content de voir enfin des photos vraies de cette combustion anaérobie. Chaude, chaude la route à partir de 12h. Le soleil est vraiment en forme aujourd'hui. Je m'arrête pour boire un coup à un petit bistrot de bord de route. Le bistrot est en réalité une épicerie. Je demande une omelette. On me la porte dans ... la poêle avec du pain. Et je mange donc, avec la main droite bien sûr ! La bifurcation vers le nord tant attendue arrive avec le panneau Tizi N'Test. Il me faut trouver ce petit village perdu indiqué sur la carte Michelin. 10 km après, c'est bon : Tafingoult, à droite toute, et je tombe sur quelques rares maisons mais deux essentielles : l'épicerie et le (cyber)café ! A moi la sieste ... Ce soir camping sous les étoiles !

7h30 - 14h15 +455 m -685 m 80 km

Lundi 9 mai 2011

Surprenant accueil dans ce petit village du bout du monde Tafingoult ! J'étais même gardé par la police locale qui se résume à une seule personne en uniforme avec un très beau pick up Toyota 4x4. "Bienvenue !" tel était le mot le plus entendu ! Match de foot ... à la télé le soir. Les jeunes étaient à la fête ! Mon diner : une boite de conserve de thon et une boite de conserve de sardines : pas mal non ? plus un demi-litre de lait. Nuit réparatrice sous la tente. Le matin, les petits pas des chèvres et des ânes qui vont au marché hebdomadaire me réveillent. 6h30, tout le monde se prépare pour le souk local. La tente est vite pliée. Je prends un thé en guise de petit déjeuner au souk. Puis, ... à moi la joyeuse et longue pente qui doit me mener au Tizi N'Test. Très très beau, d'abord les arganiers puis l'étage des chênes verts. J'entends les très nombreuses perdrix grises et rouges. Je stoppe et j'en vois une qui se promène en chantant son hymne au soleil. Plus haut, sur le bord de la route une chouette de tengman, toute surprise d'entendre les pneus de mon vélo et qui s'écarte au dernier moment. Cette toute petite chouette est assez courante je crois au Maroc pour l'avoir déjà photographié. Ca monte, c'est long, 30 km ... J'ai mis 5h30, calculez la moyenne ! La chaleur d'enfer est arrivée à partir de 10h. Nombreux arrêts-buvettes. La route est très étroite et assez défoncée tout le long, rapiécée à la pelle, donc ... pleine de bosses est de ... creux entre lesquels on doit essayer de louvoyer pour s'économiser un peu. On a là une route comme on en avait il y a ... belle lurette en France avec les virages penchés (vers l'intérieur). La vue panoramique est majestueuse au fur et à mesure de la montée. Au col, une auberge pleine de motards qui, apparemment, s'en sont mis plein la panse. Descente immédiate pour moi versant nord du col avec un temps qui change brutalement : de la canicule au froid, aux nuages, au vent, et même à quelques gouttes de pluie. La vraie descente ne commence qu'à une dizaine de km du col et là ... un coup de fringale ! Le bonhomme s'endort presque sur le mulet ! Vite, je réagis en ingurgitant des amandes, du pain et du fromage, une banane, deux pommes, et ... je bois comme un trou ! Il faut dire que je suis passé du pic de chaleur entre 11h et 13h en montant, au froid vif et au vent en rafales après. Beaucoup de bousiers sur cette route, ces bestioles qui mangent les excréments et qu'on trouve de plus en plus rarement en France. Sûr qu'en voiture, on en écrase pas mal car on ne les voit pas. En vélo, on peut faire coucou à ces boules noires qui avancent un peu difficilement. Une réserve pour mouflons est fermée par des grillages. La descente est tranquille et longue. Des noyers dans un grand virage, des pêchers, quelques ensembles d'habitations. Je cherche pour manger et dormir et tombe sur Talat n'Yacoub. Mais pas de possibilité de communiquer par internet. Une auberge que je ne nommerai pas m'accueille. A éviter : c'est crasseux, c'est cher, seul l'environnement est très fleuri avec de beaux arbres noyers, amandiers, pêchers, un très beau potager. Je téléphone à Dominique : on s'entend comme si on était dans la pièce à côté ! Un bon rasage, et ... dodo !

7h - 17h +1465 m -1020 m 71 km

Mardi 10 mai 2011

Je n'ai pas trainé à l'auberge. Petit-déjeuner a minima (il n'y avait pas de café ni de lait car hier il "a fait chaud" !! Pas non plus de jus d'orange traditionnel (c'est la seule fois dans ce séjour !). Aujourd'hui j'ai du temps. Je reviens sur mes pas (en montant ! ... il doit être un peu fêlé cet André doit se dire le Mulet) cinq km plus haut pour revoir la très belle mosquée de Tinmel du XIIe. Elle a été restaurée. Je pensais pouvoir y entrer. Peine perdue : tout est fermé à double tour. Personne ! alors que ce doit être un chef d'oeuvre si l'on en croit les descriptions. La descente vers Marrakech est loin d'être de tout repos, car il y a encore quelques petits cols qu'il faut grimper en petit petit ! sous la chaleur bien sûr. Mais des nuages s'accumulent à droite (est) et devant moi (nord). La route est toujours aussi cabossée, mais la circulation est tranquille. Quelques gués même se passent en faisant trempette. J'entends une ... machine-outil : un menuisier ! Je m'arrête pour voir avec quoi il travaille. Une bonne toupie qu'il a équipé d'une scie circulaire à l'horizontale qui a un bruit de roulement un peu anormal, une dégauchisseuse-raboteuse-mortaiseuse dont il me vante les mérites. Tiens, ça me fait plaisir tout d'un coup de voir du bois travaillé !... Le torrent devient énorme au fur et à mesure de la descente. On voit les énormes ravages des crues récentes ! puis l'eau stagne, le lit devient très large : c'est un lac de barrage. Si j'avais pu lire le message de Michel au sujet de l'auberge du "Sanglier qui fume" je me serai arrêté car je l'ai vu, elle est encore là. J'ai opté pour un "poulet grillé" avec pommes sautées dans un très bel établissement de Ouirgane. Mais, en fait de poulet grillé, j'ai eu droit à une belle carcasse ailée donc ... très peu de viande. Par contre, un café qui requinque ! J'en avais besoin pour affronter un des tout derniers "cols" sous le cagnard. A droite, les montagnes enneigées du massif du Toubkal, l'embranchement pour Imlil : ça y est je suis à Assni, à une cinquantaine de km de Marrakech. Le ... tonnerre se met à gronder, plusieurs fois, des gouttes, je m'abrite, je repars et trouve le souk habituel d'Assni. Comme par hasard, je suis hélé par un berbère "qui a fait le Toubkal 35 fois" (et donc avec qui je devrai pouvoir rappeler beaucoup de souvenirs puisqu'il y a une dizaine d'années j'ai pu le gravir à skis - la fin en crampons). Assni est très animé, le cybercafé fonctionne. Il y a une auberge de jeunesse où je vais passer la nuit pour 30 dirhams. Un petit risque : j'ai donné 100 dirhams à Mohammed "qui a fait 35 fois le Toubkal" pour le repas de ce soir et le petit-déjeuner que je dois prendre chez lui ... Je vous raconterai la suite !

8h - 15h45 +735 m -805 m 62 km

Mercredi 11 mai 2011

Ouahou ! Soirée un peu spéciale hier soir chez "Mohammed qui a fait 35 fois le Toubkal". En attendant l'heure du diner (vers 19h), je jette un oeil sur une équipe de menuisiers qui fabriquent des volets avec des persiennes. Je regarde bien les coupes, le montage, la façon de travailler avec les machines. Un appel "André" m'extirpe de là. Il faut aller chez Mohammed : c'est son cousin qui le dit ! J'obtempère et marche vers le lieu du festin. On sort du bourg d'Assni (à pied) pour entrer dans un quartier nouveau, peuplé principalement des habitants des quelques cinq ou six villages qui ont été inondés par le barrage construit récemment. En réalité, à côté des ensembles style HLM, se trouvent des bidonvilles c'est-à-dire des "habitats précaires" comme on dirait en termes universitaires plus élégants (cf. la thèse de mon ami Sid Ahmed Souiah que j'avais dirigée). Le tout sans autorisation bien sûr. Secteur très populeux. Mohammed 35 Toubkal me dit qu'en attendant le repas, il faut que j'aille monter sur la colline derrière, faire un petit tour. Pour cela, il me délègue sa nièce, une jeune fille qui exécute sans rechigner et qui me devance donc sur ce sentier du belvédère du "Toubkal". En montant, j'essaie de voir si elle comprend et parle un peu le français. A l'évidence, l'anglais lui convient mieux. Arrivés au haut de la colline (20 minutes), elle me demande en français des dirhams ... Je lui réponds qu'il n'a jamais été question de dirhams avec son oncle. On redescend après, malgré tout, une belle photo du Toubkal (une des rares que l'on peut faire de ce sommet un peu enfermé sur l'environnement paysager). Beaucoup de rires de la part des copines de ma guide. Je pars rejoindre Mohammed 35 Toubkal. Le tajine se fait. Sa femme n'est pas là ni ses deux enfants, ils sont à la montagne. Je suis invité à m'asseoir sur un tabouret fait main. J'essaie de meubler un peu le temps qui passe : donc pas d'autorisation pour ce qu'il a construit, pas de sanitaire, pas d'eau au robinet ... Le cousin arrive, sapé comme un milord. On boit le thé. Et ... il se met à tomber quatre gouttes. Je demande à rentrer à l'intérieur. La télé fait du bruit, avec une antenne constituée de six câbles dénudés (il devrait faire breveter !). Le tajine au poulet est finalement très bon car garni de légumes frais dont des fèves. Je me régale, en prends plus que ma part (on est trois à manger). Je suis bien entendu déchaussé sur des peaux de moutons. J'ai droit à un dessert de fruits : melon, pomme, banane. L'heure tourne et ... je vois la lumière du soleil de plus en plus faiblement. Heureusement, en montant, j'ai bien enregistré l'itinéraire pour rejoindre l'auberge de jeunesse où je crèche, et j'ai pris ma lampe de poche ! Le cousin se décide : "Msieur, il faut voir ce que ma famille fait" ... Je pressens ce que je redoutais un peu. Je dis à Mohammed 35 que j'ai fait beaucoup de vélo, que je suis fatigué et que je dois aller me coucher ! Mohammed me dit qu'un repas commence et se termine toujours par un thé, que je dois donc boire le thé ! Bon, je suis poli. Le thé arrive. Mohammed 35 dit que ce serait bien de "voir ce que les gens de la montagne fabriquent" ... Je l'interromps en lui précisant que je suis lourdement chargé avec le vélo et les sacoches pour l'avion, qu'il n'est pas question que je porte un gramme de plus et ... qu'il doit bien comprendre, lui le montagnard au 35 Toubkal que j'ai besoin de dormir. Car ... bien sûr, il fallait aller chez le cousin à côté ... Le cousin renouvelle avec insistance son offre. Je fini par hausser le ton, et leur dis que je viendrai demain matin au petit-déjeuner et que l'on verra à ce moment-là. Mohammed 35 accepte, et ils finissent par me laisser franchir la porte, de nuit. Je rentre normalement à l'auberge de jeunesse quelques km plus loin avec la frontale, après avoir traversé deux quartiers très mal éclairés et très peuplés. La chambre est toujours là, le vélo aussi. Je ferme à double tour et m'assois pour adopter une stratégie ! A l'évidence, comme c'est écrit dans le Guide du Routard, ce type de situation est assez fréquent pour attirer le toutou et se faire gauler pour qu'il soit forcé d'acheter ... Tempête sous un crâne ! Bilan : je mets le réveil à 6h pour départ en douce de nuit juste avant le lever du jour, sur la route de Marrakech. La nuit fut un peu agitée avec les étudiants qui étaient là à l'auberge. Mais, le clairon finit par sonner. Tout fut prêt en 3 minutes (le Mulet dormait avec moi dans la piaule). Je suis sorti en douce de l'auberge, ai mis ma frontale et, ... tout doucement, j'ai traversé Assni. Quelques terribles chiens ont dû montrer qu'ils faisaient leur boulot. Mais ... je me suis rendu compte que les marocains ne se réveillaient pas très tôt en général. Ainsi, ma fuite se réalisa sans encombre. Adieu Mohammed 35 et ton cousin, vous aviez pourtant l'air bien sympathique ! ... La descente vers Marrakech commence par une ... montée ! Les gorges dans lesquelles serpente l'oued sont extraordinairement labourées par les stigmates d'une crue récente. Mais, ça descend doucement, longuement, la route s'élargit, devient beaucoup plus lisse. Très vite, les faubourgs de Marrakech apparaissent. Direction, le centre donc la place ... Jamaa el Fna. La circulation est très chargée, les policiers sont encore sur les dents en interdisant l'accès de la place aux véhicules. Je finis par rallier l'hötel Imilchil pour aller rendre visite au sous-sol afin de voir si le carton et mes vêtements de voyage sont encore là ! Ils y sont ! Puis direction l'hôtel Hasna réservé par Sentiers Berbère pour cette nuit : hôtel au moins aussi bien que l'Imilchil pour le même prix (35 euros B&B). Je boucle la boucle de ce petit tour printanier au Maroc. J'ai faim, je prends un bain, je m'endors. Arte me réveille. Vite au souk pour manger : c'est presque donné par rapport aux prix pratiqués hors Marrakech. Allez, hier soir, j'avoue que je n'étais pas très fier car j'étais finalement enfermé avec deux types. Bôf, finalement, il suffit de trouver une porte de sortie ! L'Aventure ...

6h30 - 10h +150 m -230 m 48 km

Jeudi 12 mai 2011

Good la nuit avec surtout un lever à 8h30 ! En regardant la télé espagnole j'ai cru à une explosion d'Al Qaïda. Mais lorsque j'ai entendu "terremoto" j'ai été un peu "rassuré". Ici, à Marrakech sur la place Jamaa El Fna, tous les jours, il y a des manifestations avec banderole pour condamner l'attentat du 28 avril. Hier, pas étonnant que les policiers étaient sur les dents lorsque je suis arrivé : c'était le reconstitution de l'explosion du 28 avril en présence du principal accusé (reportage hier soir à la télé marocaine). Ce n'est pas étonnant que la circulation des véhicules ait été interdite en direction de la place. Ce matin, transfert de mes affaires et de mon vélo à l'hôtel Imilchil. Puis, visite aux tanneries, un quartier où finalement très peu de touristes vont because c'est un peu loin de Jamaa El Fna, et puis, ça sent fort. On peut se rendre compte du travail quasi inhumain de ces pauvres hommes qui sont là toute la journée sous le cagnard à prendre les peaux (de moutons, de chèvres, de dromadaires ...), à les tremper dans des bains différents, et à les battre sur le rebord en pierres et en ciment.

Au total, dans cette balade marocaine, j'ai fait 1165 km avec 10 600 m de dénivelée positive et un peu moins de 10 000 m de dénivelée négative. Un très beau tour avec deux grands cols qui n'ont rien à envier aux cols alpins et pyrénéens : le Tizi-N-Tichka et - peut-être plus encore - le Tizi N'Test, car on a une longue route étroite, cabossée, prête à s'ébouler dans pas mal d'endroits, tracée à "l'ancienne", sans trop de circulation, sur laquelle on s'identifierait facilement aux anciens "héros du Tour de France" si ce n'est que l'on ne crève plus, que les dérailleurs facilitent grandement les coups de pédale, que, même s'il peut y avoir un peu de jeu dans un pédalier, le matériel actuel est tout de même très fiable, et que nous ne sommes pas des ... héros !

13 mai 2011

André a atterri à l'aéroport de Toulouse. Devant la lenteur de son taxi et le beau temps toulousain, il a décidé de remonter son vélo et de rentrer à Léguevin à vélo. Une petite virée d'une vingtaine de km dans la campagne toulousaine, en passant par les routes de campagne de Cornebarrieu et Pibrac.

Au total, dans cette balade marocaine (cliquer sur Maroc dans "Pendant l'Aventure"), 1 165 km avec 10 600 m de dénivelée positive et un peu moins de 10 000 m de dénivelée négative. Un très beau tour avec deux grands cols qui n'ont rien à envier aux cols alpins et pyrénéens : le Tizi-N-Tichka et - peut-être plus encore - le Tizi N'Test.

Infos pratiques : la Royal Air Maroc m'a coûté (Toulouse -Marrakech direct) 300 euros plus 40 euros pour le vélo au retour. A l'aller, pas de surcoût vélo, comme quoi c'est selon l'opérateur au guichet. Sur place, faire préciser de suite les prix surtout pour l'hébergement. J'ai eu pas mal de surprises selon ... Demandez en général un tarif demi-pension mais ce n'est pas toujours mieux que les prix détaillés. Quelques bonnes adresses : Marrakech, hôtel Hasna (B&B, 35 euros, ***, très calme et confortable, à préférer à l'hôtel Imilchil de même catégorie et même prix mais les chambres sur rue sont très bruyantes et lit simple) ; Ouarzazate : hôtel Royal (**, propre, simple, douche, nuit 80 dirhams, proche place centrale) ; Boumalne du Dadès : hôtel La Kasbah du Dadès (niveau ***, confortable, calme, terrasse panoramique, excellente cuisine, demi-pension 25 euros) ; Tazenakh : hôtel BAB sahara, niveau **plus, calme confortable, excellente tajine agneau, demi-pension 15 euros prix d'ami. Tafingoult au pied du Tizintest (versant sud) : village du bout du monde accueillant pour camper.

Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten