Amérique du Sud

 

Equateur Pérou 2013 - 1

5 septembre - Rien n'est jamais simple avant de pédaler !

5h30 - Aéroport de Blagnac. L'employée Iberia fait du zèle "Vous avez vérifié que l'avion pouvait embarquer ce gros carton ? il fait deux mètres de long ...". Bien sûr, ce n'est pas la première fois que je prends l'avion avec ce type d'emballage, mais ... il est décidé que ce matin la journée allait m'énerver un peu. Elle téléphone : confirmation que le carton peut passer dans l'avion. Mais ... c'est 100 euros ! Je lui rétorque que le vélo est compris dans la franchise de 23 kg en soute. Elle ne veut rien entendre. Sans doute Iberia doit-il renflouer ses caisses. Je dis qu'au pire ce n'est pas 100 euros mais 75 euros. Après moultes consultations de bouquin, de collègues, je finis par "ne" payer "que" 75 euros pour un carton-vélo un peu rempli de 23 kg et une sacoche bien remplie de 8 kg. Embarquement dans les temps. Madrid arrive. Une longue virée en avion roulant à l'atterrissage : au moins 20 minutes pour atteindre le hangar de sortie. J'ai vu que le Mulet avait pris le même avion. Donc pour le moment tout va bien. Train sans chauffeur pour atteindre le nouveau bâtiment d'où partent la plupart des vols internationaux. L'Airbus A340-600 est préparé. Les charges qu'il absorbe sont impressionnantes. Pas une place libre, tout est archi complet. Le vol se déroule sans encombre avec un repas léger et deux brunchs pour 10h30 de vol sans escale. Je récupère tout donc le vélo, les sacoches. Tout va bien ... sauf que j'ai eu droit à l'ouverture tout en longueur de mon carton-vélo par la douane, sauf que Orlando qui devait être là avec une pancarte n'était pas là, sauf que le carton du vélo est maintenant quasiment tout en vrac ! Je rafistole tant bien que mal. J'attends une bonne demi-heure l'arrivée d'Orlando. A 17h35, je décide de prendre un autre taxi. Bien m'en a pris car l'aéroport nouveau de Quito est très loin de la capitale : on aura mis plus de deux heures pour atteindre l'auberge Inn où j'ai réservé pour deux nuits. Prix du taxi 30 $. L'accueil est très sympathique (hébergement à recommander http://www.auberge-inn-hostal.com/fr/index.html). Le patio autour duquel se trouvent les chambres est très agréable. Je mange mon premier poulet pommes de terre bière. Content d'être là tapant mon journal, le vélo arrivé, le bonhomme à l'abri à la bonne adresse. Rien n'est jamais simple lorsqu'on prend un avion avec une bicyclette !

6 septembre - Mais comment on en sort ?

... de Quito ! Ville en folie pour les constructions de routes au point que même Google Earth et Google Maps donnent des indications fausses. La nuit a été bonne mais courte : sept heures de moins (de plus) obligent une grosse grasse matinée. Pourtant réveillé à 3 h locale, cela fait 10 h à Eysus ! Il faut tenir le lit quatre heures de plus pour avoir le petit déjeuner. Surprise - bonne - malgré un carton percé et déchiré de toutes parts, le vélo a tenu le coup. Toutes les pièces sont là même si j'avais dû démonter roue avant, béquille, selle, tordre le guidon, monter les pédales vers l'intérieur du cadre. Tout est méthodiquement remonté sous l'oeil discret mais attentif des employées de l'auberge. Petit-déjeuner copieux (mais il manquait les tartines grillées). Inspection des sacoches avec ordre habituel de rangement : arrière gauche, tout le linge ; arrière droit, le couchage avec la deuxième paire de chaussure, la vache à eau de 4 litres, la pharmacie ; avant droit, tout pour la pluie et le froid pour pédaler ; à l'avant gauche : nourriture et boisson de réserve ; tente et matelas en travers sur les sacoches arrières ; bidon d'1,5 litre de Coca cola sur le cadre à 45°, bidon d'1 litre d'eau sur le cadre vertical ; sacoche de selle avec le nécessaire pour les pannes courantes ; sacoche de guidon avec les papiers, l'argent, le téléphone, l'appareil de photo, le bonnet et ... cette fois-ci une tablette qui me permet de visualiser ma position sur fond de carte google même sans connexion réseau. Un gadget mais qui m'évite d'avoir des cartes en papier et qui me permet de savoir très précisément où je me trouve par exemple par rapport à un itinéraire prévu. Cette fois, je me suis allégé de pas mal de choses : pas de réchaud, pas d'essence, pas de gamelle, pas d'enveloppe de roue de remplacement, pas de chargeur solaire grâce à l'autonomie grandissante des appareils, que l'on utilise finalement peu hors des zones où l'on trouve de l'électricité. Je fais une fixation depuis hier sur la traversée et la sortie de Quito. Il faut exorciser le monstre. Je pars avec le Mulet, grimpe des pentes incroyables (il faut se pencher en avant si l'on ne veut pas basculer et faire le grand soleil arrière (donc 18-20% de pente), qui durent et ... qui me montrent qu'il faut ensuite descendre des "routes" tout aussi pentues : donc à éviter. Je finis par voir la nouvelle route à grande circulation qui est la clef du passage dirait-on en alpinisme. Je reviens à l'auberge après avoir bien enregistré l'itinéraire pour demain matin. Reste le trafic, des bus en particulier, qui est ahurissant. Là ... on ne peut pas prévoir ... L'altitude de la capitale équatorienne se fait sentir (2800 et quelques mètres ...). Donc, c'est aussi une journée d'acclimatation. Impossible de visiter Quito en vélo ou à pied seulement. On est obligé de se faire transporter en véhicule. J'ai déjà fait cela il y a 10 ans lorsque, avec un groupe Allibert, on avait gravi les principaux volcans du pays dont Cotopaxi, illiniza, Imbabura, Chimborazo. Ce soir, je dois remettre à Emmanuelle Mory un ouvrage que son frère - un collègue de Pau - m'a donné pour elle. Les nuages sont restés toute la journée sur la capitale.

7 septembre - Sorti de l'enfer

.... pour le cycliste ! Stress, nuit en pointillés, le réveil sonne à 6h20. Les préparatifs sont vite faits, les sacoches sont bouclées, le petit déjeuner a été préparé la veille car c'était trop tôt pour le service normal. Un excellent jus de mure, un croissant vite trempé dans le café au lait (que le veilleur avait fait), de la pastèque, une banane. Je charge le vélo. Le jour est bien levé à 7h, et ... la circulation itou ! j'enfile machinalement l'itinéraire préparé hier pour rejoindre la toute nouvelle et énorme avenue Bolivar. Ca avance. Les grands bus sont aussi nombreux que les voitures dans cette capitale, et que les ... camions. Ca monte fort, ça crache noir. Le pauvre cycliste ferme tout ce qu'il peut pour ne pas trop respirer. Il baisse la tête pour éviter tous les pièges du macadam. Je me trompe trois fois dans les énormes ronds-points des six voies qui se croisent, alors je prends le raccourci : je prends à contresens en poussant le vélo pour éviter les énormes détours. Quelques conducteurs éprouvent le besoin d'actionner leur avertisseur, mais pourquoi donc ? ... Comme à la sortie de La Paz je trouve des regards de tout-à-l'égout sans couvercle ! Après plus de deux heures de gymkhana, je sors de l'emprise de Quito. Les 3000 mètres d'altitude ont été dépassés. Mais ce n'est pas fini. Je trouve d'énormes bouchons avant d'arriver à Tambillo. La raison est logique : on passe de deux fois quatre voies à deux fois une voie ... en travaux. Quel bonheur alors d'être en vélo ! Tout ce beau monde fumant a été dépassé par un petit cycliste. J'avais prévu de m'arrêter à Machachi. Tout va bien, il est à peine une heure. J'entre dans ce gros village qui est l'accès au parc national du Cotopaxi. Je trouve une auberge dénommée Refuge. Tout est bien : chambre propre, douche chaude, accueil agréable, 15$ petit-déjeuner compris. A la sortie de Quito, très vite on trouve d'assez grandes exploitations agricoles avec beaucoup de serres (mais quelles cultures ? on ne pouvait rien voir), et des troupeaux de vaches qui ressemblaient à nos bretonnes, avec des cornes ! C'est quand même plus esthétique que des vaches sans cornes.

Quito - Machachi 54 km 7h-13h + 680 m - 569 m maxi 3063 m

8 septembre - Pas facile à apprivoiser

... l'Equateur ! Le gite d'Antonio à Machachi est vraiment à recommander. Mais ... il faut en partir. Petit-déjeuner à 6h45. Départ avec moultes photos du bipède à vélo par le tenancier, à 7 h comme d'habitude. Le temps n'est pas terrible : de gros nuages que le Cotopaxi tout proche concentre, ont mauvaise mine. Le froid est là - on est à près de 3000 mètres. Le pédalage est agréable mais ... on dépasse les 3000 mètres d'altitude, et ça grimpe uniformément jusqu'à un peu plus de 3500 mètres avec de longs plateaux autour de 3400 mètres. Autant dire que très vite, j'ai enfilé la polaire et le bonnet. Le plafond nuageux est tellement bas que les volcans renommés du Cotopaxi et des Illinizas Nord et Sud que j'aurai du voir, sont restés derrière le rideau de nuages. Dommage. C'est un moindre mal puisque je les connais déjà bien. Toujours beaucoup d'agriculture industrielle avec toujours les serres immenses mais aussi toujours de nombreux troupeaux de vaches. Quelques prés de luzerne, quelques champs de maïs. Au fur et à mesure que je monte vers 3400 mètres, le temps devient franchement inquiétant : non seulement je ne vois plus grand chose, mais encore le vent de trois quarts face devient de plus en plus violent et la pluie se met de la partie ! Poncho, pas poncho ? Je me dis que le vent est tel que la pluie devrait cesser. Mais ...que nenni, je suis obligé de m'abriter dans une station-service. Je finis par franchir le col à plus de 3500 mètres puis plonge dans le bassin de Latacunga encore à 25 km. Mais peut-être vais-je trouver de meilleures conditions ? La chute de 400 mètres de dénivellation ne change pas grand chose : on supporte tout, et même les gants de montagne ne seraient pas de trop. Grande ville, Latacunga est principalement plantée dans une plaine sans trop de pente, autour d'une place centrale, de la cathédrale et de la mairie : du grand classique, avec les rues à angle droit à la mode américaine. Antonio, mon hôte de Machachi, m'avait recommandé l'Hotel Central tenu par des amies à lui. J'ai réussi à le trouver. Excellente adresse là encore pour un prix correct : 12$ sans petit-déjeuner. J'ai hésité à continuer ou à m'arrêter. Mais, une petite voix me disait qu'il valait mieux s'arrêter, le temps n'étant pas très clément aujourd'hui. Bien m'en a pris. Quelques minutes après avoir trouvé le marché couvert, un déluge s'est abattu, évidemment à la mode tropicale avec des répétitions en pointillés. Demain, très grosse journée avec, sur le papier, plus de 100 km et des pentes infernales avec un point haut à plus de 3600 mètres. Mais ... ne serait-il pas sage de partager cette étape en deux journées ? On verra demain car le bonhomme qui appuie sur les pédales n'est pas encore dans ses meilleurs jours, et ...le temps n'est pas, loin s'en faut, au beau fixe. Un bon dodo ... il fera jour demain.

Machachi - Latacunga 53 km 7h - 12h +745 -904 maxi 3507

9 septembre - Bouché, pentu et ... la pluie et le froid

Une étape trop longue compte tenu du temps plutôt mauvais. Toute la journée, le paysage est resté bouché. Et pourtant, les volcans sont toujours là : à main gauche le Cotopaxi puis le Tungurahua, à main droite le Chimborazo et les Illinizas. Et bien, rien de tout ça n'est visible : mer de nuages gris blancs. La tenancière de l'Hotel Central à Latacunga, Violène, m'a souhaité bonne chance et m'a certifié qu'il ferait beau mais que la route serait encombré car le lundi est jour de marché à Ambato. Pas plus pas moins que les autres jours. Je prends la déviation d'Ambato encore en travaux. Très forte descente mais, après ... douloureuse et longue, très longue montée. Et ce ne sera pas fini. Les volcans ont des pentes terribles. Petit petit développement. A l'embranchement vers Banos, je ... me suis écarté de la panam. Après interrogation de Google Maps avec mon point de situation GPS en bleu, j'ai pu rejoindre, par le village de Cevallos, le gros bourg de Mocha situé juste sur la panam avec le Chimborazo à l'ouest. Mais, la pluie a sévi en fractionnés. Dur pour le cycliste qui doit faire sécher. Et, ce soir, ça ne séchera pas car à Mocha, village pourtant assez important, il n'y pas d'hôtel ni de chambres à louer chez l'habitant. J'ai bien essayé d'aller au collège voir les enseignants. Aucun n'a même proposé un emplacement abrité pour mettre la tente. Car, ce soir, je suis dans la tente. J'ai finalement trouvé un emplacement chez Monsieur le Curé de la paroisse qui ... n'était pas là, mais après avoir discuté un peu avec la gouvernante, j'ai eu l'autorisation de me mettre dehors sous un porche. La pluie n'a pas cessé jusqu'à Mocha depuis mon escapade hors de la panam. Mais que c'était agréable de traverser des toutes petites propriétés de paysans sans le bruit de fond des véhicules pétaradants et fumants. En revanche, j'ai failli mettre pied à terre. Quelqu'un m'avait averti qu'il y aurait des "murs". Je n'ai pas bien saisi sur le moment. Mais, ces murs, j'ai dû les franchir. Ils étaient vraiment impressionnants : du jamais vu pour moi. A plus de 3000 mètres, l'effort est conditionné par les difficultés respiratoires. Il faut actionner le soufflet en lui mettant le turbo !

73 km quand même depuis ce matin avec des successions de col de Marie-Blanque. Depuis Mocha qui se trouve à plus de 3200 m il faut, d'après Google Earth, monter à un col à 3600 mètres pour descendre ensuite vers Riobamba. C'était la destination prévue. Les conditions météo d'aujourd'hui m'ont fait renoncer, étant donné que la pluie continuait encore à sévir en arrivant à Mocha. Le bonhomme et le Mulet feront la suite demain. Peut-être le grand vent va-t-il chasser ces nuages omniprésents qui bouchent toute la vue ? Normalement, depuis mon balcon de campement, j'ai devant les yeux le volcan Tungurahua le terrible qui menace la ville de Banos, mais aujourd'hui ...que des nuages ! Peut-être que demain le Chimborazo apparaîtra sous son plus beau jour ? Bizarre ce temps équatorien comme si on ne pouvait rien prévoir de certain. Je suis à l'abri, ce n'est déjà pas mal. C'est tout humide mais, bon, demain à Riobamba, bien sûr, tout va sécher ! En tout cas, chez Monsieur le Curé, il y a six chiens, deux coqs et quelques poules. Petit agrément : les coqs sont très indisciplinés. Ils chantent à n'importe quelle heure. A demain Monsieur le Coq !

Latacunga - Mocha 73 km 7h-13h +1373 m -883 m maxi 3207 m

10 septembre - Dans les nuages ... les volcans !

Sacré coq ! Quelle voix ! Dès 4h du matin, il a été le premier à sonner le réveil. De suite, toute une floppée de réponses coqueliennes - mais avec un timbre moins trempé - a réveillé le village et ... les moteurs ont démarré très vite ! Dans ma tente, j'ai attendu sagement 6h20 la sonnerie de ma montre. Monsieur le Curé était encore endormi lorsque, en évitant de trop me faire remarquer par le pliage de la tente, je suis sorti prendre un petit-déjeuner au bistrot d'hier où j'avais mangé, devinez quoi, du poulet avec des frites. Il fait frisquet ce matin. Il faut dire que les nuages sont au ras du village à 3200 mètres. Comme je dois franchir l'altitude de 3600 mètres, l'affaire est entendue : vêtements chauds et surtout imperméables. Le Chimborazo, le Tungurahua sont restés enveloppés ! Au diable ces volcans qui pourtant rendent ces paysages si beaux.

En route pour Riobamba qui est à un peu moins de 50 km, mais avec un passage sérieux à 3600 mètres. La route est en travaux (tiens, j'ai déjà écrit cela !) mais, aujourd'hui, c'est très bien pour le cycliste qui peut rouler comme il veut sur la partie de la chaussée interdite aux véhicules. Péage ? Oui mais sauf pour le cycliste. Des gardiens armés pistent les éventuels fraudeurs. Comme prévu, le soleil reste caché, la bruine fait des apparitions brutales. Je mets le poncho, solution sage car au moins ce qui est dessous reste à peu près sec. Aucun village, quelques fermes, une piste qui monte vers le Chimborazo et ses deux refuges. Un grand plat à 3600 mètres et, ouf ! la descente vers Riobamba où, j'espère, je trouverai des conditions météorologiques plus favorables. Le poncho est toujours sur les épaules. Un bruit et ... mon casque a décidé de s'en aller. Freinage d'urgence, la roue arrière bloque, dérappe un peu. Le Mulet reste d'aplomb. Le casque est remis bien fermement à sa place sur ma tête. A fond la descente pour vite trouver le soleil espéré. La bruine s'insinue toujours partout. Mais 900 mètres plus bas en dénivellation, la pluie s'arrête, la température remonte. Poncho et polaire sont enlevés. Un grand plat permet d'atteindre Riobamba, une très grande ville avec des pavés énormes qui remontent bien les vertèbres ! Des sculpteurs de pierre travaillent au burin et au marteau. Où trouver un gite ? Un mot alpin attire mon regard : Whymper avec hôtel à côté. Dans le hall, je trouve une peinture ressemblante du héros du Cervin - mais qui a fait aussi d'admirables dessins dans les Pyrénées notamment pour illustrer la chasse aux bouquetins à Gavarnie-Ordesa. La chambre, correcte avec une excellente douche chaude (avec beaucoup de pression !) comme il m'en fallait une aujourd'hui après la nuit dans la tente et la pluie, est choisie pour 18$ petit-déjeuner compris. Havre de paix attendu. Je fais tout sécher. Ecritures. Mais aussi direction le marché où comme partout on mange des choses excellentes. Aujourd'hui, je n'ai pas résisté au cochon que l'on cuit tout entier à la broche, et que l'on présente toujours avec la tête qui rigole jusqu'aux oreilles, les deux mâchoires tenues écartés avec un bâton.

Les jours qui viennent présentent des dénivellations très importantes. On verra bien. S'il le faut, je raccourcirai les étapes, surtout si le temps reste encore lunatique.

Mocha - Riobamba 45 km 7h30 - 12h30 +575 -943 maxi 3603 m

11 septembre - Soleil sur le volcan Chimborazo

Et oui ce matin, surprise au réveil. La nuit a chassé une bonne partie des nuages. Petit-déjeuner chez les deux soeurs de l'hôtel Whymper. Je retraverse Riobamba à l'envers pour prendre la direction sud. A ma droite, le beau volcan Chimborazo tout enneigé mais avec encore quelques gros nuages en choux-fleurs qui lui coiffent sa crête Est par où l'on arrive au sommet. Immense vision de ce monument sans qui Riobamba serait une banale cité. On traverse Lican, Capi, deux banlieues qui sont un balcon sur le volcan au Nord, seigneur des lieux. Ca monte toujours pour atteindre Cajabamba. Embranchement essentiel à gauche pour longer la laguna Colta dont les abords sont un lieu très prisé des habitants de la grande ville pour passer un bon moment. La Nature ici semble respirer un peu.

Un petit peu moins de trafic routier mais aussi une vie paysanne avec des propriétés à taille humaine. Pas mal d'arbres mais, depuis Quito en réalité, les arbres sont des eucalyptus qui sont défrichés assez souvent pour faire des cultures. Sans faire de rapprochements qui seraient des contre-sens - les photos le montreront - l'aspect du traitement paysager ressemble beaucoup à ce que j'ai vu au Rwanda : des structures volcaniques fort pentues, boisées d'eucalyptus, une terre très riche avec des cultures sur des pentes impressionnantes. Les différences sont somme toute importantes puisqu'ici en Equateur les maisons sont en dur et l'on voit des tracteurs qui travaillent les champs.

J'atteins l'altitude maximale de 3300 mètres pour ensuite ... redescendre jusqu'au village de Guamote. J'étais un peu inquiet car, sur les cartes, juste le nom apparaissait sans le découpage des rues, pas de possibilités d'hébergement donc pas d'intérêt pour moi. Pourtant, on domine le village de la route avec la vision de beaucoup de maisons, une gare - le train circule tous les jours de Riobamba à Alausi d'après les informations touristiques, sur un ballast refait à neuf (et oui ... RFF et SNCF, prenez exemple !). Une déviation routière a été faite, et je vois un immense panneau avec l'existence d'un hospedaje ! Magnifique ! Car je commençais à être sérieusement en hypoglycémie avec un mal de gorge qui empire depuis trois jours, m'empêchant presque de parler. Erreur de débutant comme toujours, qui se répète lorsque je suis en altitude avec de mauvaises conditions météorologiques puisque j'oublie de me couvrir donc ... je prends froid et le reste arrive quelques jours après. J'ai envoyé un mail à mon ami Jean-Pierre, LE toubib de la périphérie toulousaine avec qui je commence à avoir fait quelques balades en montagne, pour voir ce que je peux faire pour éradiquer cette saloperie d'infection à la gorge qui prend un peu les poumons. Je trouve l'auberge tenu par un jeune couple, très accueillant. Je suis arrivé au but fixé aujourd'hui. Mais ... j'ai faim. Dans le cas d'hypoglycémie, c'est absolument urgent de boire et manger tout ce qu'on trouve à croquer. Je finis par trouver un ... poulet frites mayonnaise (original) avec du thé puis une gourmandise pâtissière bien sucrée et ... un litre de lait chocolaté. Demain je dois joindre Alausi par, d'après les gens d'ici, un "raccourci" qui part du haut de la "ville" où je suis.

Peut-être une petite sieste me ferait du bien ...

Riobamba - Guamote 51 km 7h15 - 12h30 + 741 m - 434 m maxi 3335 m

12 septembre - Intoxication et marché

Ca ne m'est jamais arrivé au cours de mes voyages en vélo. Je fais pourtant toujours très attention au choix de mes aliments en assurant toujours comme on dit, d'où la fréquence des poulets/frites. Hier, arrivé à Guamote, j'avais très faim et la mayonnaise avec le poulet devait être un régal. Impossible à digérer. Hier soir, impossible de manger, et pourtant ... Toute la nuit, maux de tête violents avec toujours la gorge en feu. Dans ces heures d'insomnie, on refait le monde et l'on se demande quelle décision prendre. La plus raisonnable est de passer une journée sans rien faire, en essayant de soigner la saloperie qui vous a envahi. Le jeudi, c'est journée de marché à Guamote. Heureux hasard ? La gastro est bien là qui s'ajoute à la gorge en feu. Le paracétamol ne fait pas grand chose pour le mal de tête. J'interroge mon copain Jean-Pierre à Toulouse. Ercéfluril, lopéramide, smecta : tout est dans ma pharmacie. Le mal de gorge brûlant s'atténue un peu. Le petit-déjeuner est réduit à un peu de café chaud. Puis ... dodo ! Mais pas très longtemps car les bruits de la rue deviennent vite assourdissants avec les camions, les charrettes à bras, les hauts-parleurs qui vont déclamer toute la journée "Mandarina dulce 25 1$" (c'est pas cher !). Mais ce n'est sûrement pas le moment pour moi de manger des oranges. Que c'est bon de rester un peu faire la grasse matinée ! Connaissant bien les grands marchés équatoriens d'Otavalo et de Saquisili, il faut que j'aille voir celui de Guamote. Il est distribué dans toutes les rues du village, avec des gens partout descendus de la montagne en costume traditionnel (mais habituel ici). On voit tirer les gros cochons noirs, les veaux qui ne veulent pas avancer, au milieu des cars, des camions, des tricycles, des pick- up, des hommes sandwichs harnachés de chambres à air, d'essuies-glaces, des femmes qui proposent des viennoiseries, des glaces, et ... des tout petits attroupements qui révèlent des négociations sur le prix de vente. Tout est bigarré, très rouge, et très chapeauté. J'ai bien envie d'essayer de manger quelque chose mais je dois rester raisonnable. J'opterai pour trois croissants, ma seule nourriture de la journée. Ce soir, ça a l'air d'aller un peu mieux. On verra comment sera la nuit !

 

13 septembre - Soleil et télé

La journée de repos et les médicaments ont permis au cycliste d'être en forme sauf la gorge brûlante qui fait que, lorsque je parle, on n'entend presque rien. Mais, la journée s'annonce magnifique sans un nuage, sans vent. J'arrive à manger un peu au petit-déjeuner. Départ de cette très sympathique auberge tenue par Andres et Stefania, par des pavés énooormes sur environ un kilomètre pour ensuite trouver une surface bitumée, une petite route fort agréable qui rejoindra plus haut la panam. Mais, miracle ? la panam devient une très bonne route normale à deux voies avec une bande réservée aux cyclistes. Le rêve ! Le soleil est bien levé, peu ou pas de trafic, les montées sont agréables ... ne me suis-je pas trompé ?

Depuis Quito, c'est vraiment le premier jour de vraie vacance avec un temps superbe, une circulation pas trop dangereuse, des paysages très ouverts avec beaucoup de champs cultivés. Ca monte un peu quand même. Au loin, une voiture noire est arrêtée sur le bord droit de la chaussée. Trois hommes en sortent. Je suis un peu effrayé à l'idée que l'histoire des bandits du Pérou puisse se reproduire. Deux des trois hommes s'accroupissent et me visent mais ... en tenant un appareil de photos et une caméra. Ouf ! Ce sont des journalistes de la TV équatorienne qui m'interrogent tout en continuant à filmer. Questions-réponses classiques de journaliste : d'où venez-vous ? tout seul ? où allez-vous ? combien de temps comptez-vous mettre ? Quelle est votre profession ? Quel âge avez-vous ? Quel type de vélo avez-vous ? ... Suerte ! ... Ils me donnent leurs noms et leurs numéros de téléphone au cas où je serais en difficulté : sympa !

Après la montée, la descente, et celle qui mène à Alausi est extrêmement tourmentée. Des virages aux angles très serrés avec ... les inévitables traces de pneus qui vont tout droit et qui aboutissent à des ... croix fleuries. J'en ai déjà vu plusieurs dizaines depuis Quito. Alausi est plantée dans un creux de vallon. C'est une bourgade très connue par son train touristique qui franchit en zigzag (en avant puis en arrière car il est impossible de tourner dans les falaises) les gorges du Nez du Diable. J'avais pris ce train il y a une dizaine d'années, qui s'arrêtait au moins deux ou trois fois dans le trajet car la voie devait être consolidée. Et l'on voyait toute une armada de cantonniers s'affairer pour permettre au train de continuer. Mais, aujourd'hui, il a été modernisé ; la voie a été refaite ; les wagons sont neufs. On ne peut plus monter sur le toit comme alors. Dommage pour l'adrénaline (il fallait se tenir ! Les vendeurs de boissons et de friandises passaient de toit en toit). Alausi s'est pas mal modernisé, pour le tourisme essentiellement. Rien de bien exceptionnel. Tout est centré sur le train. Je suis à l'hôtel Panamericano, un peu sommaire, mais content tout de même de pouvoir avoir un lit et de pouvoir utiliser le wifi. Demain devrait être une étape courte en distance mais peut-être dure en dénivellation. Normalement je devrais atteindre Chunchi.

Guamote - Alausi 49 km 7h15 - 12h30 +614 m -1314 m maxi 3371 m

14 septembre - Une matinée comme on en voudrait souvent ...

Il fallait manger m'avait dit Jean-Pierre. Hier soir, à la meilleure pizzeria d'Alausi, je choisis un mélange macaronis, champignons, viandes, gruyère. Attente d'une demi-heure. La coupe est servie, fumante. Pas de vin possible malheureusement sauf une bouteille de 75 cl. Pas de bière. Pas d'eau gazeuse. Désespéré, je me rabats sur un sprite. Pas terrible avec les macaronis farcis. Mais, bon, quand il faut manger et qu'il faut boire ... Le dessus gratiné est très bon (ça sort du four), mais après ... tout est à feu de sel ! Il faut manger, alors ... je me force un peu mais au bout d'un moment, plus de sprite, la gorge qui est déjà en feu n'en peut plus. Addition ... non sans avoir dit au cuisinier que c'était vraiment très salé. Imperturbable le meilleur cuisinier de pizzeria d'Alausi qui a fait semblant de ne rien comprendre ! Je me suis rabattu sur l'achat de trois croissants pour demain matin car l'heure du petit-déjeuner est trop tardive à l'hôtel Panamericano. Nuit agrémentée d'une lumière permanente dans la cage d'escalier. Dring ! Es la hora ! Je me prépare vite, descends les deux étages, équipe mon Mulet et ... dehors ! Temps magnifique ! Pas un nuage. Petite vitesse pour remonter la côte du village et atteindre la panam qui, je le redis, est une excellente route à deux fois une voie avec bande pour cycliste. Alausi est de plus en plus lointain. Tout est ici bordé par des murailles volcaniques titanesques pour la hauteur et pour la pente. Pédaler est très agréable à 5 km/h. Le soleil sort de sa cachette. La brise arrive près du col à 2666 mètres. On bascule sur une autre vallée qui, d'après le panneau, abrite le Nariz del Diablo, ce fameux passage ferroviaire où le train ne peut pas se retourner sans tomber (comme les dahus !). Alors, quand il ne peut plus avancer parce qu'il bute contre la paroi, on le fait reculer.

La paysannerie, ici, prend tout son sens avec tous les travaux faits à la main, avec des tout petits troupeaux. Le silence est d'or ! Magique : très peu de trafic. Je vois un petit rapace de la famille des faucons (enfin un !). Toujours quelques tourterelles. Très peu d'animaux dans l'ensemble. Tout là-haut, en me dévissant la tête, je vois sur un replat de la montagne un cheval qui tourne près d'un arbre, un paysan à côté. Le manège est sans fin. Sans doute ici aussi on bat le blé en faisant tourner indéfiniment un animal qui tire une énorme meule qui a pour fonction de broyer les céréales (blé, orge ... ?). Gentil signe du bras de la part du paysan. Les montagnes "russes" continuent. Là, ce sont des femmes qui, assises, égrènent des épis de maïs. Rêvant dans ces conditions quasi parfaites pour rouler, tout d'un coup un chien en furie sort des fourrés et commence à s'approcher un peu trop de mes mollets. Classique ! La solution est souvent de faire croire que l'on s'arrête et, ça marche très souvent, l'animal voit qu'il a devant lui un être très très fort, il lâche prise.

Chunchi : petite bourgade peut-être plus sympathique qu'Alausi. Je demande l'hôtel Chunchi Imperial, bien noté, et tombe sur un homme, guide de voyage notamment pour le chemin de l'Inca - qui se prolonge en Equateur jusqu'à Quito. L'hôtel est en plein ménage à tous les étages. Mais je trouve une chambre très correcte avec salle de bain pour 20 $ (classé ici trois étoiles). Le marché est à coté. Douche, rasage, et ... poulet/frites, mais, tout nus, sans mayonnaise, sans ketchup, sans condiments. Excellente préparation, le tout étant cuit non pas dans l'huile mais dans du beurre allégé, et les morceaux de poulets sont enfarinés pour ensuite être cuits à la poêle, au beurre. Cela donne un côté craquant et pas gras à la viande : un régal mais, bien sûr, sans mayonnaise ! L'homme guide de voyage me propose d'aller voir une fête locale dans un village tout proche vers 15h. J'accepte. Je vois arriver deux autres hommes avec une voiture. Il faut monter pour aller à ... la fête. Et c'est là, dans la voiture avec trois mecs dont j'ignore tout, que je me dis que je pourrais me faire prendre n'importe où par n'importe qui. C'est vrai que je ne vois pas le mal partout ! Mais là, je suis dans le piège possible ! La Providence est toujours là. Après ... une demi-heure de voiture, voici le village de la fête : c'est un semblant de corrida avec vachettes et taurillons que les jeunes excitent avec une "muleta" (?). Tout le monde rit de ces pauvres animaux qui ne savent pas où donner de la corne. Mon homme guide de voyage connait beaucoup de monde - ce qui me rassure un peu. Au bout de deux heures, le chauffeur a froid. Bien lui fasse : on est rentré à Chunchi pour 17h. Ouf ! Sauvé des eaux par ... le froid ! Un avantage à cette histoire : j'ai vu pour demain la route que je dois prendre et ... je dois bien dormir car il me faudra de bonnes jambes pour aligner les longues pentes "petit-petit" qui m'attendent.

Alausi - Chunchi 40 km 6h45 - 12h +740 m -817 m max 2666 m

15 septembre - Montagne en vagues

Je me doutais que les choses pourraient se corser un peu. Ce matin, réveil à l'habitude. Je tire le rideau : brouillard généralisé. Mais en regardant plus attentivement j'aperçois des coins où le ciel semble plus clair. Je mange un croissant en guise de petit-déjeuner qui passe avec un peu de coca cola. J'harnache le Mulet et démarre très vite .... euh ! à 6 km/h du fait de la pente pour rejoindre la panam. Plus je monte plus je sens que je vais dépasser cette couche de brume. Je suis au-dessus de la mer de nuage très rapidement avec, à l'horizon, un beau ciel bleu. Chouette ! la journée va être belle comme hier ! Je pousse petit petit pour ne jamais dépenser en gros plus de 70% de mon énergie. J'applique cette technique tout le temps ce qui me permet même quand je n'en peux plus, de pouvoir encore un peu ... Comprenne qui pourra. La route ne cesse de tourner dans tous les sens, de monter et de descendre en permanence. Les paysages sont splendides : un éclairage rasant du soleil pointant au-dessus des crêtes, donne un relief particulier au bocage assez répandu ici. Et toujours la mer de nuage mais que l'éclairage solaire gonfle avec un relief qui donne l'impression que les nuages vont éclater. On est vraiment à la campagne. Le paysage est très habité. Des ensembles bâtis de deux ou trois maisons dans tous les virages. C'est dimanche, tout est calme. Peu de trafic. Les bidons de lait de 40 litres sont placés sur les bords de la route. Les chauffeurs les versent dans la citerne à lait du camion. Quand les bidons de lait ne sont pas en place, le conducteur du camion de lait actionne fortement l'avertisseur et ... l'on voit les lourds bidons en aluminium arriver avec leur propriétaire ventre à terre ... Petites scènes de tous les jours ...

Surprise, les eucalyptus ont disparu. Enfin, voilà la forêt native ! On peut d'ailleurs voir dans certains coins l'existence de la forêt amazonienne absolument impénétrable. Les cochons sont blancs ici, pas mal de coqs et de poules et ... beaucoup de chiens. Au moins trois par maison. J'ai eu droit à quelques furies mais en appliquant la technique de l'arrêt/retourné avec même un bon coup de galoche, l'affaire est vite arrêtée. Le seul problème est lorsqu'ils attaquent par les deux côtés à la fois du vélo ...

J'ai vu des merles ! A Santa Rosa, la bourgade située à 20 km de Chunchi où se déroulait la fiesta, la fanfare était toujours active avec, toutefois, des notes qui accrochaient un peu. Sans doute, l'effet de la très longue et dure nuit ! Arrivé à Zhud située à 40 km de Chunchi, je pensais m'arrêter. C'est là qu'on rejoint le grand axe routier Guayaquil - Cuenca. Pas de possibilité de logement et, surtout, un accueil très froid de tous les habitants à qui j'ai posé quelques questions sur le temps, sur l'école. A Zhud, la police interdit que l'on achète de la bière pour la consommer sur place. On peut l'acheter mais aller la boire ailleurs. Du coup, j'ai décidé d'aller 20 km plus loin, à El Tambo. D'un côté, ça m'arrange pour demain être plus rapidement aux ruines incas d'Ingapirca. Mais ... le temps, du très beau du matin, tourne maintenant au très gris foncé.

Il est onze heures. Je file de Zhud, patelin pas très sympa, sur une route maintenant bétonnée avec des plaques et donc des joints tous les 10 mètres. La qualité du roulage ne s'arrange pas ainsi. Le temps devient presque insupportable. Ca y est, à nouveau crachin et vent violent tempétueux évidemment venant du sud donc ... je le prends en pleine poire. Ca n'en finit pas de monter et de descendre. Je ne mets pas le poncho pour essayer de conjurer le sort. Mais, il faut que je m'arrête à l'entrée d'El Tambo pour éviter d'arriver trempé à la chambre d'hôtel. Je vise l'église qui positionne toujours le centre-ville. Et je trouve pour 10 $ une chambre avec salle de bain. Il est 14h. Bien sûr, de suite le casse-croûte avec le traditionnel poulet/frites/bière. Que c'est bon !

Grosse dénivellation aujourd'hui. Le bonhomme a l'air de s'être un peu rafistolé. A 18h30, heure de mon diner aux chandelles quotidien, entre un jeune homme pour chercher le PFU (Poulet-Frites-Universel). Il discute avec moi pendant que l'employée lui prépare la barquette à emporter. Il me serre dix fois la main, voit la bière, prend mon verre, le remplit et ... le boit. Tout est communautaire en Equateur ! A la tombée du jour, un très bel arc-en-ciel zébrait le ciel au-dessus d'Ingapirca, là où je dois me rendre demain matin. Signe de très beau temps, non ? Ce soir ... il pleut ...

Chunchi - El Tambo 61 km 6h45 - 14h +1610 m -954 m maxi 3100 m

16 septembre - La grande boucle au site Inca Ingapirca

Je suis parti de ma chambre d'El Tambo à 6h30, l'estomac vide car trop tôt comme toujours, sentant que le journée pouvait avoir pas mal de scénarios possibles selon le ... temps. Le ciel a l'air calme même s'il est rempli de nuages. Je suis hélé par un américain qui me demande si j'ai déjeuné. Du coup, je rentre, non pas chez lui, mais dans une école confessionnelle évangélique. Quatre adultes sont là : sa femme et trois prêcheurs. Ils ont huit élèves. Oeufs brouillés, bananes, jus d'orange, café, pain. Parfait pour la montée d'Ingapirca - le Machu Pichu équatorien. "God bless you !".

L'attaque de la grande boucle que j'ai choisie de faire avant de rejoindre si possible Cuenca, est tout en chantier ! C'est donc une piste en travaux avec des engins de terrassement un peu partout. J'hésite devant la quantité de problèmes que je risque rencontrer, mais je me décide très vite : on y va. De très belles ornières, des pentes très soutenues comme d'habitude mais aussi deux murs où, là, j'ai du poser le pied à terre pour ne pas faire accélérer trop fort le rythme cardiaque. Les 15 km de montée à Ingapirca ont été de la piste très caillouteuse. Le vélo n'a pas bronché. Seul le dérailleur arrière commence à me parler un peu mal ... Au village d'Ingapirca, pas de panneau indiquant la direction à suivre pour rallier le trésor Inca. Le site n'est pas loin du village, clôturé, géré un peu comme les sites sembables : une porte d'entrée, des guides payants obligatoires, un parcours fléché. Lorsque je suis arrivé, il n'était pas tout a fait 9h, l'heure de l'ouverture. Avec le vélo, j'ai pu m'éloigner de l'entrée et faire quelques photos. C'est vrai que c'est à voir, un Machu Pichu en miniature. Calme, paysage très ouvert, vaste, constructions de pierre pointées vers le ciel, dégagent une forte empreinte immatérielle. On est bien au-delà d'un banal site touristique.

Le retour d'Ingapirca doit se faire, selon mes prévisions Googlemapiennes, par une autre route (piste !) pour rejoindre la panam puis, je l'espère, Cuenca, si le ciel me le permet. En aurai-je le temps ? Les nuages sont très vilains, le vent commence à souffler. Là encore, pas le temps de trop tergiverser, je prends cette route (piste) qui, me dit-on au village, est ... interdite à cause des travaux ! Je pense qu'un vélo peut passer, et puis, je n'ai aucune envie de revenir par l'enfer de cette piste de ce matin. La nouvelle piste est beaucoup plus large. Elle est destinée aux bus de tourisme qui monteront par là. Déjà, le garde à l'entrée du site m'a dit qu'il y avait en moyenne 100 visiteurs par jour. Ca descend mais ça monte aussi. Ce qui me frappe depuis que j'ai pris cette piste accédant à Ingapirca, c'est la richesse architecturale des maisons que l'on rencontre tout le long, avec beaucoup de colonnes de pierre très travaillées comme si se planter dans un tel lieu était une chose recherchée par les plus fortunés ? Beaucoup d'eau dans cette région avec de nombreux bassins de rétention pour l'irrigation. Après le village de San Pedro, je finis par atteindre la panam avec un trafic de camions et de bus qui ira augmentant jusqu'à Cuenca. Je retrouve la chaussée en ciment. Des jeunes interrogés à San Pedro sur "pluie ou pas pluie" m'ont répondu comme des normands. De toute façon, m'ont-ils dit, il y aura le village de Biblian ou, après, Azogues ...

En fait, je compte aller à Cuenca, bien plus loin qu'Azogues, mais le temps le permettra-t-il ? Je n'ai aucun autre choix que de foncer, mais je dois passer un col à plus de 3500 mètres, et là, compte tenu du plafond de nuages dont je commence à manger les moustaches, je suis sur d'avoir la pluie. L'évidence étant indiscutable, le poncho est vite sorti. Le col est passé avec, condition pénible, un vent de face. Après, la descente, longue, très longue au cours de laquelle j'arrive à doubler des camions qui, à chaque fois, me font un gentil tutut. C'est pas mal le poncho mais il faut surtout bien l'attacher à la taille, enfermer le capuchon sous le casque, bien le tenir au guidon, sinon c'est l'accident assuré car il s'enroule autour de vous et ... du visage. La panam après Biblian est très dégradée. Après Azogues, elle devient de plus en plus large, pour être à deux fois trois voies en approchant de Cuenca, grande et énorme ville à la circulation chaotique.

Je me suis fait toucher la sacoche avant gauche par une voiture sur la rocade "américaine", sans conséquence autre qu'une frayeur réciproque du chauffeur et ... de moi. Aucun panneau d'indication dans cette ville. il faut demander sans cesse. J'avais trouvé un très bon plan avec un petit hôtel en plein centre à 100 mètres de la cathédrale. J'ai réussi à trouver cet Hostal El Monastario qui, comme son nom ne l'indique pas, se trouve au 6ème étage d'un immeuble. Tout compris avec petit-déjeuner 15 $ la nuit (http://www.hostalelmonasterio.net/). J'ai dû monter le vélo, quillé dans l'ascenseur ! Dure journée en dénivellation, en pentes très fortes, en distance, en météo ! Le repos est décidé : je reste deux nuits à Cuenca.

El Tambo - Cuenca 98 km 6h30 - 16h +1530m -1940 m maxi 3545 m

17 septembre - Cuenca, une forte empreinte identitaire

Repos ! Lever à 8h avec petit-déjeuner servi. Journée pour la lessive et pour la flannerie. Cuenca n'a pas de très grand marché mais des marchés par quartiers. Pas de comparaison possible avec Otavalo ou Saquisili. Juste sous l'hôtel, la place San Francisco est déjà chargée d'étals. Je file vers le marché du 10 août (identification par date particulièrement fréquente en Equateur) car je devrais y trouver les artisans qui fabriquent les fameux panamas, ces chapeaux très en vogue qui sont fabriqués ici à Cuenca, et que l'on nomme panama du fait de la vente qui s'est faite justement dans les comptoirs de commerce de Panama.

Les marchés sont gorgés de fruits frais, de fruits secs, de légumes, de viande, de poissons, de vêtements ... et, chose jamais vu par le cycliste, de femmes au pouvoir semble-t-il reconnu que l'on qualifiera de guérisseuses. Les femmes, souvent avec leur petit bébé dans les bras, font la queue pour se faire passer sur le corps (sous les vêtements) une gerbe de céréales (?) verte. Et elle frottait, frottait l'ensemble du corps, puis prenait une sorte de ce qui ressemblait à une pierre et elle frottait, frottait principalement la tête. Les mamans donnaient le bébé à la guérisseuse qui répétait les opérations avec, évidemment, de grands pleurs mais ça n'émeuvait personne.

J'étais à la recherche des fameux panamas. J'ai trouvé près de ce marché, une boutique de fabrication artisanale : un ancien et un jeune façonnaient, cousaient, puis empilaient ces chapeaux sans tête ou les pendaient par taille, le panama que l'on connait porté par l'homme ou la femme chez nous, mais aussi le chapeau rondelet spécifique aux femmes d'ici.

Un petit bruit connu : un menuisier rabote à la main ce qui deviendra une solive. Image complètement surannée chez nous mais qui me rappelle le travail de mon grand-père maternel. L'artisan est très fier de me montrer que les angles sont bien à l'équerre sur toute la longueur de la pièce de bois.

Le centre-ville regorge d'églises avec deux cathédrales, l'ancienne et celle dédiée à l'Immaculée Conception. Monuments au plein sens du terme, construits principalement en très beau marbre brun/blanc/gris, les intérieurs sont très richement ornementés. Les habitants de Cuenca déambulent volontiers dans les multiples places qui sont tout autant des lieux de rencontres que des opportunités de vente à la sauvette. La police est très présente, parfois avec des VTT, et ressemble beaucoup à nos anciennes hirondelles des quartiers urbains. Pas de police avec gyrophare hurlant comme à Quito. Pas trop de misère visible dans le centre. Bus et taxis restent les maîtres des rues encore pavées qui rehaussent la beauté des monuments inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

Demain, direction le sud encore. Le Pérou se rapprocherait-il ?

18 septembre - j'ai vu un territoire-poubelle ...

J'ai eu droit à un petit-déjeuner à 6h45, la veilleuse de nuit devant être debout pour préparer son enfant pour l'école. Le gros atout de l'Hostal El Monasterio à Cuenca est son emplacement en plein centre. A recommander pour ceux qui veulent également le service du linge ou qui veulent se faire à manger (http://www.hostalelmonasterio.net/). La cuisine est disponible.

Sortir de Cuenca n'a pas été trop difficile. Il a suffi de rejoindre cette grande rocade "américaine" par une route évidemment en travaux mais le vélo passe partout. Le temps a été excellent pour faire du vélo dans la première partie des presque 100 km de la journée : très nuageux mais pas de pluie. J'ai retrouvé la route bétonnée avec des plaques moins grandes : 5 m ce qui double les bruits aux raccords par rapport aux plaques de 10 mètres parcourus les jours précédents. Les eucalyptus ont refait leur apparition. La campagne est toujours très occupée par les élevages de vaches, de moutons, mais aussi de chevaux. On croise de nombreuses entrées d'haciendas. Mais ... évidemment ça s'est gaté. De grosses masses nuageuses quasi noires ont cru bon se vider de leur contenu : poncho ! et, lorsque j'en ai trouvé, abris pour attendre les bus. Les bus passent vraiment partout avec une fréquence très grande. Ainsi, toute une famille qui attendait un bus, partait à la ville (Cuenca) avec oies et poulets vivants dans les sacs. Une autre dame tout enchapeautée du fameux panama me parlait à moitié anglais à moitié espagnol pour me dire de faire attention au Pérou.

Grandes et longues descentes, mais grandes et longues montées se sont succédées. L'Equateur est vraiment un pays de "montagnes russes". Passé le village de Giron, changement du tout au tout. La route est toute gondolée, crevassée, sans entretien depuis des lustres. Les déchets sont partout en bordure de la route, à croire que c'est là que l'on vide les déchets de tout l'Equateur ! On voit de très nombreux panneaux "Se Vende" pour des maisons et des terrains. Cela donne l'impression d'un territoire maudit. Que s'est-il passé ? Au loin, un village haut perché : c'est Santa Isabel, celui où je compte m'arrêter aujourd'hui. Au pied de Santa Isabel, scénario catastrophe avec, outre cette poubelle continue à ciel ouvert, de très longues clôtures hautes de 3 mètres rehaussées de fils de fer barbelés, avec panneaux "A vendre". A croire que l'Equateur a abandonné totalement ce territoire.

J'avais retenu une solution pour loger : l'hostal Primaveri qui avait toutes les commodités pour le cycliste branché : douche, lit confortable, wifi, pour le prix toujours raisonnable de 15-17 $. Pour trouver sa localisation, la solution était de monter (dur) au village tout là-haut et de demander. Pas grand monde connaissait. En réalité, l'hostal se trouve complètement à l'écart du bourg, avec un accès descendant par piste très difficile à remonter en vélo. J'ai pris l'option de descendre un bon kilomètre pour arriver à trouver l'hostal qui est équipé pour recevoir des grands groupes de personnes pour des colloques, des soirées dansantes, avec piscine et terrain de handball. Je suis seul. Ma chambre donne un aperçu de toute beauté. J'ai vu trois rapaces de la famille des vautours. Mais ... ma roue arrière est crevée ! Réparation rapide. Mon inquiétude est pour demain. On me dit qu'il est possible de rejoindre la grand-route par la piste qui descend fort. Ca passe. Alors, si tu le dis !

Cuenca - Santa Isabel 91 km 7h30 - 15h +940 m -1870 m maxi 2764 m

19 septembre - Des gorges ignorées ?

Gagné : j'ai eu mon petit-déjeuner avant de partir ! 7h : il faut descendre vers la panam. Impressionnant, quand on freine, ça ne s'arrête pas. C'est du cross pour VTT. Bien sûr, je descends trop bas, tombant sur un maçon qui construit une maison. Il faut remonter : impossible sur le vélo sans mettre les pulsations cardiaques dans le rouge. Pousser, encore pousser, s'arrêter tous les dix mètres gagnés. A gauche, j'ose, en me disant que si je vois des traces de véhicule, c'est qu'il y a bien une sortie quelque part. Le flair, Petit ! Et ... j'arrive bien à la panam déjà parcouru hier.

Le temps, ce matin, est bouché de toutes parts. Quand ma montre a sonné, il pleuvait. J'aurai un répit durant deux heures de vélo. Santa Isabel passé, on entre dans une très belle suite de gorges (en évitant de regarder les bas-cotés de la route). Paysage minéral, sobre, immenses parois aux couleurs chaudes. Les moindres replis sont parcourus par la chaussée en dalle de ciment. Les Chinois sont là comme dans tous les pays maintenant. Ils ont eu une concession minière. Des gens s'affairent et étendent des grosses gousses sur une partie plate du bord de la chaussée. Question posée, c'est du cacao. "Je peux prendre une photo ?" "Prenez tout si vous voulez !". "Le soleil ?" "Non". L'affaire est entendue. La femme qui m'a répondu est sûre d'elle. Cinq minutes plus tard, c'est la douche qui commence en entrant dans une couche de nuages qui prend la forme d'un brouillard très épais. Que faire ? Je suis dans des gorges, la chaussée n'est pas bien large. Pas de poncho, mais mon coupe-vent jaune fluo sur le dos est préférable. Mon clignotant rouge fonctionne. La tactique du gendarme a été efficace : un oeil presque fermé (la pluie !) regarde devant, l'autre oeil est rivé en permanence sur le rétroviseur. Car le danger n'est pas devant mais derrière. Au fur et à mesure de la descente, j'arrive à sortir de la masse nuageuse. Stop pour un empanada bien jouflu et un coca. Le paysage a repris du sourire. Plein de bananiers partout. On retrouve toute la flore amazonienne, les chants d'oiseaux. Mais, curieux, pas une ruche vue depuis Quito ! L'arrivée à Pasaje se fait par un décrochement de la panam. Presque ignoré de Google Maps (seul le nom figure), c'est en réalité une ville moyenne quadrillée de rues sans peut-être trop d'histoire si l'on en juge par le caractère très récent de l'église principale. L'étape a été un peu humide mais les très belles gorges traversées valaient bien un petit coup de serviette à l'arrivée. Demain, normalement, dernier jour en Equateur.

Santa Isabel - Pasaje 83 km 7h - 14h30 +730 m -2179 m maxi 1571 m

20 septembre - Huaquillas, bout de l'Equateur

Aujourdhui, finies les côtes et l'altitude en Equateur ! C'est la ruée vers la frontière péruvienne par la partie côtière. Chaleur étouffante ! Pelade des bras et du nez. J'ai mis le chapeau mais pas la chemise aux manches longues. Pourtant deux personnes m'avaient averti hier à Pasaje sur la pelade. Mais "tu n'écoutes jamais rien !" : combien de fois l'ai-je entendu. J'ai aussi, depuis trois jours, les araignées ou les moustiques qui me bouffent les jambes. Ca gratte pas mal ! Alors, deux comprimés d'Aerius. Mais ce n'est tout de même pas comparable à ce que j'avais subi au Chili avec cette foutue araignée noire qui m'avait presque paralysé le cou.

Très sympathiques les gens de Pasaje, cette ville oubliée aussi de la cartographie Google Maps. Le croissant et le coca cola au lever du lit : ça passe mais ça ne vaut pas des tartines grillées beurrées avec du café au lait. Pas besoin de polaire ni de poncho ce matin. La sortie de la ville m'a été facilitée par le petit commerçant à côté de l'hôtel. C'est plat de chez plat et long, tout droit, ... recta ! Dalles bétonnées mais ... évidemment des ... travaux sur une bonne dizaine de kilomètres. Alors, il faut ruser et prendre avec le vélo ce qui est interdit aux véhicules : la nouvelle voie en construction. Les ouvriers de la voie ne disent rien, et ça évite pas mal de poussières. Mais ... j'en ai mangé quand même de la poussière aujourd'hui. Finie la végétation amazonienne, c'est un paysage autoroutier à deux fois deux voies ou trois voies qui se fabrique avec pour toute perspective paysagère des champs continus de bananiers pour ... l'exportation m'a dit un ouvrier agricole qui nettoyait un de ces immenses bacs où l'on plonge les régimes de bananes avant de les convoyer vers les ports. Ca sentait fort ces bacs, donc ce n'était pas que de l'eau.

L'armée est passée avec une colonne de hummers puis une colonne de tanks, troufions tous nez dehors. Les chenilles des tanks sur l'autoroute en construction valaient bien les rouleaux compresseurs sauf que le bruit n'était pas le même. On aurait dit qu'on faisait rouler des engins qui n'avaient pas marché depuis longtemps, tellement le crissement des chenilles était strident. Chaud ! Chaud ! Pas un poil d'ombre sur la route droite qui n'en finissait pas. J'ai tout bu, je ne me rassasiais pas. Alors, vite devant, tête baissé ...

Huaquillas est animée par une musique de rue permanente. La rue principale qui mène au pont frontalier est envahie de camelots. On y trouve de tout : c'est jour de marché. En ce moment, j'entends une banda avec force tambours, grosses caisses, cuivres, instruments à vent : c'est une manifestation pour la Paix. Une Casa de cambio ? Où ? pour faire du change en soles péruviens ? Toutes les personnes interrogées ne connaissent pas d'établissement de change, mais me renvoient au change au noir. Je finis par demander à deux policiers qui me conduisent à une personne avec une mallette noire qui officie en pleine rue. Les deux policiers me disent que les billets sont bons, le taux de change est le meilleur, qu'ils sont prêts à me donner leurs noms en garantie ! ... et le changeur poinçonne chaque billet pour authentifier la transaction ! C'est ça aussi l'Equateur.

Pasaje - Huaquillas 82 km 7h15 - 12h +180 m -117 m maxi 71 m

21 septembre - Equateur-Pérou, jeu de piste pour un tampon !

Dernier jour hier en Equateur. Je n'en reviens pas du tarif que j'ai eu à l'Hôtel Saint-Martin à Huaquillas : 8 $ pour un confort rare : grande chambre, TV, clim, wifi, salle de bain mais ... pas d'eau chaude et, en prime, des ... moustiques ! Je comptais passer la frontière sur le pont repéré la veille. Je l'ai effectivement passé mais sans aucun poste de police et de douane. Après quelques kilomètres au Pérou, je me suis réveillé et constatais que je n'avais ni le tampon de sortie d'Equateur ni le tampon d'entrée au Pérou. Frontière passoire ! Je reviens en Equateur et interroge un policier qui lisait tranquillement le journal : il faut revenir au péage et prendre l'autoroute pour trouver la police des frontières. Zut ! Au moins 5 km en arrière à refaire. Mais, inquiet avant le péage, j'interroge deux autres policiers en train de manger tranquillement le petit-déjeuner (en service bien sûr) : c'est là-bas à droite par la nouvelle route.

Je prends la superbe autoroute toute neuve. Il n'y a pas un chat. Je fais des kilomètres, passe la frontière annoncée par un panneau : rien, pas un bâtiment. Je suis donc au Pérou. 10 km plus loin, je vois enfin quelque chose d'intelligent : services de police, de migration, de douane sont regroupés pour les deux pays Equateur et Pérou dans un même bâtiment au ... Pérou ! Enfin, je les aurai mes deux tampons ! La sortie péruvienne est un no man's land : rien à perte de vue. Tout est plat et plein - devinez ? - d'ordures. La deux fois deux voies se transforme vite en deux voies sans aucune bande supplémentaire pour les cyclistes, autrement dit sept mètres de chaussée. Il n'y a pas plus dangereux pour nous cyclistes, surtout quand le bas-côté est en escalier donc inutilisable au cas où un véhicule passerait trop près.

Des rizières, plein de rizières ... Au bout de 30 km, voilà Tumbes, la ville espérée d'où je voudrais trouver un bus pour éviter la zone connue des bandits. J'interroge les compagnies : oui pour le bonhomme mais pas la bicyclette. Je finis par trouver la compagnie Oltursa qui me propose la solution de rêve : oui pour le vélo, les sacoches, le bonhomme avec un départ ce soir à 20 h pour arriver à Trujillo demain matin vers 7 h, pour le prix de 110 soles en couchette VIP et 10 soles pour le vélo, ce qui revient en gros à une quarantaine d'euros tout compris pour 650 km. Les halls de Oltursa sont d'une propreté rare, les employés sont tirés à quatre épingles. Je n'en reviens pas. J'avoue que j'ai pas mal stressé. Je m'apprêtais à faire le trajet en vélo mais... les bandidos, une fois ça suffit. Même ici à Tumbes, dans la rue, je ne peux pas faire un pas sans que quelqu'un me fasse comprendre que l'appareil de photo, la mallette de guidon, ça s'arrache très facilement ! Je n'ose plus sortir du hall d'attente d'Oltursa, gardé par un homme armé ! Demain donc, normalement, je compte rester deux nuits chez Lucho à Trujillo, cet homme qui accueille les cyclistes du monde entier. Encore faut-il que je le trouve ! ...

Huaquillas - Tumbes (Pérou) 45 km 7h15 - 11h30

22 septembre - Nocturne, allongé à 160°, de Tumbes à Trujillo

Pas mal ! Largement mieux que dans les avions (en classe éco), les bus-couchettes sont vraiment très confortables. Un petit sandwich pour s'endormir, un petit coup de wifi pour vérifier que la wifi peut fonctionner dans un car qui roule, et ce fut le gros dodo. Plat pays traversé, souvent désertique d'après ce que j'ai pu entrevoir, beaucoup de zones sableuses au fur et à mesure qu'on approche de Trujillo. Je ne regrette pas cette entorse au tout vélo, d'autant que le bus ... n'a pas été arrêté par les bandits du coin. J'ai pu expérimenter que, dans un bus-couchettes, un vélo peut tout à fait rentrer sans tout démonter.

L'arrivée dans la grosse ville de Trujillo s'est faite avec une précision horaire de chef de gare d'autrefois. Il fait froid ! Le Mulet n'a pas l'air d'avoir trop souffert. En revanche, il faut absolument que je vérifie pas mal de choses dont, en priorité, les réglages de vitesse et que je nettoie la chaîne. Depuis plusieurs jours, Monsieur refuse de passer sur le grand plateau !

En sortant timidement de l'agence Oltursa, le premier réflexe est un petit-déjeuner "américain". Le patron du bar connait Lucho "celui qui reçoit les cyclistes du monde entier". Mais, je ne verrai pas Lucho : j'ai bien trouvé la "Casa de Ciclistas" mais un occupant qui avait planté sa tente dans une pièce au milieu de plein de vélos, m'a dit qu'il n'était pas là pour une semaine. J'ai opté pour un gite plus confortable chez Dante (c'est le prénom) qui m'avait fait le petit-déjeuner. Chambre un peu spartiate, douche chaude prise dans la chambre du voisin qui n'était pas là (la femme de chambre surveillait dehors qu'il n'arrive pas !). Tout allait bien.

Visite classique au marché central. Rien de comparable aux marchés équatoriens. Mais, le porc en sauce frites n'était pas mauvais. La Plaza de Armas était très animée par une procession musicale autour de la place. Original : une douzaine d'hommes aux pieds nus portaient une représentation du Christ en croix qui devait peser lourd. Pendant ce temps, la messe dominicale avait lieu dans l'église proche. La ferveur des fidèles est ici au Pérou comparable à ce que j'ai pu voir en Equateur, au Chili, en Argentine, avec beaucoup de dévotions pour la Vierge et pour les Saints dont ici Saint-François de Salles et Saint-François d'Assise. On aime ici (aussi) les couleurs bariolés pour les bâtiments même anciens : le soleil est revenu cet après-midi.

23 septembre - Huanchaco, Chan Chan, Cyclocosmos, Lucho

Ce n'est pas une devinette. Ce matin, journée de repos prévue. L'océan étant à deux pas, j'enfourche le Mulet allégé et pars vers le Pacifique, en tâtonnant comme il se doit pour trouver la bonne route. J'aboutis d'abord à Buenos Aires (non, pas l'Argentin) et bute contre un récent mur de blocs de rochers, face à l'océan. Les maisons mitoyennes présentent des stigmates terribles de coups de boutoirs des fortes marées. Les policiers me remettent dans le droit chemin : "muy peligroso !". De fait, une quinzaine de kilomètres de no man's land doivent être parcourus avec l'oeil principal sur le rétroviseur, pour arriver à ... un aéroport international qui jouxte la cité balnéaire du coin, Huanchaco.

Pas mal d'animation pour un lundi, et beaucoup de paparazis sur la plage avec de longs téléobjectifs. C'est vrai que les vagues sont belles (rien à voir avec Bellara, la vague géante de la Côte Basque). Et je vois écrit France sur cinq survêtements. C'est l'équipe de France amateur de long board - surf pour le commun des mortels - qui est venue une semaine pour une compétition internationale. Les japonais, les américains, les brésiliens, les hawaïens, les péruviens et d'autres sont présents. Chaque candidat doit gagner le large à la force des bras, choisir sa vague et montrer ce qu'il sait faire devant un jury. Tout est minuté. Chapeau !

Au-delà des atouts de l'Océan, Huanchaco n'est pas grand-chose de plus qu'une cité balnéaire si ce n'est, parait-il, la très ancienne église qui domine la cité, remontant au XVIe. Originalité : elle a un rétable tout en bois non doré. Retour par les ruines archéologiques de l'ancienne cité de Chan Chan dont il ne reste que de vastes murs de terre, et qui fut, d'après les spécialistes, un très bel exemple d'organisation citadine.

En arrivant à la Plaza des Armas de Trujillo, deux vélos noirs couchés pleins de sacoches noires grises : sans les connaître, je dis "Enzo" "Corinne". Je vois deux grandes paires d'yeux s'ouvrir, impressionnés de se voir ainsi nommés de leurs vrais prénoms. Ca ne pouvait être qu'eux que je connaissais seulement par internet (leur site Cyclocosmos est en lien dans http://etchelec.free.fr) et par un coup de téléphone reçu à Eysus. Ils arrivent de Buenos Aires (l'Argentin pour le coup !), voyagent depuis quatre mois, arrivent à Trujillo pour commémorer d'ici quelques jours le premier anniversaire du décès accidentel d'une amie accrochée l'année dernière par un camion tout près de Chao, lieu de ma prochaine étape demain. Comme des habitués, ils vont à la Casa de Ciclistas de Lucho, et m'invitent à les accompagner. Contrairement à ce que j'avais compris, il est bien là le Lucho. Il a tenu à ce que je m'enregistre dans sa très longue liste de cyclistes passés chez lui. Se trouvaient, là encore, deux cyclistes slovaques venus du Mexique, et un couple de suisses. Journée de repos, journée de contacts, mais aussi petits réglages, et un peu d'eau pour mon vélo qui en avait bien besoin.

Trujillo - Huanchaco 48 km 8h30 - 14h

24 septembre - Agri-industrie soutenable ...

Changement radical : je suis entré dans un espace totalement nouveau. Un désert de sable avec des cultures industrielles à perte de vue, prétendument soutenable (ce sont les panneaux qui l'annoncent). Avant de tomber dans le désert, inutile d'insister mais ... je me suis allègrement perdu dans tous les sens pour trouver la bonne route ! Il faut dire, à ma décharge, que les Péruviens n'ont pas une très bonne appréciation de la cartographie avec des distances et des orientations très très approximatives sinon contraires. Seraient-ils un peu ... basques ? Après être allé et venu dans tous les sens de Trujillo, l'ovalo (rond-point) del Marino a enfin pu être trouvé. Alors, ce fut un jeu d'enfant que de continuer puisque c'est tout droit ! On franchit le pont de Moche, on laisse la bifurcation de Salaverry (quand je vous dis qu'ils sont un peu basques ...), on entre dans le désert de sable. Un désert avec un très large canal d'irrigation qui est la clef des énormes étendues d'agriculture en plein champ que l'on traverse : cannes à sucre, asperges, avocats, maracujas ... La route s'étire à une dizaine de kilomètres de l'océan Pacifique, laissant apparaître quelques dunes de sable dignes de la dune du Pyla.

Chaud sans être étouffant, le temps est au beau fixe. Après les villages de Viru et de San José, j'arrive au lieu de l'accident l'an dernier à quelques jours près : une jeune cyclotouriste a été écharpée par un camion. L'endroit est pourtant large avec bande blanche pour préserver un petit couloir à droite pour les deux roues ... C'est vrai que la circulation est intense et que les Péruviens semblent avoir du mal à comprendre qu'un deux roues est par nature instable, et que l'on a besoin non pas de 50 cm mais d'un bon mètre pour assurer notre sécurité latérale. Depuis Trujillo, on voit des croix partout sur le bord de la route. La pauvre Isabelle en fera mettre une de plus dans quelques jours par ses amis présents dont Enzo et Corine (cyclocosmos) et Lucho. Isabelle avait perdu trop de sang avant d'arriver à l'hopital de Trujillo. Pour la petite histoire, l'ambulance a été arrêtée pour vérification des papiers par la Police : un quart d'heure mortel pour Isabelle...

Chao est un village greffé à la panaméricaine. Rien de passionnant. Demain commence la partie péruvienne montagneuse. Normalement, dans deux jours, le passage des multiples tunnels du canon del Pato.

Trujillo - Chao 82 km 7h - 14h +445 m -386 m maxi 170 m

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Colombie 2014 - 1

Préambule

C'est lors de mon périple Quito - Lima que j'eus l'idée d'aller voir la Colombie d'un peu plus près, lorsqu'un français à vélo, rencontré à la sortie du Canon del Pato au Pérou, m'eût dit qu'il envisageait de poursuivre jusqu'à Caracas au Vénézuela, en passant par ... la Colombie. De retour en France, une doctorante de l'Université de Pau - ... colombienne, un enseignant de cette même université marié à une ... colombienne, m'ont vanté ce trop méconnu pays, médiatisé par la question des Farc. La décision d'y aller fut prise lorsqu'un autre collègue universitaire m'eût dit qu'il y passa plusieurs années en coopération.

Bien sûr, lorsque j'en parle autour de moi, neuf fois sur dix, on ouvre des grands yeux. Lorsque je dis que les billets d'avions sont pris, on me demande même d'annuler ... "Tu prends de grands risques" ... Mon vélo - le Mulet - en revanche est tout frétillant. Du coup, j'ai décidé d'alléger un peu la charge qu'il va devoir porter. Après étude attentive avec les maigres cartes géographiques utilisables, après auscultation des photographies de Google earth, après lecture du Petit Fûté, une boucle s'est vite imposée, contrainte par les quelques 25 jours que je me suis donnés pour ce nouveau voyage à pédale.

Première curiosité : les photographies aériennes de Google earth sont étrangement floues pour bien des secteurs géographiques, devenant souvent illisibles dès lors que l'on cherche à voir un peu de détails. Comme déjà constaté lors de précédents voyages, c'est avec Google maps que finalement les reconnaissances d'itinéraire sont les plus pratiques. Sauf que les pistes ne sont pas toutes mentionnées.

Deuxième constat : Le parc national de Los Nevados que je souhaitais traverser est très sévèrement encadré : accès uniquement avec un professionnel en 4x4 à partir de 8h30 du matin avec retour obligatoire pour 15h, le tout avec un paiement conséquent. Je voulais le traverser en vélo d'est en ouest sur la piste existante (accessible au 4x4) pour joindre Salento. Mais, solution impossible après de nombreux contacts pris dont celui du directeur du parc national. Dommage ! Ca me prive de voir de près le volcan Nevado del Ruiz (5300 m). Sans doute, la récente éruption du 13 novembre 1985 ayant fait 25 000 morts dans la ville d'Armero, justifie-t-elle de telles mesures de précaution.

La boucle !

Finalement, j'ai retenu une boucle probablement assez classique figurée sur la carte ci-dessous :

... avec toutefois une petite variante si possible : délaisser le bitume après Cajamarca pour joindre Salento par une piste de 66 km théoriquement faisable mais qui ne figure pas sur les cartes habituelles. J'ai trouvé cette piste en regardant les itinéraires VTT décrits dans Wikiloc, un site qui compile les itinéraires avec les points GPS, dont ceux réalisés à bicyclette (VTT). En pointant les relevés GPS sur la carte, j'eus la surprise de voir qu'il y avait un passage possible de Cajamarca à Salento. En regardant d'un peu plus près, le passage n'est pas considéré comme des plus faciles, sans village intermédiaire, obligeant une grimpette jusqu'à 3340 m mais surtout une dénivellation montante cumulée qui paraît rédhibitoire. On verra bien si jamais le jour venu, je me sens les jambes et la tête pour le tenter. Un atout : la vue vers les volcans du parc national de Los Nevados paraît très belle. Un désagrément : le Mulet n'est pas un VTT ... Le poids n'est pas le même.

Le poids ... on allège un peu !

Comme j'aurai moins de pistes que lors de mes précédents périples, j'ai remplacé les larges pneus en 2 par des pneus un peu plus étroits en 1,75. Ce sont ces mêmes pneus que j'avais lors de mon premier périple en Asie. Ils sont un peu plus roulants même s'ils accrochent moins en piste. Je n'emporte pas de réchaud, donc pas de gamelles, pas de réserves d'essence. Pour les jours où je serai amené à camper, je me mettrai en mode survie c'est-à-dire avec pain, boite de thon à l'eau, biscuits, fruits, boissons froides. En revanche, j'emporte bien tout l'essentiel : de quoi réparer chaîne, chambre à air, crevaisons, cables, patins de frein, huile, brosse, pince, tournevis, clefs ... ; la tente mais sans matelas ; la tablette Asus avec la puce Gps intégrée très pratique pour le positionnement satellite sur fond de carte Google maps même en dehors de tout réseau téléphonique.

Le vélo - toujours le même depuis le début de mes voyages - a été un peu révisé. J'ai fait dévoiler la roue avant, changer les gaines et cables de freins, changer le dérailleur. Quel bonheur de pouvoir passer les vitesses l'une après l'autre alors que lors de mon dernier voyage (Quito - Lima) ça ne passait que trois par trois ! J'ai gardé les quatre grandes sacoches de roues et la petite sacoche de guidon, enlevé les deux petites sacoches additionnelles qui me servaient au réchaud et au bidon d'essence.

Actualités en Colombie

Ma fille Laure me dit que le cessez-le-feu entre le Gouvernement colombien et les FARC vient d'être suspendu, un général ayant été enlevé ... Un peu de piment donc ... Le camping sauvage devra donc être très limité.

Samedi 22 novembre 2014 - Arrivée sans encombre à Bogota

La nuit de vendredi à samedi fut courte. Il ne fallait pas louper l'avion qui décollait à 6h de Toulouse-Blagnac. Réveil à 3h30. La voiture a été laissée au parking de l'aéroport en suivant bien les consignes données par Laure : SMS avec numéro du parking, étage, numéro de place, laisser le ticket dans la voiture. Les portes de l'accès à l'aéroport et surtout aux ascenseurs ne sont pas faites pour des cartons-vélo. Contorsion dans tous les sens pour y rentrer. Une longue queue est déjà présente devant le comptoir d'Air France. L'enregistrement se passe sans problème, ayant déjà payé le surcoût pour le vélo (100 euros). Direction D15 pour le Mulet.

Roissy, c'est toujours l'usine. Il faut savoir lire les panneaux. Bien des personnes sont affolées et courent dans tous les sens. J'ai été accosté quatre fois comme si j'étais un employé de la maison ! Une porte est affichée mais en réalité n'existe pas. Le wifi gratuit fonctionne. Trois heures d'attente pour le changement d'avion du Mulet, c'est correct. L'avion A340-300 d'Air France est un vieux rossignol qui doit avoir quelques millions de kilomètres au compteur. Les sièges sont pas mal déglingués. Et ... je tombe sur un siège avec un écran tactile qui n'avait plus rien de tactile. Dans le meilleur des cas, un bon coup de point faisait activer le menu. Je n'ai eu droit qu'à des films. L'avion était plein comme un oeuf. 6 heures de décalage horaire. On est arrivé à 16h15 locale, un léger retard à l'arrivée pour une bonne demi-heure de retard au départ : il y avait un problème technique sur l'avion : un APU qui fonctionnait pas mal ... Laure m'expliquera ce que ça voulait dire ! A l'arrivée à Bogota El Dorado, rien de plus simple : contrôle immigration, tampon, police, change argent, bagages ... Une heure en tout. A ma grande surprise, une pancarte à mon nom m'attendait à la sortie : c'était le propriétaire de l'hôtel Boyaca Real qui est venu me chercher avec son épouse. Le carton était bien grand ! On replie tout l'arrière de l'intérieur de la voiture (un très beau toyota dernier cri). Le carton rentre juste pour nous tenir la nuque à la place des appuis-têtes. Et ... la Madame s'est mise dans le coffre, voulant à tout prix que je sois sur la place passager. 20 minutes de circulation. Arrivée de nuit (il fait nuit vers 18h) à l'hôtel. Todo es bien.

Dimanche 23 novembre 2014 - Bogota capitale mondiale des cyclistes ... le dimanche !

J'avais lu que, le dimanche, Bogota était le paradis des cyclistes, les axes principaux étant interdits aux véhicules autres que les transports collectifs (bus, taxis). Les colombiens sont très fiers de leur transmilano qui est un bus articulé à deux ou trois wagons sur axe réservé mais qui fonctionne avec moteur thermique diesel. C'est une sorte de métro aérien (très fréquent) avec des stations érigées en forme de petites gares. Les taxis sont jaunes avec beaucoup de petites hyundai à essence. Je n'ai pas vu de voiture hybride ni électrique. En revanche il y a du GNV dans les stations-services donc probablement des voitures à gaz. La circulation doit être très dense et très polluante si j'en crois la couleur noir charbon des quelques troncs d'arbre le long des axes.

En me rendant à pied à l'incontournable visite du Musée de l'Or, j'ai pu observer que le dimanche est loin d'être un jour de repos : beaucoup de magasins ont l'air ouvert (c'est sûr pour les bistrots, les restaurants, les supermarchés et petits commerçants que l'on voit s'agiter comme en jours de semaine), ca l'est moins pour d'autres et pourtant on peut voir à travers les grilles fermées, des échanges de marchandises contre monnaie. Les vélos sont dans la rue. On voit de tout sous toutes les formes. Mais ... ça bouge ... jusqu'à voir des tandems cyclistes-chien, des vélos à quatre roues prêtés gratuitement par des sociétés qui affichent ostensiblement que c'est La Société qui fait l'offre (très habile opération de communication qui ne leur coûte pas cher). Mais il y a aussi des coureurs et des coureuses (?) à pied plus ou moins bariolés fluo pour attirer l'oeil. J'avais vu le dimanche matin à Bujumbura les coureurs du dimanche matin (petit pays qui a eu une médaille d'or aux jeux olympiques il y a quelques années). Mais ici à Bogota, ce sont des milliers de personnes qui vont dans tous les sens à vélo, à chien, à pied, en patins et planches à roulettes, qui font à cinquante de la gym en bloquant la chaussée en étirant fort le côté gauche puis le côté droit puis les épaules, les doigts de pied ....! Etonnant ! Les marchands ambulants sont également de la fête pour les boissons, les fruits et les ... glaces (énormément de glaces vendues), mais aussi les policiers qui sont, dans tout Bogota, très apparents avec des gilets fluo jaunes "policia". La musique évidemment est de la partie mais aussi, à qui plus fort, les vendeurs d'oranges, de bibelots, de tout et de rien. Tout près, les églises sont remplies. La messe se déroule un peu comme dans tous les pays d'Amérique latine avec une très forte dévotion et, chose à noter, avec probablement autant d'hommes que de femmes de tous ages.

Le Musée de l'Or : grosse attraction, très justifiée. Le dimanche, la visite est gratuite, très encadrée. On comprend quand on voit les trésors dans les vitrines. La visite est organisée de manière très efficace pour que les gens ne se croisent pas, selon un cheminement en labyrinthe sur trois niveaux. La progression est chronologique en replaçant la recherche de l'or dans le contexte historique des civilisations précolombiennes et dans le contexte de la vie locale. On se rend compte que l'or a toujours été un métal très précieux tant pour honorer les morts, les dieux, que pour magnifier les tenants du pouvoir. Il est très instructif de constater combien la cosmogonie a toujours été présente, l'or ayant jusqu'à une valeur hautement symbolique. Pourquoi le Musée de l'Or est-t-il vraiment unique ? Parce qu'il recèle des trésors artistiques dont la valeur est tout autre que celle de la simple pesée du nombre de carats. Il est écrit sur un mur que l'Homme, le Ciel, la Terre vivaient intrinsèquement en parfait équilibre. L'Homme du XXIème siècle est entrain de se rendre compte, et de manière certaine grâce aux convergences scientifiques, que l'équilibre n'est plus, et ne sait plus que faire pour le retrouver ... A méditer ... demain, j'aurai le temps. Objectif joindre Melgar direction plein sud de Bogota ...

PS : je suis allé reconnaître le cheminement pour sortir de Bogota. Pas évident, ... vive la petite tablette Asus avec le point de localisation gps qui s'affiche sur fond de carte Google maps : très précieux ce petit bijou de technologie !

Lundi 24 novembre 2014 - Le vrai début ...

Réveil à 5h15 pour départ à 6h de Bogota. Le patron de l'hôtel Casa Boyaca, Geraldo, s'est levé en personne pour me faire le petit-déjeuner. Je lui laisse à l'hôtel pour mon retour le carton avion du Mulet et un sac avec mes vêtements de ... vol. Le vélo a l'air en forme. Il est un peu plus léger que d'habitude mais fait bien la quarantaine de kg. Le jour pointe pile à 6h, et pile à 6h, je pars. La circulation d'un lundi à Bogota est impressionnante. Il faut jouer des sabots, taper sur les bus pour qu'ils vous laissent vous rabattre vers le trottoir, an-ti-ci-per loin devant les coups de freins brutaux des petits collectivos qui ramassent les travailleurs tous les trente mètres. Cette folie dure un peu plus de 25 km. Arrive ce qui, statistiquement, semble inévitable : un motard allongé raide la tête casquée vers le ciel. Tout reste immobile tandis que les policiers font la circulation. Pas besoin d'ambulance. Le compte paraît bon. Du coup, je suis très attentif au moindre bruit derrière moi car les queues de poisson vers la droite sans souci des deux roues sont redoutables. Un peu de bruine donne encore un peu plus de piquant. Cool ! J'ai beau me le dire, ce n'est pas facile. Puis, je relativise en me remémorant mes souvenirs du genre au Pérou, et surtout au Chili. Les Colombiens ne sont pas moins bien mais ne sont pas mieux. Si ! ils sont mieux car ils ont beaucoup plus de cyclistes. J'en ai croisé durant les 126 km de ce parcours de Bogota à Melgar.

Je pensais que c'était une mise en bouche tranquille. En réalité, la dénivellation positive n'est pas négligeable même si la roue libre a fonctionné pas mal puisque je suis à Melgar à environ 360 mètres d'altitude. La sortie de Bogota montre bien la ségrégation sociale et géographique qui affecte toutes les grandes villes des pays latinos. La petite agriculture n'est pas facile à voir si ce n'est par les vaches dans les champs et les quelques cultures après labour. On a les sempiternels eucalyptus mais bientôt détrônés par la dense végétation tropicale au fur et à mesure de l'avancée vers le sud. Original : de très nombreuses demeures sont en charpente de bambous. De très nombreuses et belles propriétés sont en vente dans les trente dernier km avant Melgar ... Survol très bas de deux hélicoptères. Instinctivement, je rentre la tête. Sans doute des hélicos militaires, une très importante base militaire se trouvant à l'entrée nord de Melgar.

Les 15 derniers km avant Melgar méritent à eux seuls le voyage de Bogota à Melgar. On traverse un très étroit canyon qui commence avec un nom très évocateur : le Nez du Diable. Décidément, le diable serait partout en Amérique latine ! C'est vrai que de l'Equateur où j'avais trouvé son "train" (du diable), il n'avait pas grand chemin pour aller taquiner la Colombie. Là, la photo rocheuse du nez est assez spectaculaire. Mais, dans ces gorges, ont été tracées deux routes séparées en dénivelée, avec deux voies chacune et ... ça file vite là dedans avec évidemment rien comme place pour le cycliste. Presque pire que la sortie de Bogota. Melgar est proche, et le climat change totalement : chaud, chaud ! Je prends une rue qui me paraît sympathique et ... tombe sur l'Hospedaje Candelaria où, depuis Eysus, j'avais réservé une petite chambre très propre. Le prix est aussi petit que la chambre.

Arrivé à midi, 6 heures de vélo, c'est parfait pour le début. Et ... le temps a tenu hormis le petit crachin à la sortie de la capitale ce matin. Récupération prévue cet après-midi, tranquilou.

A partir de demain, j'aurai deux-trois jours un peu sérieux. A chaque jour, son plein d'émotions ...

Bogota - Melgar 126 km, 6h-12h, +617m -2698m maxi 3075 m

Mardi 25 novembre 2014 - Comment passer un tunnel interdit aux vélos ?

Melgar, ville étouffante même la nuit ... ville bruyante dès avant l'aurore avec parfois des vols d'hélicoptère à basse altitude. 6h, je m'échappe non sans une petite faim car pas de petit-déjeuner, tout n'ouvrant qu'à 7 heures. J'allais le payer un peu plus loin ... Un bruit infernal vient de la rue principale, rue de transit. Tout est bouché par camions et bus dans les deux sens. Les travailleurs attendent sur le bord de la route leur car pour se rendre au travail. "Ibague, oui c'est par là tout droit". Un quart d'heure plus tard, je suis inquiet, interroge un marcheur. C'est dans le sens opposé où je vais ! Beaucoup de camions sur cette route qui est une autopista à deux fois deux voies assez bien dessinée, les voies de sens opposé n'étant jamais jumelées. On ne voit donc pas les véhicules en face et donc ... ça file sec. La maréchaussée connaît les radars mais portables. J'en ai vu deux en moins de 100 km aujourd'hui. Les paysages ici n'on rien d'exceptionnel dans cette voie de liaison est-ouest. Je suis passé sur le tumultueux rio Magdalena. L'entretien des abords de route est remarquable, fait par des employés qui manient avec grande efficacité leurs faucheuses thermiques. Dommage que les conducteurs de véhicules éprouvent encore le besoin de balancer emballages plastiques et autres canettes en aluminium. La route finalement grimpe pas mal. Il faut dire qu'avec plus de 100 kg à faire avancer, la moindre pente fait baisser de manière très rapide la petite vitesse, avec le petit plateau et ... le compteur affiche alors moins de 10 km/h.

Un panneau d'interdiction pour vélo ... Je pense qu'on a dû oublier de l'enlever. Je fais 10 km sur la belle route qui monte, et .. un tunnel en travaux ! Evidemment, le bipède cycliste fonce tête baissée. Mais ça ne plait pas, mais pas du tout, au cerbère qui veille. Je vois effectivement une seule voie possible de circulation mais des bas-cotés suffisants pour le passage du Mulet. J'essaie de discuter. Le molosse se met devant le vélo. Un écart de guidon et je pédale à fond pour m'engouffrer dans le tunnel (éclairé en plus). Le gardien gueule très fort. Ce qui a pour effet de faire sortir du trou un autre gardien qui me prend le guidon. Je lui dis que je vais passer. Je mets le vélo par terre au milieu de la route pour faire arrêter les véhicules. Je trouverai bien un camion ou une camionnette qui me chargera et me fera traverser ! La première voiture qui arrive est une voiture de ... police, un beau pick up avec climatisation. Les deux policiers sont très courtois, me disent bonjour, me souhaitent la bienvenue, et acceptent de me faire traverser le tunnel. L'arrivée à Ibague n'en finit pas de monter doucement mais sûrement. Un motard ralentit à ma hauteur et, en s'esclaffant, me rappelle que le passage du tunnel a bien fait rigoler tout le monde. C'était un des deux cerbères qui m'avaient interdit de passer ...

Très étendue, Ibague. Trouver le petit hôtel Boga m'a pris une bonne heure. Aujourd'hui, pas trop de nourriture, mais j'ai beaucoup bu, et ... il a fallu que je m'arrête après 3h de vélo car je sentais la fringale pointer son nez. Et là, je me suis rappelé que lorsque cela m'était arrivé après avoir grimpé le Tizintest au Maroc, j'avais failli tomber d'inanition, ayant perdu l'équilibre du vélo avec la vue qui s'était troublée. J'avais mangé tout ce que je pouvais trouver, bu la mer et les poissons, et la mauvaise passe ne fut plus qu'un mauvais souvenir. Il faudra que je fasse attention demain car la montée sera rude. J'ai décidé de ne pas prendre l'option que je m'étais mise dans la tête de prendre, après Cajamarca, une piste de 60 km pour joindre Salento. C'est une piste faite par des vététistes sans chargement, dans le sens Salento-Cajamarca qualifiée par eux de difficile. Compte tenu de la raison qui reste encore présente chez le ... Mulet, on prendra un itinéraire plus long mais normalement goudronné. Aussi, demain, pas sûr que le wifi permette la liaison quotidienne ...

Melgar - Ibague 95 km, 6h - 13h30, +1014 m -209 m, maxi 1296 m

Mercredi 26 novembre 2014 - La Linea, c'est le Stelvio colombien

Le Stelvio est un col italien, un monument pour tout cycliste. Les Colombiens, grands amateurs de vélo (je l'ai encore vérifié aujourd'hui mais ... voir plus loin) font de la Linea leur plus belle traversée de col. La comparaison est assez juste : grande longueur (au Stelvio, j'avais égréné avec beaucoup d'efforts sous le cagnard la quelque quarantaine de virages numérotés), pente très soutenue (petite vitesse, petit plateau), descente assez vertigineuse dans les deux cas mais le pire restant quand meme le Stelvio. Une différence de taille réside dans la très forte fréquentation de la Linea par les camions et les bus, avec des moteurs de modèle américain qui font un bruit infernal. Et ils circulent en file indienne voire se dépassent en montée comme en descente sans visibilité suffisante au point que plusieurs fois des freinages secs ont du intervenir.

Ce matin j'ai eu un petit-déjeuner, j'avais fait provision de boissons. La sortie d'Ibague ressemble à certaines sorties de ville de Bolivie, d'Equateur, du Chili : route tracé au plus raide de la pente. Pas mal pour l'échauffement du matin ! A Cajamarca, petite bourgade atteinte après 3h de montée, j'ai pu acheter de l'eau gazeuse (extra en vélo) et boire un bon bouillon. Sortir de Cajamarca : même topo que pour Ibague avec une ligne droite au plus raide, sauf que la route après est à double sens, sans trop d'espace prévu pour les cyclistes. J'ai croisé plusieurs cyclistes qui montaient ou descendaient pour le plaisir (ils étaient en tenue !) mais tous les cyclistes rencontrés à la montée étaient scotchés au cul d'un camion. Ils ne pédalaient pas, avaient de beaux vélos de course, mais faisaient comme les petits burundais pour jouer, se faisaient tirer par un camion pour monter. L'armée est très apparente dans le pays. A au moins cinq reprises, il y avait des panneaux "exercices" et des militaires armés. C'étaient principalement aux emplacements des viaducs. Là encore, comme pour les policiers, la salutation est admise avec même l'acceptation de prendre des photos.

J'ai tout de même mis plus de 10 heures pour faire les quelques 95 km de la Linea qui relient Ibague à Armenia. Mais la dénivellation cumulée a été un peu inhabituelle (voir le détail chiffré en fin de ce texte). J'ai eu certes la chaleur mais beaucoup moins forte qu'à Melgar, quelques coups de tonnerre avec de la pluie mais pas trop drue. J'ai mis et remis trois fois le poncho pour éviter de trop me mouiller. Dans les cinq derniers kilomètres, il y a des portions de route avec des pentes à la limite du poser le pied par terre. Le col n'a pas de nom. Ca paraît curieux à nous français. La descente sur le versant ouest du col vers Armenia dure une trentaine de kilomètre, avec beaucoup de camions, beaucoup de travaux, des virages surdimensionnés pour permettre aux énormes semi-remorques de virer et de se croiser. Prudence alors en vélo car on va plus vite que les poids lourds, et les freins sont loin d'être aussi efficaces.

J'ai hésité à plusieurs reprises : camper sur place dans la montée, ou continuer quand même. Finalement, le petit-déjeuner, la soupe, les prises fréquentes de boisson m'ont tenu à peu près. Alors, j'ai continué un peu, puis encore un peu, pour finalement être à Armenia en plein centre-ville dans un hôtel assez chic, à 17h. Grosse journée, probablement la plus dure physiquement du circuit que j'ai imaginé. Demain, je rallie un très beau petit village : Salento.

Ibague - Armenia, 95 km, 6h30 - 17h, +2496 m -2295 m, maxi 3287 m

Jeudi 27 novembre 2014 - Salento, le pays des couleurs et ...

des touristes, semble-t-il, si l'on en croit le nombre de magasins "artisanaux", de restaurants. Je suis ce soir à Salento, à seulement une trentaine de kilomètres d'Armenia. Armenia à recommander au moins pour sa très longue rue piétonne commerçante, l'accueil que j'ai reçu, l'excellente nourriture préparé par le chef José, le rapport qualité/prix de l'hébergement et de la nourriture de l'hôtel Toledo Plaza. Toute la nuit des bourrasques sont tombées sur la ville. Une mare était là ce matin au pied de la porte de ma chambre.

Un cycliste bardé de sacoches qui vient de je ne sais où et qui va on ne sait où, est toujours un peu un ovni, suscitant l'étonnement, le respect, l'admiration, l'effroi. Faut faire avec. En général, les réactions sont plutôt gentilles, ... sauf quand pour passer entre un camion et une borne plastique de travaux publics, je suis obligé de jouer des sacoches pour déplacer la quille rouge et blanche. Alors là ! Ce ne plait pas du tout au chef de chantier.

Je suis parti un peu plus tard en parcourant toute la voie piétonne (que les cyclistes doivent respecter car j'étais le seul mobile à deux roues) appelée Bolivar, pour prendre une très belle deux fois deux voies. L'impression générale donné par le Quindio est que l'on se trouve dans une région beaucoup plus argentée qu'ailleurs. Le Café renommé doit y être pour quelque chose. Il suffit de voir le nombre de maisons cossues avec des clôtures en fer forgé, les modèles de voiture qui roulent, l'entretien général du paysage - somme toute un petit air de Pays basque avec la verdure omniprésente et les toits rouges des maisons. La route était belle mais ... montante encore. L'arrivée au village de Salento survient après une longue et étroite montée dans une végétation luxuriante. Le village semble être bâti sur un plateau, en réalité un faux plateau qui, dans la partie supérieure où se trouve la place centrale et la vie commerçante, n'est accessible que par des rues qui ne cessent de se redresser. Direction la Posada Martha Tolima que l'on m'avait recommandée. Impressionnante de propreté. Les vitres sont tellement astiquées qu'on ne les voit pas. Accueil toujours plaisant. Un défaut qui peut devenir irritant : un perroquet éprouve le besoin de brailler "Caca" "trrit". Je décide d'y rester deux nuits, demain étant une journée sans vélo pour remettre à niveau un organisme un peu mâché quand même hier. La grande attraction du coin est la montée dans la vallée de Cocora avec les renommées jeeps Willys qui emmènent les toutous (dont je serai demain) pour faire du cheval ou de la découverte pédestre. Depuis la place, on monte des marches cimentées pour accéder à un promontoire pour avoir La vue panoramique des lieux. De la musique connue sort de l'église. Sur le parvis, une quarantaine de jeunes habillés de la tunique et du couvre-chef, tout en noir, attendent. C'est la remise officielle d'un grade du secondaire. Toutes les familles présentes sont avec leurs habits de fête.

Armenia - Salento, 32 km, 8h - 12h, +718 m -244 m maxi 1895 m

Vendredi 28 novembre 2014 - Cocora la précieuse ?

Lorsqu'on lit les appréciations sur cette vallée du fond du Quindio (le rio Quindio y prend naissance), on est en présence d'un joyau de la Colombie. On y trouve une espèce d'arbre unique qui pousse (se plante-t-il ?) au dessus de 2000 m : le palmier à cire, emblême retenu de la Colombie. Je suis parti ce matin pour voir ce monument naturel. Les willys attendaient sagement alignés sur la place centrale de Salento avec des départs aux horaires affichés mais des départs, en réalité, fonction du bon vouloir des chauffeurs. Quelques jeunes étaient là, français, qui partaient pour joindre à pied une finca située à 8 heures de marche. Même s'ils ne faisaient pas "bon genre" (plutôt rasta d'apparence), ils étaient très sympathiques, et m'ont invité à partager leur Willys. Un vétérinaire avec un gros chien qui allait diagnostiquer des vaches, s'associèrent au groupe. Une heure d'attente du chauffeur (les jeunes commençaient à s'impatienter vu les heures de marche qu'ils devaient faire avec des bottes de caoutchouc et des gros sacs à dos), et nous voilà comme des sardines dans une petite jeep hors d'âge mais rutilante : pas une once de poussière sur la carrosserie ! Nous sommes d'abord descendus de Salento pour traverser le rio Quindio et remonter la vallée de Cocora. Ce n'était pas très compliqué : tout est asphalté. Au bout du goudron, les attrapes-touristes classiques avec bistrots, locations de chevaux, ventes artisanales. Le prix du transport par personne reste modique : 4000 pesos (2 $ US, 1,8 euro). Une très vaste pisciculture utilisait le rio Quindio. Je décidai alors de revenir par le fond de cette vallée de Cocora à pied tranquillement pour mieux apprécier et sentir les lieux. 12 km pour rebrousser chemin. Cette vallée de Cocora a été très occupée par le bétail : les flancs avec les signes caractéristiques du bétail qui broute, montrent encore les cheminements en espalier. Mais l'occupation humaine de cette vallée n'a jamais dû être très dense. J'ai relevé en tout et pour tout huit fincas, sans aucun hameau et encore moins de village. Le fond de cette verte vallée est très apprécié des vaches et des chevaux. Les fameux palmiers à cire sont bien là, bien visibles puisqu'ils dépassent d'au moins 20 mètres les plus hauts arbres (dont beaucoup d'eucalyptus). L'implantation de ces palmiers à cire semble à la fois assez régulière, assez aléatoire, assez naturelle aussi jusqu'aux crêtes. Mais leur densité reste très faible (probablement naturellement). La vallée de Cocora présente toutefois tous les signes d'un paysage qui n'est plus travaillé depuis longtemps : quasiment pas de culture dans les bas-fonds, pas de coupe de foin, un peu de pâturage, des modifications probablement rapides des lisières bois/prairie avec un processus dynamique de fermeture du paysage. Le rio Quindio qui s'en écoule est un torrent encore très tumultueux sans trop d'aménagements visibles.

Chaude, l'arrivée à Salento après ces kilomètres de balade. Un café s'imposait, expresso bien sur et "doble" pour l'amateur de café colombien. Un seul bar possédait la machine expresso adéquate. Le café double fut très serré et le prix itou ! Mais on me garantit que c'était le meilleur, le plus fin, que les grains avaient été choisis un par un ... Je devais avoir l'air d'un américain ! A titre de comparaison, pour le prix payé, on a en France deux poches de café pur Colombie de 250 g ... Mais, on est à Salento !

Salento - Cocora - Salento, 12 km à pied ... et un café très serré !

Samedi 29 novembre 2014 - Bruit et Silence ...

Le soir à partir de 18h, le moment où la nuit tombe, on a l'impression que toute l'énergie donnée par le soleil du jour éclate en paroles, en musiques, en déplacements, en achats ... Ce fut le cas hier soir à Salento où c'était à la fois un vendredi (c'est un peu la fiesta du week-end qui s'anime) et les premières célébrations (inaugurations) pour les décorations des fêtes de la Nativité. La boisson agrémente tout cela, délie les langues, dénoue les muscles et articulations des musiciens. Inutile de dire que dormir devient vite un objectif illusoire ... Ce matin, devant la porte de ma chambre, deux verres à moitié plein étaient posés par terre, mais ... les gens étaient partis. J'avais dû quand même m'endormir.

La pluie de l'aube m'a un peu inquiété. Ca cognait assez fort sur la toiture mal isolée. Clip clap clip clap les petits pas des cavaliers qui passaient dans la rue contre ma chambre m'ont réveillé. Miracle du soleil levant, la pluie a cessé. Je suis parti pour une longue descente - finalement assez raide car mes freins avaient un peu de mal pour remplir leur travail (ils devaient encore dormir un peu). Dans la remontée vers la grand route à deux fois deux voies qui permet de joindre la grande ville de Pereira, un cycliste colombien me dépasse. Petite discussion avec toujours les mêmes questions : qui es-tu, d'où viens-tu, où vas-tu, que fais-tu ? Un cycliste argentin arrive en sens inverse, au même moment. Il a franchi lui aussi la Linea "muy duro" et file à Salento après avoir fait étape comme moi à Armenia.

Sur la quatre voies, beaucoup de cyclistes (sans sacoche) semblent beaucoup apprécier cet itinéraire très roulant entre Armenia et Pereira. Car Pereira est ma destination du jour, pour voir ce que peut être l'une des capitales du Café. Une grande descente limitée à 30 km/h (pour une fois, je suis concerné car le poids me fait aisément passer la limite) conduit à une ville bizarrement aménagé. Toujours les mêmes découpages en carreras et en calles au carré, mais, à la différence des autres villes traversées de Colombie, les repères indiquant les numéros des carreras et des calles ne figurent plus aux angles des bâtiments. De temps à autre, un gros panneau mentionne un numéro. En réalité, le plus sûr moyen de se repérer est de demander au moins deux fois à au moins deux personnes différentes, le renseignement souhaité.

Il se trouve que j'ai choisi un petit hôtel en plein centre-ville. Ce qui veut dire une entrée par une porte de rue normale et un très long escalier étroit à monter sur deux étages avant d'arriver à l'accueil. Diable ! Le Mulet et les sacoches ne passaient pas. Et surtout, j'ai dû tomber sur la rue commerçante la plus fréquentée. Les trottoirs étaient archi bondés, les voitures étaient au touche à touche, les étals des boutiques débordaient de tous les côtés. Bref, c'était la ... fête !

En fin de compte, tout est bien sagement rangé dans ma chambre. Dans de telles conditions d'affluence (c'était absolument indescriptible : les gens arrivaient à s'éviter mais ... j'ai dû encore faire le coup des sacoches contre un taxi jaune et ... en plus, il n'était pas content !), me repérer était l'acte réfléchi numéro 1 : à droite, à gauche, puis encore à ... Il fallait savoir revenir. Et là, évidemment pas question de sortir ma tablette avec GPS, ella aurait disparu sur le champ ! Comble de la question : les chaussées étaient toutes défoncées, rapiécées mille fois, des bosses et des creux partout. Un seul endroit pouvait m'apaiser dans cette ambiance délirante où l'on voulait me vendre des téléphones, des ballons, des oranges, des bidons d'huile, des menus, des aspirateurs ... la place Bolivar et la Cathédrale.

Située deux carrés de bâtiments plus loin que l'hôtel, la place Bolivar, piétonne, grande, est tout autant envahie mais autrement ! On y trouve des dizaines de joueurs d'échec (pas mauvais du tout), des marchands de glace, de boissons, des cireurs de chaussures, des joueurs de cartes (très sérieux) qui jouaient de l'argent bien visible déposé sur le plateau de jeu (un compère tournant souvent la tête, je pense, pour surveiller la police), et ... une énorme statue magnifique de Simon Bolivar chevauchant tout nu un superbe cheval, représentant d'après le sculpteur du bronze, la Libération. Sacré personnage que ce Simon Bolivar qui est reconnu, pour l'Amérique Latine, comme le Libérateur emblématique de l'oppression coloniale.

La cathédrale n'est pas du tout à l'image de celles que l'on trouve en Amérique du sud. Très peu de fioriture, très peu d'or. En revanche, beaucoup de briques, beaucoup de pierres en façade extérieure, et surtout, beaucoup de bois. Toute la charpente est en bois apparent (maintenant consolidée par quelques tirants et plaques métalliques). La nef centrale est très haute, en bois, supportée par des piliers ronds faits de briques assemblées ceinturées d'arceaux ferrés. A l'intérieur de la Cathédrale Notre Dame de la Pauvreté, beaucoup de personnes priaient voire se reposaient, méditaient ... Enfin un peu de Silence.

Salento - Pereira, 41 km, 8h30 - 12h, +496 m -1016 m maxi 1895 m

Dimanche 30 novembre 2014 - Manizales se gagne ! ...

Etape relativement courte mais encore beaucoup de dénivellation positive. Pas trop faché de partir de Pereira, ville peu facile à vivre pour des gens de passage comme moi. Probablement, l'hébergement est trop central. La sortie de la ville me fait un peu chercher pour prendre le bon embranchement : direction Medellin. une demi-heure pour commencer à sortir de l'agglomération. Un grand viaduc et au milieu du viaduc les gyrophares allumés, la police est là, l'ambulance aussi. Mais cette fois, le brancard entre dans l'ambulance. La moto est à terre, bien abîmée. Pas de commentaire sinon que je trouve que tout le monde dans ce pays ne respecte pas le code de la route élémentaire.

La route serpente dans le paysage typique du Café (mélangé souvent à des bananes). Les versants sont abrupts mais avec des plantations, des fincas dont certaines sont à vendre. Bifurcation après Chinchina : je pars à droite vers Manizalès dans des pentes longues et raides, mais très roulantes pour les véhicules à moteur surtout. Pour moi, c'est petit petit ! N'ayant pas déjeuné ce matin, je m'arrête au bout de trois heures de vélo pour m'empiffrer d'oeufs brouillés, d'une galette, d'un café bien sucré. Route sans fin en apparence dont on ne voit jamais le haut du col, parce que, bien sûr, quand on monte, il doit y avoir un col. Mais c'est un faux avec plein de cyclistes qui pompent des bières. Je m'arrête mais pour juste un café tinto encore bien sucré. Un des cyclistes demande qui monte ce vélo chargé ? Je pointe le doigt. Il me dit "campeon", je lui réponds : "no, frances", et tous ses amis éclatent de rire. Voila que l'armée arrive et installe hommes et matériels à deux pas de mon vélo. Je dégage vite. J'ai crû comprendre que le général kidnappé par les Farc était libéré ce matin.

La route continue toujours son serpentin. Et par deux fois, toute une floppée de jeunes descendent à fond sur une planche à roulettes, par deux fois avec les voitures à 10 mètres derrière eux. Bonjour les dégâts si un gravillon bloque une roue (de planche à roulettes) ! Chaud encore un peu plus haut, lorsque, malgré le panneau 40 km/h, j'entends deux fois des crissements de pneus dans les virages. Ca se rapproche, c'est pour moi. Je me serre le plus près possible du bord. L'engin passe en crissant encore plus fort. Je gueule "Connard !" et, peut-être y a-t-il des ondes traductrices, le type ralentit sérieusement et poursuit son chemin un peu moins vite.

Après 50 km de montée, je me pose question : Manizales existe-t-elle ? Et voilà que la pluie commence à montrer le bout du nez. Pensant être à un col, je m'abrite à un arrêt de bus, et discute un peu avec une personne qui attendait : toujours les mêmes ébahissements devant le Mulet. Et je finis par comprendre qu'il n'y aura pas de col, que le faux col continue de monter et qu'au bout de 5 km on arrive à Manizales. Diantre ! ce n'est donc pas encore la fin ! La pluie diminue d'intensité, cela devient du petit crachin. Je mets mon anorak, et file ... (façon de parler car c'est encore du 5 km/h). L'entrée de la grande ville de Manizales est en travaux mais sur plusieurs kilomètres avec une chaussée double rendue très étroite par les quilles plastiques dans tous les sens. Bien sûr, quand le Mulet s'engage à 5 km/h, le guidon est obligé de zigzaguer pas mal et ... les voitures obligées de me serrer très fort. Quand c'est un camion ou un car, ce n'est plus possible, et ... je fais des embouteillages monstrueux puisque le bahut est obligé d'attendre un espace un peu large pour me passer. Je remercie, bien sûr !

Manizales, à la différence de Pereira, a conservé aux angles des rues les plaques avec les numéros des calles et des carreras. Je n'ai donc pas eu trop de difficulté pour trouver l'hostal Kaleidoscopio (un nom qui me fait penser aux moustaches de Dali). Un accueil fort agréable, un lit dans un dortoir (mais pour le moment personne d'autre que moi), une douche très chaude et qui débite, à la différence des douches électriques dont le fonctionnement est toujours le même : la température de l'eau est inversement proportionnelle au débit, ce qui veut dire que pour avoir un peu de chaud, il faut faire juste couler trois gouttes. Le Mulet a dû monter encore deux étages pour ne pas coucher dehors.

Dilemne. Rester un jour de plus à Manizales, prendre un bus pour joindre Medellin, ou tenter de rallier Medellin en vélo mais sans passer par Salamina. C'est en gros 200 km (il faut que je retourne en arrière de 25 km mais ç'est quand même plus facile de descendre la majorité de ces kilomètres) à faire au maximum en trois jours puisque j'ai calé une réservation d'hôtel à Medellin pour les 3 et 4 décembre. Je prends le risque de le faire en vélo bien que je ne peux pas trop savoir l'importance des montées tout le long de ce trajet. Car les montées sont faites à 5 km/h et parfois même un peu en-dessous : cela fait 50 km en 10 heures d'affilée seulement. On verra bien.

Pereira - Manizales, 58 km, 7h - 14h30, +1386m - 723m maxi 2150 m

Lundi 1er décembre 2014 - La pintade !

En réalité, c'est La Pintada. Mais c'est rigolo pour un français qui pense de suite au gallinacé. Il me semble que ca évoquerait plutôt la peinture, les couleurs. Je suis arrivé à La Pintada après être parti au point du jour de Manizales, non sans avoir reçu de Martha, la propriétaire du Kaleidoscopio, un gros morceau de gâteau au chocolat "pour la route", m'a-t-elle dit. Dommage que tous les jours, je ne tombe pas sur une Martha. Le retour de Manizales tout au long des quelques 25 km de route raide remontée hier est un régal. Aucun problème de sortie de ville - sauf une petite frayeur avec le bus devant moi qui, sans mettre de feux avertisseurs, pile pour prendre quelqu'un qui faisait signe. Il suffit de pointer l'avenue du Centenario, et c'est parti pour une descente assez magique en compagnie, bien sûr, de quelques cyclistes (même à 6h du matin) qui veulent discuter, et des voitures, camions, bus qui prennent la voie de gauche, la voie de droite étant occupée par ... les deux roues. Les cyclistes colombiens n'ont aucune retenue pour se placer au beau milieu de la chaussée obligeant les véhicules à les passer par la file de gauche. Peut-être est-ce la solution pour diminuer les risques de pépins ?

Cette route descendante de Manizales est un itinéraire royal pour des cyclistes (hier, il y avait des planches à roulettes !). On est facilement à 50-60 km/h, et, bien sûr, le cycliste colombien veut en savoir plus sur ce bonhomme plein de sacoches. A deux de front, ça va très vite. Mais ça ne les impressionne pas plus que ça. La séparation a lieu au bout de 25 km puisque je file vers Medellin, rejoindre d'abord plein ouest le Rio Cauca, puis le longer jusqu'à ... La Pintada. C'est une route très agréable, sinueuse mais roulante sans trop de trous, et surtout sans trop de circulation, arborée. Ce qui est extrêmement précieux le matin avant que le soleil ne soit trop haut car on pédale presque toujours à l'ombre. J'ai pris le parti de faire un maximum de kilomètres aujourd'hui car je sais que demain et après-demain, ça va être peut-être très dur pour passer les bosses qui m'attendent.

Un tunnel ! Je le piste de loin mais ne voit pas de travaux. Pas de cerbère à l'entrée pour interdire son accès. Et ... un couple de cyclistes-sacoches qui arrive en sens inverse. Mais, je ne m'arrête pas car je suis aux prises avec un chien qui gueule pas mal et essaie de me bouffer la jambre droite. Rodé à ce genre d'exercice, le pauvre cagnas reçoit un bon coup de godasse dans la gueule : il ne plus rien dit et me laisse tranquille. Longer le Rio Cauca est impressionnant, car ce n'est pas un petit ruisselet. Il fait environ 70 mètres de largeur et dévale à une vitesse de 25 km/h. Je suis très savant ! En réalité, j'ai repéré un débris flottant et j'ai filé à la même allure avec le vélo donc cqfd 25 km/h. Les eaux marrons sont vraiment bouillonnantes. Je ne vois pas un bateau et me demande si le Cauca est même navigable par des sportifs ! Les cantonniers sont toujours présents au bord des routes mais, cette fois, fauchant les abords très raides avec de longues machettes, cet instrument qui, en d'autres lieux, a servi aux massacres de centaines de milliers d'individus. Et dire qu'à Bogota, j'ai vu un homme avec cet instrument voulant imiter une statue, tout déguisé et peint en noir, qui voulait probablement amuser la foule des joggers et des cyclistes du dimanche en actionnant la machette de haut en bas : provocation ? innocence ? stupidité ? En tous cas, quasiment personne ne le regardait ...

Les kilomètres en vélo ne se parcourent pas très rapidement. Le soleil, lui, poursuit sa course. Les arbres ne font plus d'ombre, et ... ca chauffe dur. Mes deux bras ont des petites cloques. J'enfile donc ma chemise coton à manches longues. La Pintada, un drôle de nom, une drôle de cité (apparemment plusieurs milliers d'habitants), dont le coeur d'activités se situe sur l'axe Medellin (Médjin disent les locaux) - Armenia - Cali. Beaucoup de bars, petits restaurants, quelques hôtels ... Du classique que l'on retrouve dans tous les pays aux intersections de routes principales. Je trouve un petit hôtel avec quelques chambres, très propres, avec le wifi. Un accueil très sympathique avec du café.

C'est tout l'itinéraire de la route du Café que l'on découvre depuis Armenia. Mais, la partie que je préfère est cette vallée sinueuse qui fait grimper jusqu'à Manizales. Toute la montagne est habillée (pas aménagée) avec un mélange de caféiers, de bananiers, de canne à sucre, de palmiers ... dans des pentes sévères. Depuis le début de mon séjour en Colombie, les Colombiens n'ont pas du tout l'air inquiet pour la sécurité, sont très avenants avec les personnes qui, comme moi, ont besoin d'explications, et sont d'une spontanéité inégalée dès lors qu'ils se retrouvent dans les coeurs de ville, les gros bourgs, ce qui m'a dérouté un peu. Alors que, lorsqu'on regarde la télévision, on a une impression très bizarre d'un pays sans cesse aux prises avec les catastrophes et l'insécurité. Un gros décalage donc entre la réalité que je découvre en parcourant un peu ce pays, et l'image qui en ressort des actualités du grand média de la télévision.

Demain, gros morceau probablement. A l'évidence, il y aura beaucoup moins de kilomètres !

Manizales - La Pintada, 123 km, 6h - 13h15, +382m -1806m, maxi 2150 m

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Mardi 2 décembre 2014 - La bosse de Medellin ...

... est franchie. 2494 m au "col" Alto de las Minas. Ce n'est pas très haut mais on part d'environ 600 m et ... le contexte a été un peu particulier ... car je ne voulais arriver à Medellin que le lendemain mercredi.

Prévoyant que ça n'allait pas être une journée facile, je suis parti un peu avant 6h de La Pintada. J'aime ces départs matinaux : la nuit a régénéré la nature, ça sent bon, le trafic n'est pas encore à son maximum, on entend les oiseaux se réveiller, la température est de l'ordre de 16 degrés. Il ne fallait pas se tromper de direction, prendre le pont et filer à droite. Le pédalage est facile, doux. Mais, bientôt, le ruban de goudron se redresse. On enclenche le moulinet à 5-6 km/h. Ca monte tranquilou. J'ai une trentaine de km pour atteindre un assez gros village, Santa Barbara, perché un peu comme Manizales sauf que Santa Barbara n'est en rien comparable. On n'y trouve presque rien de ce que l'on souhaite : pas de calda alors que je me régalais à l'idée que j'allais pourvoir avaler un bon bouillon avec de la viande bouillie, pas d'eau pétillante non plus. La soif commence à me tenailler car si le soleil est un peu caché durant les 15 premiers kilomètres, après, je dois mettre le chapeau sous le casque et la chemise à manches longues. A l'entrée du village, des "artistes" bombent des graffitis sur les murs cimentés de la courbe de la station-service. Il ne me reste qu'une quinzaine de kilomètres avant de passer la bosse à 2495 m.

La pente exige toujours le tout petit développement. Le cagnard tape dur, la chaussée est complètement déformé, la route est étroite sans bande latérale sinon du ciment déversé pour l'écoulement des eaux, et ... le trafic devient très imposant. Inutile de trop détailler la suite. Les fous sont de sortie : des dépassements impossibles sans visibilité, des chauffeurs de camion long qui doivent avoir une vision un peu limitée de la largeur de leur bahut, des chauffeurs de bus qui n'en peuvent plus d'attendre derrière un poids lourd qui descend à 10 km/h et qui, sans hésiter, se dirige droit vers le bipède à deux roues obligé de se balancer dans le dévers cimenté pour les eaux de pluie ... cela, sous un soleil de plomb. Relancer la machine alors qu'on est obligé de s'arrêter, pousser un bon coup de gueule parce que de temps en temps ça fait du bien et ... ça donne de l'énergie ! Restent quelques bons moments : ce cycliste colombien avec lequel j'ai pu discuter pas mal, deux arrêts pour du bon café bien sucré (étonnant remontant), et ... l'arrivée au col Alto de las minas à 13h30 pour s'asseoir et siroter une bière. Un peu plus de 7h30 pour grimper la "bosse" de 45 km.

La descente versant Medellin doit être une "formalité". J'ai prévu de m'arrêter un peu avant la grande ville soit pour camper soit pour loger à Caldas ou à Itagui. Mais, j'ignore que la "bosse" peut être aussi une sorte de barrière climatique. De 40°C sous le soleil, je suis passé aux nuages, à la fine pluie, puis au tonnerre, puis à la pluie soutenue jusqu'à ... Medellin. La chaussée est vraiment mauvaise avec des nids de ... autruche, et les endroits où je comptais m'arrêter m'apparaissent sous la pluie, dans la visière du poncho, impossible à approcher. Je traverse ainsi Caldas sans quasiment rien voir, puis une énorme zone de stockage de containers empilés comme des immeubles, et ... embouteillage avec arrêt obligatoire : un arbre est tombé sur la route. Sous la pluie, un policier essaie tant bien que mal d'assurer les passages des véhicules sur le bas-coté tandis qu'un autre policier manie la machette pour tenter de réduire le monstre tombé avec la pluie. A Itagui, j'essaie de sortir de la grand route pour viser le centre et trouver un hôtel, toujours sous la pluie. Des files de voitures à l'infini de tous côtés, des feux rouges. J'interroge les passants. Pas d'hôtels à proximité. Aussi, direction Medellin. La pluie cesse. J'y vois mieux sans poncho et ... j'entends mieux. Enorme ville avec quasiment peu ou pas de panneaux indicateurs, des grands axes où ca file à 80 km/h ... La joie du cycliste ! En tournant au hasard durant deux bonnes heures vers les grands immeubles haut perchés, je finis par trouver trois cyclistes qui m'indiquent des hôtels mais l'un est une sorte de boite privée un peu bizarre, l'autre esrt un cinq étoiles, le dernier est, enfin, un hôtel rêvé : quartier calme, chambre calme, douche à fort débit (non électrique), coût très raisonnable, un ... grand lit ! Arrivée à 17h30.

La Pintada - Medellin, 115 km, 5h45 - 17h30, +1973m -1143m, maxi 2494 m

Mercredi 3 et jeudi 4 décembre 2014 - Medellin, le pais

Un sacré caractère, paraît-il, des basques qui auraient toujours tenu tête au Pouvoir central colombien, vivant leurs vies sans trop se soucier des directives qu'on voulait leur imposer, et ayant une économie largement excédentaire. Les immeubles de containers que j'ai vus avant-hier en descendant la "bosse" sont là parce que c'est une zone franche ... donc pas d'impôt à payer. Il fallait bien qu'il y ait une raison économique impérative pour comprendre cette curieuse localisation géographique.

Medellin est bâtie tout en longueur mais, à la façon de Botero, en exagérant les formes de tous côtés, débordant sur les versants montagneux, un peu à la façon de Quito et de La Paz. Botero est présent par ses sculptures sur la place à son nom. C'est un lieu de rencontre et de jeux notamment pour les petits enfants qui grimpent comme ils peuvent (c'est ... rond !) entre les jambes, sur le dos de ces monuments de bronze. Botero n'a pas inventé ses modèles, il a magnifié les courbes en exagérant ce qu'il pouvait observer dans la rue. Bien que commençant à m'habituer un peu à toute cette profusion de couleurs, de musiques, de paroles, de gueulantes, de moteurs vombrissants à qui mieux mieux, c'est tout de même à Medellin que l'on peut voir déambuler pas mal de poupées barbies dans des tenues très aérées, les vendeurs de dessous pigeonnants devant faire fortune ici.

Alejandro, un doctorant colombien que j'ai rencontré à Medellin, qui boucle sa thèse pour début 2015 avec soutenance à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, a un regard passionné bien qu'un peu sévère peut-être sur son pays. Alejandro est un décalé intelligent qui sait assurer (il est déjà maître de conférences à l'Université de Colombie) et anticiper le devenir, au moins dans le domaine de l'énergie. Il termine un travail de recherche sur le principe d'un moteur (Ericsson) qui peut fonctionner avec n'importe quel type d'énergie dont, bien sûr, celle issue du rayonnement solaire.

Deux réalisations majeures à Medellin : le métro dont le fonctionnement est, en réalité, plus comparable à un RER, propre, très bien organisé, très fréquenté ; le métrocable, qui aligne des cabines aériennes téléportées (des "oeufs") avec vitesse progressive (débrayables), desservant les secteurs les plus défavorisés de la métropole. J'ai pris ces deux moyens de locomotion. D'abord pour aller rechercher des informations au terminal routier Nord au sujet des possibilités de trajets en bus (j'ai fait choux blanc car il est impossible, quelle que soit la compagnie de bus, d'avoir connaissance des transports possibles hors ceux partant de Medellin). Ensuite, les cabines vastes, propres du métrocable (il manquait les skis !) qui survolent tout l'énorme quartier d'habitations souvent précaires, et qui permettent d'avoir un panorama sur l'ensemble de Medellin et des environs. Sauf que ... la nébulosité était assez présente. C'est ainsi que l'on atteint un premier palier où l'on peut s'étonner de voir deux énormes et circulaires bâtiments noirs sans fenêtre : ce serait la Bibliothèque. Puis, changeant de téléporté, au bout de 20 minutes de course aérienne au-dessus d'un très bel ensemble forestier dense, on parvient à la réserve naturelle d'Arvi. A la sortie du téléporté, des personnes faisant partie du service gestionnaire de la réserve résument caractéristiques principales et intérêt de ce classement en réserve naturelle. Certainement très fréquentée, cette réserve semble gérée comme le sont les espaces protégés connaissant une forte fréquentation : une découverte très dirigiste sur des secteurs aménagés pour sécuriser au maximum les personnes, et pour éviter les dégâts intempestifs.

Reprise du vélo demain pour Guatape, mais modification de programme après.

Vendredi 5 décembre 2014 - Des vrais basques ... d'Amérique

Un monde passé encore là durant une vingtaine de kilomètres. Pour gagner Guatape, je quitte la deux fois deux voies à Marinilla pour me fourvoyer dans une petite route qui ne cesse de monter et de descendre. Mais ... le moindre petit lopin de terre est travaillé. La montagne est rangée, au sens propre du terme, avec des amorces de terrasses faites à la main alignées au cordeau et, incroyable mais je l'ai vu, avec de vrais laboureurs regardant chacun son outil piquer, sarcler, bécher. Tout ce beau monde est dans les champs - dans les pentes ! alors que le soleil est au plus haut. D'autres ramassent probablement des pommes de terre, les mettent dans des sacs d'engrais et remontent la pente sac sur les épaules. Ce n'est pas un bonhomme mais cinq ou six qui se trouvent faire le même labeur dans le même champ. C'est pour moi une vision d'enfance au Pays Basque ... de chez nous ! Bien sûr, le bipède cycliste à sacoches ne passe pas inaperçu. Je m'arrête pour prendre des photos de ces hommes que l'on ne voit plus travailler comme cela chez nous. Mais leurs regards me l'interdit. Il y a pourtant des chevaux, des mulets dans le pays, mais tout s'opère à la main et à dos d'homme. A côté de cela, ces mêmes hommes ont de très beaux 4x4. Quelques panneaux faits main recommandent de mieux connaître la Nature car ainsi on protège la Vie. C'est écrit de manière un peu gauche, mais en lisant on sent que cela vient du fond du coeur. Durant ces quelques trente kilomètres, je retrouve le souvenir de ces personnes chez qui on faisait les foins uniquement avec les vaches comme moyen de traction, en maniant râteaux et fourches pour faire les andains, les meules le soir, charger la charrette et rentrer le foin au grenier. Etonnante surprise ! C'était bien sûr avant que le premier tracteur arrive dans le village.

Juste dans ce morceau de l'itinéraire Medellin - Guatape, ma pédale gauche commence à serrer sérieusement, m'obligeant à forcer pour tenir mon pied dans le cale-pied à chaque tour de manivelle. Dans la montée de trente kilomètres à la sortie de Medellin, je me suis arrêté pour y mettre un peu d'huile avec téflon. Ca va mieux mais quelques dizaines de kilomètres plus loin, ça serre de plus en plus. J'arrive à Guatape mais je me dis qu'il faut absolument trouver une solution. Plutôt que d'aller grimper les milliers de marches qui permettent d'accéder au sommet d'un superbe pain de sucre (rocheux) - le Pena de Enol - je prends pince et clefs pour ausculter la chose. Au total, je desserre juste un peu l'écrou pour libérer un peu de jeu sur l'axe de la pédale. La pédale retrouve sa liberté de tourner normalement. Enfin ... je verrai demain !

L'arrivée à Guatape fait passer du monde agricole avec de belles et grosses fermes éparpillées dans la montagne (le Pays basque vous dis-je !) à l'économie touristique du type de ce que l'on peut trouver un peu partout. Il faut dire que l'on est là sur les bords d'un gigantesque lac de barrage dont les bras d'eau remontent un peu partout dans ce paysage très vallonné. Du coup, on fait beaucoup d'efforts pour que tout soit fait pour rendre agréable le séjour, qu'on ravive les couleurs (au sens propre) des maisons, qu'on enlumine un peu tout - Noël approche. Il y a certes un caractère un peu clinquant mais dès qu'on aborde un peu les gens, on les sent encore authentiques (la génération des adultes).

Après beaucoup d'hésitations, je modifie la deuxième partie de mon périple, d'abord parce que j'ai été un peu trop gourmand (j'ai oublié qu'il fallait un peu de repos aussi entre les montées et les descentes), ensuite parce que la remontée des quelques plus de cinq mille mètres de dénivellation positive cumulée pour joindre Bogota, me fait un peu peur. A cela s'ajoute le fait que quotidiennement une attention extrême doit être portée compte tenu des comportements de chauffeurs, jamais vus par moi dans aucun autre pays. Avantage de mes nouvelles étapes : voir Gustavo, un collègue colombien qui vient donner des cours à Paris. Aussi, je rejoins à partir de demain le Rio Magdalena jusqu'à Honda. De Honda à Bogota, je compte prendre un bus et rencontrer Gustavo. Puis, je repars faire une boucle de cinq jours au nord de Bogota avec des dénivellations moins fortes que ce que j'aurai fait dans ma première prévision.

Medellin - Guatapé, 97 km, 6h -14h, +853m -955m, maxi 2372 m

Samedi 6 décembre 2014 - Jour à surprisesss ...

Une journée originale mais je m'en serai bien passé !

- L'itinéraire donné par Google maps pour déguerpir de Guatapé (très agréable) et rejoindre le rio Magdalena est faux : les distances, les "routes" (en réalité, ce sont de sacrés pistes de 4x4 et VTT parmi les plus dures que j'ai jamais faites), il manque beaucoup d'embranchements, un barrage relativement ancien et important ne figure pas.

- A cela s'ajoutent : que c'est tout un réseau de pistes non renseignées par des panneaux d'indication, qu'il faut choisir ; que c'est une région tout en bosses et creux très rapprochés ; que les pistes sont à la fois détrempées (notamment par les pluies de la nuit), raides à souhait, le plus souvent naturellement empierrées (donc pleines de gros blocs).

On conclut vite : s'engager oui, mais comment s'en sortir ! On comprendra pourquoi tout cela dans quelques lignes.

Ce matin, je suis parti comme d'habitude à 6 heures. La pluie venait de s'arrêter. Confiant dans Google maps (je n'ai jamais eu les problèmes de défaut de fiabilité comme aujourd'hui), j'étais parti pour 40 km avant de retrouver la grande route Medellin - Bogota, soit au maximum 4 heures. J'ai mis 9 heures pour ces soi-disant 40 km qui étaient en réalité 70 km. Je me suis trompé trois fois, le tout dans des pistes cross très raides où personne ne passait. A 13h, crevé de ne pas voir les villages annoncés (j'avais déjà fait une cinquantaine de kilomètres), j'entends un bruit qui se rapproche : un gros camion vide. Je fais signe, explique que je suis perdu et que je veux joindre San José puis la grande route Medellin - Bogota. Le chauffeur va me porter jusqu'à San José. C'est alors que j'apprends que c'est volontairement que les pistes ne sont pas des routes, que les cartes sont fausses, qu'il n'y a pas de panneau géographique : c'est un nid des Farc. Et le chauffeur de me montrer toutes les maisons Farc ...

A San José, je reprends le vélo qui a beaucoup souffert : la pédale gauche s'est remise à bloquer, à siffler, le dérailleur a du mal à passer les vitesses. Je finis par rejoindre la belle asphalte. Mais, il faut monter et longuement encore. Je n'ai mangé qu'un croissant depuis ce matin, mais bu pas mal. Je cherche une chambre ou un endroit pour poser ma tente. Pas très accueillantes les personnes interrogées. Je finis dans le camping de la réserve naturelle du Rio Clara. La nuit ne va pas être drôle : il fait très chaud, très humide et ... la tente est envahie de fourmis et autres bestioles inconnues.

Guatapé - Rio Clara, 94 km de vélo, 15 km de camion, 6h - 17h30, dénivellations non enregistrées

Dimanche 7 décembre 2014 - Cap à l'Est

Nuit sous tente à Rio Clara. Tout est humide partout. Le sol est spongieux. Mais je suis obligé de planter là mon abri de toile. J'ai ouvert toutes les petites aérations notamment celles de la partie sommitale de la tente. A 2h, j'ai la tête qui bouge mollement sur le duvet. Gouttières ! le duvet est spongieux ! J'examine la situation pour sauver des eaux un maximum d'affaires. Cela vient du haut : je ferme toutes les aérations, éponge l'eau avec ma serviette, ferme les sacoches étanches et me calle dans le fond de la tente. Dodo !

5h30, le coq de la montre me fait signe ! Faut tout plier, tout humide ! Cela fera un peu de poids de plus. A 6h, un oeil sur le petit resto du camping : des employées boivent le café. J'ose commander un tout petit déjeuner. Voeu exaucé ! Aujourd'hui, au moins deux oeufs brouillés et un petit café au lait seront dans l'estomac. Le vélo commence à être bien en vrac avec les péripéties d'hier. La pédale freine et couine toujours de plus en plus. Et voilà l'idée d'une réparation sans outil : comme il couine et freine de plus en plus en pédalant en avant, peut-être qu'en pédalant en arrière la limaille de fer qui doit se bloquer dans les billes du roulement de la pédale, s'évacueront ? Ca marche un peu, en tout cas, si ça freine toujours un peu, le couinement s'estompe. Donc, je pédale en avant, dès que ça commence à serrer et à couiner je pédale en arrière. Un tango à pédales !

Ca monte encore un peu avec des faux plats, des petits cols, mais la marche vers le Rio Magdalena, cette énorme rivière de Colombie, est réelle. Puerto Triunfo passe puis j'emprunte l'énorme pont qui franchit le Rio pour poursuivre rive droite et joindre l'intersection avec le grand axe Nord Sud qui est tracé comme une autoroute mais dont de nombreuses portions sont encore à seulement deux voies. La digue que forme cet axe routier pour l'écoulement des eaux réalise des zones marécageuses relativement nombreuses le long de l'axe routier, fournissant un repère attractif pour l'avifaune. Entre autres, j'ai pu voir de nombreuses Grandes Aigrettes.

Les coups de pédales en tango sont de plus en plus lourds sous le cagnard ! J'ai enfilé à nouveau chemise à manches longues et chapeau de toile sous le casque. Arrêt café tinto très sucré à une station-service. Une escouade de policiers palabre fort devant un petit-déjeuner très complet sous l'agréable ventilation. La Dorada, mon objectif d'aujourd'hui, se rapproche. C'est long, c'est presque tout droit, c'est plein sud. En réalité, je trouve un hôtel très confortable juste avant le pont qui permet d'atteindre le bourg. Il devrait me rester une cinquantaine de kilomètres demain pour joindre Honda où là je dois trouver un bus pour Bogota.

Rio Claro - Puerto Salgar, 98 km, 6h30 - 13h, +575m -671m

Lundi 8 décembre 2014 - La tente en moins ...

Quitter le très bel hôtel de Puerto Salgar pour pédaler en tango, Dédé tu l'as voulu ! ... Encore une quarantaine de kilomètres normalement pas difficiles. Mais ... il flotte ! Oh ! pas de grosses bourrasques. Au début, je me dis que ça rafraichit, ca fait du bien. Puis ... je mets l'anorak puis je finis par me mettre sous le poncho. Et ça dure ... jusqu'à l'arrivée. Mais, un vendeur de poissons sur le bord de la route, attire mon regard. Il se tient à côté d'une bestiasse impressionnante pendue au bout d'une ficelle. Sûr que les amateurs vont s'arrêter ! Je demande l'autorisation de la prendre en photo avec le pêcheur à ses côtés. Il veut ensuite inverser les roles. A ma grande surprise, le poisson magnifique est ... en bois !

Honda, petit village où je dois trouver le terminal routier pour prendre un bus afin de m'éviter la très grosse dénivellation vers Bogota. Bien m'en a pris quand ensuite j'ai vu que, en plus, la montée était entrecoupée d'une gigantesque descente ... Je comptais prendre le bus demain mardi, mais, tout compte fait, j'ai préféré tout faire dans la même journée d'aujourd'hui. Le terminal routier se trouve très à l'écart de Honda. Bien sûr, aucune indication de panneau le long de la route. Cela oblige à discuter finalement. Mais, par précaution, je demande toujours à deux personnes la même chose. Beau terminal routier. Une dizaine de compagnies de bus tiennent un guichet. Je choisis Copetran qui a de grand bus. Réponse positive mais faut voir avec le chauffeur : dans "vingt minutes" le bus arrive ! Je n'en demandais pas tant, si vite ... 1 heure et demi plus tard, le bus arrive. Le chauffeur dit que ce n'est pas possible. Dans "vingt minutes" un autre bus doit arriver. Je finis par m'endormir à coté du Mulet. On me secoue et ... ça y est, je peux partir. 20 000 pesos le bonhomme, autant pour le vélo. Je mets moi-même le vélo couché avec les sacoches (protectrices du vélo dans ce cas) dans la soute du bus. Le trajet durera au moins 3h30. On passe un premier col (sans nom comme d'habitude), et on descend une longue mais longue distance pour remonter très fort. La pluie est encore du voyage, le plafond nuageux est très bas. Loin en bas au fond, le Rio Magdalena est le seul point évident de lumière dans le paysage. L'entrée dans Bogota est ... tout embouteillée. Mais, ça y est, je suis sauvé, le Terminal Sud est droit devant. C'est gagné.

Sauf que ... Impossible de se repérer. C'est une gare gigantesque qui grouille de monde. A la sortie que je finis par trouver, un policier est devant moi. Je lui demande la direction pour le centre de Bogota, en lui disant que je cherche un hôtel. Car, il se fait tard, le plafond nuageux est toujours très bas, et je ne veux surtout pas rouler dans cet énorme capharnaüm trop longtemps. Il fait venir un homme qui serait, d'après son badge, un informateur touristique au service des passagers. Il me demande combien je veux mettre d'argent pour l'hôtel, et me dit de le suivre. Et on marche, on marche plusieurs kilomètres. A chaque fois qu'on passe devant un planton policier, le monsieur informateur est toujours reconnu et salué. Je me retourne et vois que ma tente n'est plus sur le vélo. Je le signale et l'informateur retourne en courant - je le suis - pour faire le cheminement inverse vers l'aéroport. Il s'arrête peu de temps après, et je continue en vélo jusqu'au terminal : pas de tente. Je reviens dépité, et l'informateur me dit de le suivre pour l'hôtel. Il me fait tourner, virer, me disant que c'est toujours à l'autre cuadra. Je mémorise bien sûr l'itinéraire. Au bout de trois interrogations avec toujours la même réponse, et de plusieurs kilomètres, je prends la poudre d'escampette. Et, je file en vélo vers ce que j'ai repéré : les collines de l'Est au pied desquelles se trouvent et l'hôtel Boyaca où j'ai logé et l'ami Gustavo. Mais le ciel est de plus en plus sombre, la circulation intense. Un panneau de travaux. Je lui mets un coup de sacoche et ... ma roue avant descend subitement de 30 cm (le trou était rempli d'eau donc je ne pouvais pas voir !). Je me remets en selle, demande des hôtels ... aucune information. Je finis pas en trouver trois mais à des tarifs doubles du prix normal. Je finis par marchander. On me demande combien je veux mettre : 70 - 80 000 pesos (30 euros). Et c'est gagné pour 80 000 pesos au lieu des 140 000 annoncés, avec petit-déjeuner inclus, avec wifi. Je monte le Mulet dans la chambre (ça fait toujours rigoler quand on me voit monter dans la chambre avec le vélo), ferme la porte et ... me pose enfin ! Dommage pour la tente quand même mais, à l'évidence, elle m'a été enlevée à la sortie de l'aéroport lorsque je discutais avec le policier et l'informateur. Merci la petite voix qui m'a dit de partir à toute vitesse en vélo ...

Puerto Salgar - Honda, 41 km, 7h - 11h, +125m -115m

Bus Honda-Bogota

Mardi 9 décembre 2014 - Jeu de piste à Bogota

Pas facile de sortir encore d'un hôtel douillet ! Surtout quand ... il pleut ! Il me faut trouver des pédales pour le vélo. J'essaie à nouveau de comprendre le jeu complexe des carreras et surtout des calles. Impossible de traverser les deux fois deux voies sans emprunter le pont pour les piétons. A hauteur d'une gare du transmilenium, on me tape sur l'épaule. On me tend une carte. C'est un cycliste. Je lui dis que je cherche des ... pédales. Il m'indique la calle 13 tout là-bas. Si je n'ai pas trouvé, il me dit de lui envoyer un mail dans la soirée. Sympa, encore ! Pour trouver la calle 13, rien de plus simple et rien de plus compliqué. Simple, c'est avant la 14, compliqué car il faut sans arrêt faire du gymkhana avec le vélo entre les trous, les trottoirs, les piétons, les bus ... du classique ! En fait, Bogota a des rues spécialisées. C'est vrai que dans la calle 13, on trouve des tas de vendeurs de vélo mais aussi beaucoup de quincaillerie. Autour de la plaza Bolivar beaucoup de bijoutiers. Mes pédales ... il me faut un vrai cycliste. Dans une ruelle adjacente, j'en vois un qui démonte un vélo sur le trottoir. Je démonte ma pédale raide, lui montre : pas de problème. Il me sort un jeu tout neuf pour 6 euros tout compris. Je remonte. Et ça roule. Fini le tango à pédale.

Gustavo habite un quartier très calme, tout contre les collines orientales (cerros). Après deux heures de marche tranquille, j'ai fini par trouver, et arrive devant chez lui à l'heure convenu. Accueil on ne peut plus sympathique. Gustavo passe son temps en missions à l'étranger pour faire des évaluations économiques de projet, enseigne également à l'Université de Bogota tout comme en France. Tout est bien pour moi. On discute toute la soirée en famille sur mes impressions après ce petit parcours colombien. Demain, un petit tour à vélo au parc national Chingaza.

Mercredi 10 décembre 2014 - Le paramo dans les brumes

Chingaza, un nom bizarre. C'est un des parcs nationaux colombiens, tout proche de la capitale Bogota. L'idée est venue après avoir voulu aller, selon les judicieuses indications de Jean-Pierre, voir le plus grand paramo au monde, le parc national Sumapaz. Renseignement pris, ce parc est fermé depuis un an pour cause de ... Farc.

Lever à l'accoutumée. Petit-déjeuner fruité préparé par Gustavo. Je file par la carrera 7 (je ne décris plus la circulation), bifurque à droite vers La Calera et ... ça monte. Une route très très fréquentée (inutile d'insister plus), sans bas-côté sauf toujours l'éternelle dalle de béton inclinée pour l'eau, qui fait riper les cyclistes, mène à un col autour de 2900 m. Descente ensuite dans une vallon assez esthétique, ponctué d'habitations cossues dont pas mal sont à vendre (petite Suisse). Beaucoup de cyclistes sans sacoche me croisent et me doublent sans trop de discours. Il faut dire que le plafond est bas, il ne fait pas très chaud. Un barrage, le village de La Calera, et bifurcation à droite pour prendre une piste assez roulante qui s'enfonce dans des vallons que l'on découvre au fur et à mesure avec des intersections mais là on a des panneaux ! La montée vers le parc Chingaza passe par de petites exploitations familiales, des maisons simples. Pour la première fois, je vois un mouton ! Le temps pèse de plus en plus. Le plafond nuageux est proche. Je passe devant une énorme carrière qui a dû avoir son heure de gloire car tout un village a été construit à son pied, avec une église et une école, aujourd'hui totalement explosé, au sens propre du terme. Tout est brisé en mille morceaux, les toitures sont éventrées, les fenêtres ont toutes les carreaux brisés. On dirait qu'un souffle énorme est passé. Pas âme qui vive. Arrêt casse-croute, et retour décidé car la pluie commence à sérieusement mouiller. La remontée de La Calera est normalement dure, mais les pédales sont maintenant synchronisées. Le col est à nouveau atteint. La descente vers Bogota fait découvrir des métiers artisanaux comme les tailleurs de pierre, les vendeurs de bois, les ébénistes. Au fond, la vision de Bogota se perd dans les nuages de pluie et de pollution.

Bogota - vers Chingaza, 53 km, 6h30 - 13h, +961m -974m, maxi 2910

Jeudi 11 décembre 2014 - Escapade au Cundinamarca

Pays du condor ! Mais, autrefois ... Dommage que je n'ai pu à nouveau voir ce très bel oiseau, pas si farouche que cela et même très curieux (en Bolivie, je l'ai vu s'approcher pour peut-être mieux évaluer les bipèdes qui grimpaient). Dans la soirée d'hier, j'ai eu droit à des dégustations de spécialités colombiennes. Le Café gourmet - avec un grand C - qui est ce que le Sauternes est aux vins de Bordeaux. Beaucoup d'analogies entre les deux produits. Le ramassage grain par grain, la double fermentation, l'attention minutieuse et très savante du murissement, la qualité du terroir, des plants (cépages), la sévère appellation, la conservation, la trace des produits ... Très subtile saveur de ce café sélectionné ! Il faut dire que Gustavo a un frère producteur près de Medellin ! Après cet excellent début, suite avec de très originales recettes à base de platano, banane plantain qui est écrasée et roulée en crêpe, sur laquelle on y met aussi bien un assortiment de chicharones (peau de porc grillé), morceaux de boeuf, de poulet, le tout enrobé dans une sauce onctueuse avec champignons, avec purée de tomates et oignons. Gustavo et Gloria sont des connaisseurs !

Je suis parti ce matin du doux logis de Gustavo et Gloria, pour joindre quelques dizaines de kilomètres au Nord de Bogota, Zipaquira, une commune connue particulièrement pour l'exploitation souterraine du sel, les mineurs y ayant même sculpté une cathédrale. La petite ville est très touristique. De très belles places en carré avec quelques très anciens monuments des siècles passés, des couleurs vives aux maisons, beaucoup de magasins dont, curieux, un spécialisé dans les poignées d'ouverture de portes automobiles, de clips, de lèves-vitres. Je repère pour demain les bons plans pour retrouver ce qui est considéré partout comme un incontournable de la Colombie : les mines de sel et leur cathédrale. Le tonnerre gronde. Le petit Jésus joue aux quilles !

Bogota - Zipaquira, 51 km, 7h - 11h, +80m -61m

Vendredi 12 décembre 2014 - Un peu de Sel

Non, ce n'est pas comme ma mémorable traversée du Salar d'Uyuni en Bolivie (voir sur le site lundi 17 mai 2010). Aujourd'hui, je me suis enfoncé, à pied ! Le sel est enterré, mais exploité depuis des temps immémoriaux (bien avant la colonisation, semble-t-il). Les mines de sel de Zipaquira ont une réputation mondiale par ce qui est appelé "cathédrale". Au plan touristique, c'est une réussite. Seule la Pologne aurait également sa cathédrale de sel. Ici, à Zipaquira, c'est dans la deuxième moitié du XXe siècle, que les mineurs eurent l'idée d'élargir les galeries creusées pour, non seulement faire un lieu de culte, mais pour également jalonner la marche vers la cathédrale avec les quatorze stations du Chemin de Croix du Christ, chacune étant nichée dans une cavité. Les visites sont ordonnancées comme dans tous les sites touristiques mondiaux, avec beaucoup de personnels présents, des itinéraires très sécurisés, un droit d'entrée, un guide par groupe de visiteurs. Ouverture à 9h. J'en suis sorti à 12h30 !

Dès l'entrée, on est dans le sel mais avec le parterre soigneusement égalisé pour éviter de trébucher. L'éclairage est partout, discret, niché dans des fosses creusées dans le sel. Aucune impression d'humidité - mais pourtant on a vu un petit laquet à un endroit. Pas d'étayage des galeries, à croire que la structure salée est d'une solidité à toute épreuve. Impression d'étanchéité totale, très légère sonorisation musicale (des chants grégoriens). On descend progressivement dans les profondeurs au fur et à mesure des 14 stations du Chemin de Croix. La grande ouverture de la Cathédrale apparaît à la fin de la longue marche descendante. Au cours de l'histoire de l'exploitation du sel, quatre niveaux ont été creusés, l'exploitation la plus récente se trouvant à -200 m environ. Après l'énorme cavité de la cathédrale, les marchands du temple sont là avec toute une série de commerçants : de l'émeraude au tee-shirt en passant par les très artistiques figurines sculptées dans le sel, dans la pierre, dans le bois, dans l'or ...

Et le travail des mineurs ? On peut le voir en option avec un supplément qui permet d'avoir un casque avec éclairage frontal. Je me suis joint à un groupe d'enfants de 4 à 6 ans. La guide nous a menés au fond d'une galerie de travail où on ne tient pas debout et où l'on trouve piques, pioches (avec exercices pratiques pour les enfants sur les murs des galeries ... c'est très dur !), mais aussi une perforatrice pneumatique pour l'insertion des charges de dynamite. Un détonateur peut être actionné : après quelques tours de manivelle, on appuie sur le déclencheur ! On voit alors une détonation enregistrée, et de la vraie fumée envahir le fond de la galerie. Les enfants sont ébahis par le réalisme de l'animation. Et chacun de ramasser quelques morceaux de sel, certains remplissant même un sac ! Après cela, le sel ramassé était transporté dans des chariots manuels à deux roues (pas de pottoks basques comme dans les mines du Nord de la France) puis versé dans des fosses successives où le mélange eau-sel en faisait la saumure.

L'aménagement et la gestion de ces mines ont été soigneusement étudiés. Une ligne blanche au sol indique toujours la direction à suivre, les entrées se font toutes les 20 minutes avec guide obligatoire et passage individuel dans un portillon (comme dans le métro). Dans les galeries, à chaque station, à chaque carrefour, le guide passe une carte magnétique qui indique à la billeterie l'endroit précis où se trouve le groupe. Il n'y a pas de ventilation car la température est très supportable. Finalement, même si l'attraction que représente une "cathédrale" souterraine dans une mine de sel est un multiplicateur touristique certain, l'embellissement que représente la signature religieuse de ces mines est un hommage réel pour tous ces hommes qui ont oeuvré dans des conditions si difficiles. Aujourd'hui, ces mines ne sont plus exploitées.

Un petit coup de pédales dans l'après-midi vers les hauteurs de Zipaquira pour avoir une vision plus panoramique des lieux. Grand repos régénérateur tout de même aujourd'hui.

Samedi 13 décembre 2014 - Bogota, ville pour initiés

Ce matin, très beau comme hier. La saison sèche serait-elle enfin stabilisée ? Sortie toujours très sympathique des hôtels car tout le monde veut savoir que fait ce bonhomme avec un vélo et des si grosses sacoches ! Ce n'était pas la peine de me lever aux aurores car je n'ai qu'une cinquantaine de kilomètres et c'est quasiment plat. La campagne est tranquille. Je vois enfin six moutons très foncés, pointés comme sur un damier dans un pré, à peu près à égale distance. Pédalage facile, peu de circulation. J'ai même repéré une piste cyclable. Seulement extrême vigilance sur ces pistes pour vélo car elles se terminent parfois brutalement par une marche de trottoir de 25 cm de haut parfaitement perpendiculaire ! ou alors un poteau a été planté en plein milieu de la bande de 60 centimètres sur laquelle on roule. Faut avoir l'oeil ! ... La banlieue de Bogota approche. On passe de deux fois deux voies à deux fois trois voies. Le reste se devine avec les chapitres précédents ! Du coup, pour éviter de me faire écharper, je prends trottoirs et pistes cyclables lorsqu'il y en a. Finalement, Bogota est une ville pour initiés. Il n'y a quasiment pas de panneaux de direction, surtout pour les cyclistes. Mais lorsqu'on sait, alors ça roule assez bien et on ne se prend pas la tête trop. Il suffit de savoir qu'un bus freine toujours très fort, qu'un taxi ça corne tout le temps et ça fait des queues de poisson, que les changements de direction se font sans clignotant, que les motos peuvent passer à gauche ou à droite du vélo sans avertir. Au total, on finit par arriver (mais on ne peut pas prévoir avec certitude dans quel état !). Mais ... les cerros (collines) qui coincent Bogota, coincent aussi les nuages et ... non ! la pluie arrive tout doucement d'abord mais très vite ce sont des seaux d'eau qui tombent. Vite un abri ! Mais on n'est pas en pays connu ! Après la pluie le beau temps dit-on chez nous, ici après la pluie qui semble s'arrêter, à nouveau ça repart de plus belle. Une bonne heure et demi d'attente sous un abri de magasin. Je me décide à mettre le poncho ... Le tonnerre se met à gronder (tiens, il y avait longtemps ! ...). Je pédale vite, les rues débordent de flotte. Je lève les jambes pour passer dans les mares d'eau. J'essaie de ne pas passer trop près des véhicules, de ne pas de me faire copieusement doucher au passage de bus ou de camions, et ... j'arrive chez Gustavo !

Zipaquira - Bogota, 53 km, 9h - 13h

Dimanche 14 décembre 2014 - Montserrate

Avec un e , alors que Montserrat dans les Pyrénées catalanes n'en a pas. Mais l'analogie reste tout de même très forte entre les deux sites : une vierge noire, un lieu de pélerinage, un site touristique très fréquenté. Montserrate est une des collines (cerros) qui bordent Bogota à l'Est. Le sommet est à 3152 mètres. Mes hôtes Gustavo et Gloria m'ont proposé d'aller y faire un tour. Balade dominicale très classique pour les habitants de Bogota mais quand il fait beau. Ce matin, après les pluies fortes d'hier après-midi, le ciel semble s'être purgé : c'est le grand bleu !

Et c'est parti pour accéder en taxi jaune à la gare du funiculaire (un téléphérique y monte également). Une petite queue, et c'est la montée fort raide sans crémaillère selon un système qui est équivalent à celui du funiculaire de Pau. La montée est rapide. Bogota se laisse découvrir à perte de vue. En haut du Montserrate, déjà énormément de monde assiste à la messe dans la basilique du Senor de Montserrate. Les stations du Chemin de Croix y mènent, avec de très belles sculptures en bronze. Pas moyen d'entrer. Tout le parvis est plein de monde. A la fin de la messe, nous pouvons voir la Vierge noire dans une petite chapelle latérale qui ressemble à celle de Monserrat en Catalogne. Toutefois, les pélerins semblent préférer le Christ tombé à terre qui fait l'objet d'ex voto nombreux placardés dans une immense pièce latérale. Pas trop de possibilités de promenades à pied aujourd'hui, le sommet du Montserrate étant très largement occupé par tous les marchands de bibelots, d'objets de toutes natures, par les vendeurs de boissons et de spécialités locales. Le temps se ... couvre. Un déjeuner dans un des deux restaurants s'impose ! Très bonne et belle table face au panorama immense de la savane de Bogota, mais ... quelques grêlons font leur apparition puis une grosse averse qui durera ... jusqu'à notre retour un peu précipité par le funiculaire, après une queue monstrueuse, tous les gens voulant redescendre. Et, surprise, en bas, terminée la pluie. Le soleil reviendra un peu plus tard.

On ne pouvait pas passer devant la Kinta de Bolivar sans une visite. C'est une très belle propriété qu'a occupé Simon Bolivar le "Libertador", restauré avec le mobilier ancien, qui comprend un très beau jardin arboré, une piscine (parait-il qu'il s'y baignait quotidiennement dans l'eau froide). On peut y voir les pièces utilisées par celui qui avait un caractère très affirmé (on dit qu'il aurait cassé la grande table de la salle à manger). Quelques pièces d'artillerie en bronze sont exposées dont des canons français très décorés. Le soleil étant revenu, un détour par la carrera septima nous a fait croiser toute une suite d'amuseurs de rue : fakir, gesticulateur, vendeurs à la sauvette ... Beaucoup de magasins étaient ouverts. Dès que les lampions s'allument, toute cette avenue est envahie.

Le taxi jaune qui nous ramène est muni d'une grande tablette numérique permettant de situer le véhicule et d'être en contact permanent avec la centrale des taxis publics. Pas besoin de girouette et d'avertisseur sonore, le chauffeur nous a montré que la petite Kia savait rouler.

Lundi 15 décembre 2014 - Le Mulet aime bien sa nouvelle pédale !

Ca y est ! Dernière ligne droite de ce périple un peu mouvementé parfois. Ce matin, mais bien sûr, il fait beau ... juste le temps de rejoindre l'hôtel Boyaca où j'ai laissé un peu de change et le carton d'emballage du vélo. Derniers coups de pédales, et il faut démonter la bête pour la mettre au cachot pour 48h. L'accueil du personnel est toujours très agréable (on vous offre le café puis des pâtisseries). J'ai toujours eu autant de mal à le trouver cet hôtel Boyaca ! Pourtant c'est assez clair : carrera 15 calle 44 - 44. Cela se traduit par : joindre la carrera 44 alors qu'on est sur la carrera 7 (il suffit de savoir augmenter le chiffre 7 de 1 à chaque rue ... ce n'est pas insurmontable !). Puis, lorsqu'on atteint la carrera 44, on tourne à 90° à droite ou à gauche et on rallie la calle 44 avec le meme principe de repérage. Simple, bien sûr ! Mais comme ce n'est pas le damier parfait avec toutes les rues orthogonales, j'ai mis 1h30 à tourner virer parce que toutes les rues ne sont pas repérées. De nouvelles rues ou ruelles ou impasses ne sont pas conformes à la numérotation, avec des A ou des B accolés au numéro, avec des numéros de rue barrés, avec des alignements de rues en virgule - on est alors un peu comme le cheval qui doit avancer au jeu d'échec ! Mais on finit par y arriver.

A l'hôtel, le carton du vélo a vu deux autres cartons vélos arriver d'Allemagne. Geraldo, le propriétaire de l'hôtel vérifie bien que c'est bien le mien que je prends (il est rassuré quand il voit mon nom que j'avais écrit dessus). La maison est sérieuse avec les clients. C'est l'heure du démontage du bicycle. On dégonfle les pneus, on enlève la roue avant, on aligne le guidon le long du cadre, on baisse les manettes de dérailleurs et de freins, on enlève la selle, on enlève la béquille, on retourne les pédales ... Mais, la nouvelle pédale a été vissée par un forçat et ... pour la dévisser, ma clef de 15 n'a rien voulu savoir. Fatiguée, elle a foiré ! Comment faire ? A l'hôtel; pas trop de matériel. En plus, il faut non seulement une clef de 15 (rare ...) mais une clef étroite (encore plus rare). Je pars sous la pluie voir s'il n'y a pas une solution. Un magasin de bricolage ! Je vois des clefs plates suspendues. On me prête une 15 ... trop large. Le vendeur comprend vite, va au fond du magasin et me dit que ça va aller. J'ai peur de la casser. Et ... ça marche : lentement ça tourne vers l'arrière. Comme quoi, il y a toujours une solution avec les gens de bonne volonté. Du coup, les deux pédales montées maintenant vers l'intérieur se regardent bizarrement. Mais il faut rentrer dans la largeur du carton. Je mets le tube PVC de 40 pour tenir à distance les deux bras de la fourche avant, et ... au cachot le vélo ! Le carton est saucissonné avec du scotch large électrique. Demain, départ en début d'après-midi mais allongé ...

Mardi 16 décembre 2014 - Test cardiaque ...

Tout est normal. Je dois prendre l'avion à 17h50 locale. J'ai tout rangé comme il faut. Le monstre est dans son carton. Les sacoches ont été soigneusement examinées au cas où on m'aurait inséré quelque produit qui m'aurait causé des soucis en rentrant en France (conseil judicieux de Laure et de Dominique), lors du rapt de ma tente. Je suis largement en avance, attendant tranquilou à l'hôtel Boyaca en visualisant des vidéos de menuiserie de Copain des Copeaux. L'hôtel se charge de me faire venir un taxi - pour 14h ai-je dit. Tout va bien.

... Sauf que, lorsque, à 14h le taxi arrive, le chauffeur voyant le big carton-vélo refuse dans un premier temps puis exige un prix qui, d'après l'hôtel, est exorbitant. Donc ... exit le taxi. La tenancière de l'hôtel téléphone et retéléphone pour avoir un taxi à prix normal. Elle me rassure. Une demi heure après, un autre taxi jaune arrive. Mais c'est une berline, certes plus grande que les petites Kia mais impossible de mettre le vélo dans la voiture. Exit le deuxième taxi. La tenancière téléphone et retéléphone mais ... rien : tout est occupé. L'heure tournant (il est 15h), elle file dans la rue pour arrêter un taxi jaune. Le troisième taxi se poste devant l'hôtel et ... même scénario : la voiture jaune ne peut pas transporter le vélo. Du coup, je commence à tourner sérieusement en rond autour du ... carton, voyant l'heure défiler, sans solution. La tenancière est dans tous ses états, téléphone à une amie et ... on finit par trouver une petite camionnette qui enfourne le carton, le bonhomme, les sacoches et ... direction l'aéroport. Il est 15h30 passé.

André (c'est le prénom du chauffeur) me dit qu'il y en a pour un quart d'heure. Nous écopons de deux embouteillages sérieux et d'un accident. L'aéroport est en vue vers 16h15. Seulement André me dépose ... à l'arrivée et non au départ, et ... s'en va. Me voilà avec le big carton, et les big sacoches comme un gland cherchant un chariot. Chariot trouvé, carton mis de champ (sinon je ne peux pas passer dans les portes), je file vers le départ qui est ... l'arrivée ! Du monde partout. Je finis par trouver l'ascenseur car le départ est au premier étage. Je trouve le comptoir d'enregistrement d'Air France, une queue de plus de 100 personnes ... et mon vélo doit être enregistré au plus tard à 17h ! Ne voyant pas d'autre solution, je vais voir un employé qui ... me fait passer dans la file des privilégiés : 20 personnes seulement en attente. Mon tour arrive : le surcoût pour le vélo est de 100$ (site internet d'Air France), sauf que LA chef présente d'Air France Colombia ne veut rien savoir. Elle veut des pesos colombiens et non des dollars ni des euros ni de carte bancaire pour le paiement. Or, bien sûr, je n'ai plus un peso. Il me faut descendre au rez-de-chaussée pour changer les dollars en pesos, sauf que l'on me demande le passeport qui est resté là haut aux mains de l'employé du comptoir d'enregistrement. La caissière d'en bas ne veut rien savoir : il lui faut le passeport. Je lui réponds que mon avion part et qu'il me faut les pesos. Elle finit par me donner l'équivalent en pesos des 100$. Je remonte en courant ... sauf que ce n'est plus l'équivalent de 100$ mais de 120$ qu'il faut. Je redescends (avec le passeport) et revient avec les pesos supplémentaires. L'enregistrement peut se faire : il est 17h30. Un employé bienveillant me guide pour charrier le vélo jusqu'à la porte spéciale d'embarquement des objets volumineux. Mais, l'employée de ladite porte spéciale dit que c'est trop tard. L'employé bienveillant téléphone alors pour décoincer la situation ... Le vélo entre dans le labyrinthe du quai des bagages et disparaît. J'ai mon ticket d'enregistrement avec les deux reçus du vélo et du sac rempli de sacoches, jusqu'à Toulouse ... Tout va bien ! Et je file vers le tampon du visa retour (migrations), des douanes, et ... je m'assieds, non sans avoir acheté une grosse poche de café de premier choix. Le test cardiaque est passé ... pas besoin de somnifère pour la nuit dans l'avion !

Mercredi 17 décembre 2014 - En route pour ... le foie gras !

J'entre en sueur dans l'avion, presque un des derniers ... Enfin, un peu de calme. La marche vers le soleil sera courte finalement. Je décompresse avec un petit whisky en apéro et un ... cognac en pousse ! Après, dodo. L'Airbus A340 est complet, avec des sièges qui en ont plein le dos après les millions de kilomètres qu'on leur a fait subir. Roissy est sous la pluie. Attente maintenant de 4 heures pour le second avion en direction de Toulouse-Blagnac. Des progrès à Roissy avec un wifi gratuit accessible mais très limité. Le petit Airbus A320 finit par arriver de Toulouse. C'est lui que l'on prendra. On atterrit à Blagnac avec 30 minutes de retard. J'ai les petits yeux ! L'heure de vérité arrive avec la livraison des bagages au plateau 6 de Blagnac. Ca tourne, les passagers s'en vont un par un avec leur bagage. Plus rien n'arrive, le tapis roulant est vide, il continue à tourner, tourner ... et à nouveau la bouche crache les derniers bagages restants : ouf ! mon sac plein de sacoches arrive. Je file vers le tapis 8 XXL pour les gabarits hors norme. Rien sur le large tapis. J'écarte un peu les lamelles noires de caoutchouc qui masquent l'entrée. Là-bas, je vois le carton tout cabossé et troué. Le moteur est mis en route. Le pauvre bicycle finit par aboutir à mes pieds. Pierre, mon gendre, est là, m'aide à véhiculer tout avec le petit chariot. Au moins tout est là ! La voiture nous conduit ensuite à Léguevin où m'accueillent Laure, ma fille, et mes deux petits-enfants, Baptiste et Ninon. Surprise ! Apéro, foie gras, ... la fête quoi !

Jeudi 18 décembre 2014 - Eysus ... tiens !

J'emmène Baptiste à l'école. Ma voiture s'est remplie de drôles de paquets portés en avance par le Père Noël. Plus que 3 heures et, sous la pluie, apparaît Oloron-Sainte-Marie et le petit village d'Eysus. La maison a les volets du premier étage entrebâillés, les volets du bas fermés. Les réflexes reviennent. Les yeux deviennent plus actifs. La clef grince toujours. Le portail couine en ouvrant (pas besoin de sonnette). La grille est toujours aussi dure. La voiture retrouve sa place. Encore un géranium fleuri ! La pendule reprend vie. Tout sera rangé. Avec de multiples précautions, je tire le carton très malade du vélo. De gros trous, une poignée arrachée, j'ausculte toutes les pièces du vélo que j'avais pris soin de scotcher pour éviter de les perdre par les trous faits dans le carton au cours des manipulations. Après inventaire, je constate que le vélo est toujours aussi solide. Je remonte tout. Un seul vrai dégât : la pompe a reçu un sacré coup puisqu'elle est enfoncée. Dégât remédiable je pense avec un peu d'astuce. Je gonfle les pneus. Pas une roue voilée. Pas mal ! ... Restent à voir les vieilles pédales que j'aimerais bien retrouver sans pédaler en tango ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten