Amérique du Sud

 

Patagonie 2017 - 1

Carretera austral et Lacs argentins et chiliens

2 janvier - 9 février 2017

Récit d'un périple un peu particulier ...

Parti pour faire la Carretera Austral de Puerto Montt à El Chalten, j'ai fait en réalité deux ... voyages à vélo : le premier durant 730 km de la Carretera Austral de Puerto Montt à Villa Cerro Castillo (5-15 janvier), le second durant 1130 km de Bariloche à Puerto Montt par les magnifiques lacs argentins et chiliens (19 janvier - 6 février). Le très mauvais temps durant 11 jours sur la Carretera Austral m'a fait rechercher un peu de soleil côté argentin ...


Puerto Montt - Villa Cerro Castillo - Chile Chico - Los Antiguos (5 - 16 janvier)

Jonction Los Antiguos - Bariloche (17-18 janvier)

Bariloche - Puerto Montt (19 janvier - 6 février)

J -1 Dimanche 1er janvier 2017 : Préparatifs dans le froid ...

Tout est blanc ce matin. Pas de neige toutefois pour conduire Dominique à la gare d'Oloron. La cuisinière à bois est chargée à fond. Dernière vérification du vélo par un tour du village glagla et ... vite bouclé : tout a l'air en ordre. Trois sacoches sont remplies : à l'arrière droit le duvet, le sac de couchage en coton, les sous-vêtements en laine avec bouclette pour servir de pyjama ou pour le froid éventuel, la pharmacie, la trousse de toilette, les nu-pieds ; à l'arrière gauche, tous les vêtements en ... double ; à l'avant droit tout pour la pluie, le froid (anorak, poncho, deux paires de gants, passe-montagne, et un peu aussi pour le soleil (chapeau toile). Sous la selle, la sacoche avec les outils indispensables (pince, tournevis, clefs, réparation des crevaisons, morceau de pneu, dérive-chaîne, agrafes chaîne, clef de 15, lubrifiant, brosse). La sacoche avant gauche est dédiée à l'alimentation (3 repas de survie déshydratés, gamelle, café (poudre carte noire !), avec le reste qui sera acheté sur place. Sur le petit porte-bagage avant de guidon le réchaud à essence. Sur le grand porte-bagage arrière au-dessus des sacoches, la tente et le matelas de couchage.

L'ensemble est séparé en deux : le vélo, nu, démonté (selle, guidon, pédales, béquille, roue avant) dans une carton avec la tente, le matelas, la sacoche de selle), et les sacoches emballées dans un grand sac nylon de 120 litres. Pour le bagage cabine, j'ai une sacoche 40 litres remplie avec la sacoche guidon, le matériel électronique (appareil de photos, tablette, téléphone), l'argent, les papiers (passeport, cartes bancaires, billets d'avion, carnet de route, carte), un gros rouleau de collant, et une veste.

L'après-midi, le soleil vient positiver l'atmosphère. Les sièges arrières de la voiture sont rabattus. Avec une douceur inhabituelle, j'enfile le précieux Mulet dans le ventre du cheval mécanique : ouf, ça ferme sans trop gêner le chauffeur. Car ... demain matin, je file direction Toulouse chez le fiston qui m'accompagnera à l'aéroport de Blagnac après un solide casse-croûte chez lui. Envol prévu à 16h55 pour Madrid. Puis, après près de 6h d'attente, deuxième envol pour Santiago du Chili. Arrivée à la capitale chilienne mardi à 9h25, puis troisième envol pour Puerto Montt après 3h30 d'escale. Je croise les doigts que tout aille au mieux pour le vélo avec tous ces changements.

Lundi 2 janvier 2017 - C'est parti ... ou presque

Eysus est dans le brouillard froid ce matin. Maison fermée, chauffage hors gel, je sors la voiture, le village est encore endormi. Direction Aigrefeuille chez mon fils Thomas. La limousine se promène comme un vaisseau tranquille, le Mulet est dans sa niche en carton tout attentif aux moindres virages et soubresauts de la route. La température reste négative jusqu'à Toulouse. Excellent repas préparé par Nadine avec foie gras, filet mignon, choux fleurs en béchamel, pâtes (on ne sait jamais, le cycliste ne mangera plus rien pendant un bon mois ...), fromage de brebis, gâteau des rois, le tout arrosé avec l'excellent vin rouge La Gargonne du Domaine du Bouscat de Saint-Romain-la-Virvée, le village où j'habitais lorsque j'enseignais à Bordeaux. Thomas me conduit à l'aéroport où je trouve ma fille Laure et mes deux petits-enfants Baptiste et Ninon. Sympa le départ ... Supplément de 75 euros pour le vélo que je dois récupérer pour le passage douane à Santiago du Chili afin de le ré-embarquer de suite pour le vol de Puerto Montt. Les questions sont toujours les mêmes : quelle dimension ? car l'avion est petit pour Madrid ... téléphone pour donner les dimensions du carton ; quel poids ? N'avez-vous que le vélo en bagage soute ? Un grand boom dans mon dos : le Mulet a basculé du chariot. Plus de peur que de mal ... Règles de sécurité draconiennes avec patrouilles de 4 militaires armés, sacs fouillés, ceinture enlevée, chaussures ôtées, montre, ordinateur, téléphone, appareil photo, clefs, argent séparés, et ... chaussettes qui ont fait l'admiration de la contrôleuse.

On passe les tunnels d'embarquement mais c'est pour descendre sur la piste et monter la passerelle de l'avion. Et là, je vois le carton-vélo, seul, posé sur un chariot. Des employés s'affairent à installer le tapis roulant. Ca marche. Et ... vision incroyable mais vraie, un employé prend à bras le corps le carton-vélo et le lance sur le tapis roulant comme s'il voulait l'exploser ! Je lui crie : abruti ! et l'acteur, certainement tout content de son effet, éclate d'un rire imbécile ... Comment sera le vélo après les trois chargements/déchargements des trois avions ?

L'aérogare de Madrid a l'air plutôt calme avec probablement un système de sûreté moins visible qu'en France.

Mardi 3 janvier 2017 - Que c'est compliqué !

L'avion de Madrid est un Airbus A340-600 équipé avec la technologie numérique la plus récente puisque le wifi est disponible (avec paiement), les menus se changent en faisant glisser le doigt sur l'écran. A Santiago du Chili, plein comme un oeuf, les 400 passagers descendent difficilement de l'avion. Je suis au fond de l'avion, donc ... je descends en dernier. Il faut que je récupère les bagages pour passer la douane et les faire ré-enregistrer pour l'avion de Puerto Montt.

Santiago du Chili est un aéroport encore un peu à l'ancienne avec un tapis de bagage par compagnie, et donc trois ou quatre avions ont les bagages qui arrivent en même temps, donc ... embouteillage. Je récupère le carton-vélo haché à Toulouse. J'avais un peu prévu le coup et scotche comme je peux les déchirures faites dans le carton. Le sac de sacoches est indemne. Je passe la douane et ... le douanier me ré-ouvre le carton-vélo et me dit qu'il faut une autorisation spéciale pour le vélo. Je rétorque que j'ai le dernier avion qui part dans une petite heure ... Rien n'y fait. Je perds encore vingt bonnes minutes pour le papier spécial et revient pour faire la queue derrière au moins 400 personnes soit toutes celles qui partent sur un avion de LATAM (LAN Chile), quelle que soit la destination. Je finis par arriver au guichet et trouve un monsieur compréhensif qui s'occupera de monter le vélo dans l'avion. Vite, de l'argent car ici c'est le peso chilien bien sûr. Je refais la queue à une casa de cambio et ne peux changer que 200 euros. C'est toujours ça. Je file vite de l'autre côté de l'aéroport pour m'affaler cinq minutes avant l'embarquement pour Puerto Montt.

L'A320 monte comme une flèche pour prendre l'altitude de croisière car ça "turbule" beaucoup dans les 8000 premiers mètres. Sieste durant tout le trajet.

A Puerto Montt, Antonio est là, le fils de ma logeuse Maria avec mon nom bien affiché. Le vélo arrive avec le carton une fois de plus tout ouvert ! Je trouve des français qui, à 8, veulent faire la Carretera Austral en vélo. Venus de Paris, ils ont leurs cartons-vélos parfaitement en état, comme quoi le sort des bagages ne peut dépendre que d'un seul imbécile ... Et ils m'apprennent qu'il y a eu un tremblement de terre sur la Carretera Austral d'intensité 7.4 qui aurait fait beaucoup de mal à la route. Renseignement pris auprès d'Antonio, la route est en état. Arrivé chez Maria à l'Ospedaje familiar, je suis reçu avec un déjeuner offert ! Je fais la connaissance d'Alfred le mari qui travaille dans les services qui correspondraient en France à l'IFREMER. Très sympa tout ce petit monde ! Je leur offre une tablette de chocolat Lindt fabriquée à Oloron. Ils ont failli se disputer !

Je remonte avec délicatesse le Mulet bien malmené. Mais il a fait le gros dos : juste deux vis qui manquent. Heureusement qu'il est solide ! Il y a quand même quelques beaux coups dans les jantes, les porte-bagages tordus, mais pas de voilage de roue je pense.

Mercredi 4 janvier 2017 - Puerto Montt, la tranquila

Très bonne nuit après les avatars aéroportuaires. Un petit-déjeuner avec des argentins de Bariloche qui constatent qu'ils ont devant eux quelqu'un d'un peu curieux ... Bof ! Je pars trouver un cycliste pour essayer de fixer mon deuxième porte-bidon car les vis ont dû rester chez les douaniers qui ont beaucoup aimé ce vélo. Le réparateur m'a dit que le filetage des pas de vis dans le cadre avait souffert mais le cadre acier est bonne pâte et le filetage s'est refait au fur et à mesure des tours de la clef allen.

Changer l'argent n'est pas souvent aisé au Chili. Les banques ne le font pas. Ce sont juste les boutiques agréées : les Casas de cambio. Je dois aller à l'autre bout de la ville près de la plaza de armas, un petit devant-de-porte assez discret mais plein de monde. Deux billets de 50 euros ne passent pas : pourtant des billets tirés des machines à sous françaises. Mystère ! Mystère encore lorsque j'ai voulu payer mes vivres : ni la Visa ni la Mastercard n'ont été acceptées par la boite noire du magasin. Pour la nourriture vélo, je reste sur des valeurs sûres : empanadas, biscuits, amandes, pommes, bananes, thon en boite, cocacola, fanta, eau. Le départ kilométrique de la Carretera Austral est balisé : de la mairie par la route qui longe la côte Pacifique. Bien repéré pour demain matin aux aurores.

Une petite pluie, aussi vite partie qu'arrivée, m'a fait me mettre à l'abri près de silhouettes allongées à même le sol. Des pauvres hères, "saouls" m'a dit une dame. Pauvres qui n'ont que la rue au Chili, a-t-elle poursuivi. Une grande avenue marque la baie de Puerto Montt, avec une large place faite aux piétons qui circulent tout à fait tranquilles sous les embruns. Quelques mouettes et goélands trouvent pitance au déversoir de la ville : peu ragoûtant ...

Toute la vie commerciale principale se trouve dans les rues qui épousent la forme courbe de la baie dans les 500 mètres du bord de l'océan. Petite ville mais grouillant de va-et-vient de tous les côtés. Attention au sac de l'appareil photo ! m'a dit une jeune fille. Je n'ai pourtant jamais eu l'impression d'avoir subi une quelconque menace. Soleil, vent, pluie ... on a des variations continuelles du temps en quelques minutes. Donc, toujours avoir le poncho à portée immédiate, et peut-être aussi les sur-chaussures qui devraient garantir les pieds secs.

Jeudi 5 janvier 2017 - Un ... bon départ pour Hornopiren !

Sacrée première étape ! Tout y était : la distance (109 km), les travaux, les pentes à plus de 12% à répétition, le ripio (piste caillouteuse) et ... plus que le ripio après Contao où là j'ai eu la totale en fractionnés à répétition sur de très fortes pentes mais sur un lit de gros cailloux d'environ 4 à 5 cm serrés posés mais non damés pour le support de l'asphalte à venir. Inutile d'imaginer le Dédé sur son vélo zigzaguant tant et plus sur ces montagnes russes aux pentes impressionnantes : dérapage et ... on continue en poussant le vélo ! Je ne pensais pas arriver à faire ce que j'avais prévu : franchir cette zone jusqu'à Hornopiren, avec bien sûr des camions et des voitures inondant de poussière le pauvre cycliste. Du coup, avec les chaos, j'en ai perdu mon écarteur, bien pratique pour tenir à distance ceux qui me dépassent. Je n'ai pas vu les français, mais un couple suisse homme et femme avec un équipement semblable au mien. Je suis finalement arrivé à Hornopiren sous un beau ciel bleu qui, oh ! miracle, est resté toute la journée.

Ce matin, je suis parti à 7h de l'Ospedaje de Puerto Montt pour joindre Caleta Arena mais avec des travaux sur la route qui réduisaient tout à une voie unique et donc j'étais dans le mauvais sens faisant du gymkhana pour éviter les véhicules arrivant en face.

Bateau pris de suite pour une petite demi-heure de traversée. Les chiliens aiment parler, communiquer. J'ai dû expliquer ce que je faisais et puis ... la photo-souvenir. Toute une famille venait de Vina del Mar où j'étais passé voici maintenant quelques années. Ils me rassuraient en disant que du débarcadère à Hornopiren c'était une route superbe asphaltée. La suite ... c'est une des portions les plus difficiles que j'ai jamais montée à cause de la combinaison pente-gros cailloux roulants. Cerise sur le gâteau, je n'arrivais plus à passer sur le petit plateau ! Un beau baptême, non ?

Hornopiren est un petit port très calme avec une vie commerciale fondée principalement sur les passages touristiques. En achetant à l'épicerie une bière que j'avais bien méritée, je demandais à l'épicier où je pouvais dormir. Il m'indique un B&B tenu par son épouse : tout est bien, surtout la douche chaude ! La tenancière est très arrangeante en me laissant les clefs de la maison. Il était 17h. Demain, journée un peu spéciale puisque je suis obligé de prendre encore deux bateaux dont le premier pour une traversée de plusieurs heures. Départ 8h30 donc grasse matinée !

Un mot ... essentiel encore : j'ai vu cinq ruchers d'au moins 40 ruches toutes colorées de très belles couleurs. Ca rassure non ?

Vendredi 6 janvier 2017 - La crasse complète ...

J'écris sous la tente sous une pluie diluvienne. Mais j'ai réussi à mettre la tente sous un abri. Le mauvais temps est là depuis ce matin dès le lever du ... Hier c'était donc un miracle. La nuit au B&B fut un peu bruyante. Tout un groupe de parents et d'enfants trisomiques a rempli la maison hier soir. Autant de couples adultes, parents, que d'enfants. Discutant avec un des parents, j'imaginais combien devait être difficile la vie quotidienne. Il me répondit en tapotant sur son coeur qu'il y avait aussi beaucoup de bonheur. Belle leçon d'un soir !

Le bateau est parti avec pas mal de retard en raison de l'embarquement des véhicules dont des camions avec de longues remorques, qui devaient entrer à reculons. Quelques cyclistes au long cours sont là comme moi (canadiens, suisses, allemands). La traversée de 3h30 a duré en réalité 4 bonnes heures. Tout est bouché. Le beau crachin patagonien a ouvert son robinet ... et ça continue de pleuvoir sans cesse ! Il faut que je trouve un pick up pour transporter le vélo de Leptepu (arrivée du 1er bateau) à Fjordo Largo (départ du 2ème ferry) distant d'une dizaine de km. Un coup d'oeil rapide et ma proie est trouvée : deux autrichiens à l'allure sympathique ... refusent. Après quelques bavardages (ils parlent assez bien le français), je leur expose mon problème à régler : il n'y a qu'une heure pour faire en vélo la dizaine de km. Le bus prend les gens mais pas les vélos. Or je doute de pouvoir faire le trajet dans les temps. Le bateau suivant sera à 16h. L'affaire est entendue. Les autrichiens sont compréhensifs : le Mulet est embarqué à côté des cannes à pêche. Mais ... que de pluie, sans discontinuer ! Caleta Gonzalo est le point d'arrivée ultime des bateaux, en plein parc Pumalin.


Samedi 7 janvier 2017 - Chaiten est enfin atteint

Nuit humide mais excellente nouvelle tente Hubba Hubba HP. Dehors, du crachin. Tout est soigneusement rangé dans les sacoches en essayant de garder sec ce qui l'est encore. Sur-chaussures, poncho et ... en avant sur le ripio. Juste 45 km pour atteindre Chaiten mais une piste toujours galère avec de longs morceaux de travaux en cours qui se traduisent pour le cycliste par l'obligation de jouer les équilibristes car la boue présente alors une épaisseur dépassant la taille des pneus. Quelques portions toutefois sont du ripio autoroute avec néanmoins de très fortes pentes. L'arrivée à Chaiten se fait sur du goudron avec un joli morceau sur 500 mètres où la pente dépasse les 13%. Bien sûr, mon problème de dérailleur persiste, les freins grattent pas mal.

Depuis Caleta Gonzalo, la piste entaille une forêt impénétrable. C'est impressionnant de voir qu'on ne peut absolument pas y pénétrer sans manier le coupe coupe. On entend de très beaux et puissants chants d'oiseaux. Les véhicules arrivent en convoi aux heures des bateaux. Chaque conducteur fait son petit coucou au fou qui pédale. A vrai dire, ce parcours forestier n'est pas d'un intérêt exceptionnel car la vision est limitée aux premiers végétaux de la forêt. Pas de fleurs encore sauf une station de grande digitale. Mais, en revanche, de l'eau qui coule de partout avec de hautes et bruyantes cascades.

J'ai trouvé une chambre avec la possibilité de faire sécher poncho, tente. Tout va bien. Sauf que ma bronchite d'il y a 20 jours n'en finit pas de m'ennuyer avec des maux de tête épuisants, sauf que je sens que le vélo, quelle que soit sa qualité, commence vraiment à me faire faire du souci, sauf que cette piste ne peut pas être raisonnablement faite avec du mauvais temps sur 1200 km. J'y verrai plus clair dans les jours qui viennent pour décider dans quelle direction je dois aller. Si le beau temps arrive, pas de souci, je continue même si le vélo et le bonhomme ne sont pas au mieux de leur forme. En revanche, si la pluie persiste, alors je pense que le périple devra être écourté. Demain, direction le Sud vers Santa Lucia et ... il n'est pas sûr qu'internet soit opérationnel ...



Dimanche 8 janvier 2017 - Col de Marie-Blanque en cailloux pour Villa Santa Lucia

A Chaiten j'étais dans une auberge de musiciens, des guitaristes. Agréable mais tout est devenu calme à 5h ... Endroit parfait pour moi avec le vélo sous abri que j'ai pu bricoler pour améliorer le passage au petit plateau, faire sécher la tente et le poncho, avoir une chambre à trois lits pour moi tout seul, une excellente douche chaude. Le bonhomme était comme un sou neuf ce matin au réveil. Je suis parti sans avertir quiconque (endormis à 5h je ne voulais pas les réveiller).

Le ciel est haut, il ne pleut pas (encore). Chaiten est comme une ville morte à 7h. La route est asphaltée, propre, presque vide de véhicules. Le paysage est ouvert mais bouché de nuages. Pédaler est un plaisir tranquille ... jusqu'à l'arrivée de Madame la pluie qui m'a obligé de mettre et remettre le poncho 6 fois. C'est déjà évidemment beaucoup mieux que les deux jours précédents. On rencontre quelques fermes isolées avec un bétail comparable à ce qu'on trouve encore en France : quelques vaches, des brebis, des chevaux. On trouve aussi beaucoup de propriétés fermées de barbelés même dans les parcelles de forêts impénétrables. La route est facile jusqu'à Puerto Cardenas, durant une cinquantaine de kilomètres. On traverse ensuite le lac Yelcho par un pont haubané sous lequel une petite barque de pêcheurs à la ligne est positionnée avec trois pêcheurs et un rameur qui essaie de remonter le courant.

C'est après Yelcho que les affaires se corsent avec le crachin intermittent et surtout les gigantesques travaux routiers qui rendent très pénible l'avancée du cycliste. Finalement ce n'est pas tant le ripio qui est le plus exigeant pour le cycliste que les lits de gros cailloux et les portions humides et boueuses. Photo d'abord pour Jean-Pierre (alias Ossau) du lodge du lac Yelcho. Puis montée très sévère de la longue portion en chantier avec des pentes qui obligent le cycliste à porter le poids sur l'avant pour éviter la bascule arrière. Et ça dure jusqu'au passage du col : un très beau morceau de vélo ! La descente jusqu'à Villa Santa Lucia est rapide car raide avec pour les derniers kilomètres une route ... asphaltée.

La petite bourgade est à un point stratégique car une route permet de joindre l'Argentine par Futaleufu. Je suis hébergé à l'auberge Illampu que j'avais repérée sur internet : un très bon accueil, un prix correct (c'est toujours 10 000 pesos la chambre soit environ 15 euros).

Durant toute la journée, les nuages sont restés accrochés empêchant de voir les sommets, avec une neige qui est aux environs de 1000 mètres.

Bilan très positif pour cette étape : le vélo a bien tenu avec un passage de vitesses un peu moins problématique du fait du bricolage que j'ai pu faire, la pluie s'est juste un peu montrée de temps en temps, les zones de travaux ont été franchies sans mettre de pied à terre, l'asphalte a été reposante, le cycliste a obéi à sa fille en prenant du paracétamol. Demain, direction La Junta.

Lundi 9 janvier 2017 - Un peu meilleur La Junta

Devinez ? ... Toute la nuit, la ... pluie encore et toujours à Villa Santa Lucia. A ne plus rien pouvoir écrire !

Au réveil à 6h30 (au soi-disant lever de soleil), ça continue.Je quitte sur la pointe des pieds l'auberge familiale, mais tout déguisé en Ovni pour la pluie. La route est belle, le goudron est luisant, les montagnes proches sont encapuchonnées. Je ne vois (en ayant enlevé mes lunettes sans ... essuies-glaces) que du blanc quand je lève les yeux.

Je longe le Rio Frio le bien nommé car les gants ne sont pas superflus. Mais les yeux voient enfin sur un angle un peu plus large que les jours précédents : le paysage semble s'ouvrir. Toujours de la forêt mais avec de temps en temps un gros travail de défrichement qui a permis des prés où se trouvent de très belles vaches et veaux avec une robe beige et blanche, des chevaux très curieux de voir quel est cet ovni à pédale qui arrive, des brebis transis de froid et transpercés par la pluie de la nuit (et des jours précédents). Ici les troupeaux sont plus nombreux. Mais aucune forme de culture ou même de prés à foin.

C'est curieux comme au Chili les panneaux routiers les plus fréquents sont les noms donnés aux ponts avec, pour le plus imposant rencontré ce matin, non seulement le nom d'un monsieur mais aussi accompagné de "el senator". J'ai ainsi traversé au moins trois ponts dont celui qui permet de franchir le rio Palena, un monumental fleuve au débit extraordinaire, qui est très prisé des pêcheurs. Longer dans les vingt derniers kilomètres le rio Palena est ... enfin ... une vision qui mérite le détour ! La pluie a cessé et ... enfin ... je peux voir autre chose que l'alignement des cailloux et des arbres bordant la piste. Du coup, le moral du cycliste qui, je ne le cache pas, était au plus bas en partant ce matin de Villa Santa Lucia, reprend des couleurs.

L'étape d'aujourd'hui a été plus facile qu'hier. Du beau goudron dans les premiers quarante kilomètres puis de la piste et des gros travaux avec toujours de sacrés pentes à monter en petit petit, des descentes souvent en symétrie donc mains sur les freins, et du goudron dans les dix derniers kilomètres longeant les méandres du beau rio Palena avant d'atteindre le village en carrés d'habitations de la Junta. Pas trop de chants d'oiseaux - la pluie vous dis-je ! ... un survol d'hélicoptère à plusieurs reprises. Il portait du béton ... Un seul cycliste croisé qui vient d'Ushuia et qui m'a dit que le vent était vraiment insupportable, que ça ne valait vraiment pas le coup de partir d'el fin del mundo.

Demain, étape assez courte pour atteindre Puyuhuapi pour bien préparer les deux (ou trois étapes) suivantes en vue d'arriver à Coyhaique qui sont celles à plus forte dénivellation positive. Peut-être que Madame la pluie changera un peu son centre d'intérêt géographique ? ... Rêvons un peu !

Mardi 10 janvier 2017 - Une étape de calme pour un drôle de nom : Puyuhuapi

D'origine indienne peut-être mais une création d'origine allemande assez récente (1930 ?), Puyuhuapi est tout en travaux : une voie de contournement et toutes les rues sont défoncées pour des installations enterrées de réseaux. Miracle, le soleil vient juste de cligner de l'oeil (il est 15h07 locale). Mais ... ce matin, que nenni, pour partir de La Junta c'étaient les habits du pêcheur qu'il fallait avoir. La logeuse était surprise que je veuille partir et me dit que, au Sud, c'est pire ... Même sous la pluie, cette étape est assez agréable (on se fait à tout ! ...) car c'est du beau goudron bien lisse sur environ 35 kilomètres, sans véhicule ou presque (avant 10h du matin), quelques fermes d'élevage avec le bétail dans les prés (comme jusqu'à présent vaches, veaux, chevaux, brebis), et surtout un bruit de la nature inhabituel alliant la fine pluie, les trombes d'eau dévalant des nombreuses cascades, les solos chantants de quelques rares oiseaux dans les arbres. Quelques vautours tournoient autour du cycliste à la sortie de La Junta sans doute à la recherche de quelque pitance.

Assez curieusement, cette étape qui normalement devait être pénible du fait des toujours mêmes éléments qui accablent le pédalant, fut assez reposante. Certes, le ripio en travaux a été là durant une vingtaine de kilomètres avec toujours les coups de rein à donner pour passer les bosses, mais le poncho assurait au fond une protection assez efficace. De bout en bout, un seul mot Risopatron tant pour le rio que pour le lac. Le nombre de ponts traversés ne se comptent plus. L'imagination des chiliens pour les nommer est assez sommaire car pas un ne doit ressembler à un autre : pont des pierres blanches, pont des dames blanches, pont risopatron ... Un nom toutefois inconnu du touriste paraît sur une portion de route : Pangue. C'est la très grosse fleur très courante depuis que j'ai abordé la Carretera Austral avec d'énormes feuilles qui forment une sorte de gros entonnoir jusqu'à 2 mètres de diamètre. Ici on les appelle Hojas (feuilles ?) de Pangue. L'arrivée à Puyuhuapi se fait sur quelques centaines de mètres de route cimentée, un délice que le Mulet savoure.

J'ai trouvé encore une chambre dans une maison très bien tenue. Un petit confort qui m'aide bien à préparer mentalement l'étape de demain qui est normalement celle avec le plus de dénivellation cumulée montante (autour de 1900 mètres). Mais ... il y a un petit souci : à une cinquantaine de kilomètres de ripio, des travaux font fermer la "route" durant 4h, de 13h à 17h. L'étape prévue risque d'être faite en deux jours.

Mercredi 11 janvier 2017 - C'est passé pour Villa Amengual

Je prévoyais une rude journée car j'ai un peu plus de 90 km, un col à franchir (Cuesta Queulat), et surtout l'interdiction de circuler pour travaux entre 13h et 17h sur une portion avant le col. Et, j'oublie ... Madame la pluie ! Ce matin donc à l'hostal Don Luis, je me suis éclipsé à 6h30. Des travaux routiers partout ! Finalement c'est pas très gratifiant de devoir arpenter des chantiers mais ... c'est ainsi sur la Carretera Austral ! Loin des images idylliques trouvées sur internet, la réalité est plus rude. Poncho enfilé, je longe d'abord le fjord Puyuhuapi, puis le rio Quelat avant d'entamer la forte montée de la Cuesta Queulat. Les ouvriers se mettent en oeuvre progressivement : on est à une quarantaine de kilomètres du village de Puyuhuapi. Les pick up rouge du chantier font moulte va-et-vient sans trop se soucier des jets de boue sur le cycliste, le perforateur de rocher est en marche, les camions se positionnent ... J'essaie de filer le plus vite possible car la route est interdite de roulage à 13h mais je ne sais pas sur quelle portion car ... on travaille partout.

Apparemment, c'est gagné : j'ai passé la Cuesta Queulat, et là, plus d'engins de chantier donc j'ai tout mon temps pour joindre Villa Amengual à une quarantaine de kilomètres du col. Alors que j'arrive en haut de la Cuesta, surprise, un couple avec un bébé mais en vélo arrive face à moi. Le petit bout est dans une sorte de remorque fixée à l'avant du vélo du papa. Il ne bouge pas, est assis, encapuchonné (car il pluvine) le visage non protégé. Je vois qu'il y a plus fou que moi !

La descente versant Sud de la Cuesta est un régal : la piste est large, les virages pas trop serrés ... Un peu de vitesse quand même malgré les cailloux et la boue. Au bout d'une dizaine de kilomètres ainsi, on arrive à la bifurcation Puerto Cisnes d'un côté, Villa Amengual-Coyhaque de l'autre. Et là ... un superbe ruban tout lisse. Le Mulet n'en revient pas, tout crotté de partout. Toujours pas un hameau depuis Puyuhuapi. On voit de temps en temps des maisons plus ou moins en ruine, des restes d'occupation humaine assez récente avec des défrichements autour, mais la forêt regagne le terrain qu'elle avait perdu probablement par le feu. On voit de très gros arbres complètement séchés.

Depuis le goudron, la pluie a cessé ! Magique ! Le plus beau reste malgré tout ces impétueux rios au débit impressionnant : rio Grande, rio Cisnes.

De temps à autre un grand panneau en bois avec un gros appareil de photo dessiné indique qu'on arrive à un point où il faut s'arrêter pour faire clic clac. Bien souvent, c'est juste pour pouvoir lire quelques informations touristiques. Un site marquant tout de même : la Piedra del Gato, un passage rocheux qui a, semble-t-il, donné du fil à retordre pour faire passer la Carretera Austral.

Villa Amengual, curieux tout petit village où tout semble refait à neuf. Je m'attendais à devoir camper par là, et je trouve un hostal avec le wifi. Comme dans les villages où je suis passé depuis Puerto Montt, tout ce qui est public (bâtiments, places, équipements de loisirs ...) semble surdimensionné. Il y a en fait très peu d'habitants. Villa Amengual semble attirer le tourisme. Un énorme camion "hôtel" avec une remorque pleine de petites fenêtres : le camion accueille les passagers en étant agencé comme un car, et ces passagers dorment dans la remorque aménagée en couchettes ... Retombées locales de ce système ?

Bilan : grosse journée de vélo (9h, 92 km, un col raide et boueux) dans des conditions pas faciles, mais, contrairement à ce que j'avais pensé, j'ai pu passer avant l'heure de l'interdiction. Le plus beau : les rios qui me font penser à ceux que j'ai vus en Colombie. Demain, petite étape pour rallier Villa Maniguales.

Jeudi 12 janvier 2017 - La chaussée des Géants à Villa Manihuales

Vous ne trouverez jamais la chaussée des Géants mais pourtant c'est cette impression que l'on a dans la vingtaine de kilomètres précédant l'arrivée à Villa Manhuales (ou Maniguales). On entre alors dans un dédale de vallons entrecoupés d'énormes blocs erratiques, de petites collines arborées avec le rio Maniguales qui serpente au mieux de la pente. Et l'on circule, en se sentant tout petit, dans ces masses énormes qu'accentuent les écharpes nuageuses toutes blanches qui essaient d'empêcher le passage. Il faut dire que la pluie tombe à seaux d'eau depuis ce matin.

Toute la nuit, les tôles du toit ont reçu les coups de bélier des grosses gouttes de Dame la Pluie. Ce matin, à Villa Amengual, c'est sans discontinuer que cette fidèle compagne journalière de ma traversée de la Carretera Austral me tape aux oreilles, sur le casque, le vélo, le poncho, partout. Je quitte ce village de poupée bien repeint, bien propret mais sans rien qui bouge. Avantage : le bitume est là et le restera jusqu'à Villa Manihuales durant près de 60 kilomètres entrecoupé de portions cimentées et de pavages autobloquants.

On sent que l'on passe dans des vallons aux reliefs prononcés mais à vrai dire on ne peut que deviner tant le plafond nuageux est bas. Tout à coup, un bruit ronflant : c'est le camion-hôtel qui me dépasse avec sa remorque pleine de monde. La noria quotidienne des pick-up rouges reprend, eux aussi rutilants comme s'ils venaient d'être achetés. Il faut dire que le Chili est un pays minier. Dans le secteur, mines d'or, de nickel, de zinc ... sont présentes et expliqueraient peut-être les attentions financières accordées aux communes pour les équipements collectifs largement dimensionnés. Ne voit-on pas dans la presse un bel article bien en vue qu'une entreprise minière a généreusement doté une école de ...12 ordinateurs. Une goutte d'eau pour le généreux donateur mais un grand bienfait pour les élèves et pour l'intégration locale de l'entreprise ...

Le parcours en noir et blanc de cette route Villa Amengual - Villa Manihuales est un peu fantomatique sous la pluie battante. Toujours peu ou pas d'occupation humaine présente, des marques d'anciens incendies, et, au détour d'un nouveau vallon, une scierie artisanale équipée d'un vieux camion haut sur pattes de l'armée chilienne. Originalité, enfin, en approchant de Manihuales, des fermes assez imposantes au milieu de vastes terres encombrées d'arbres calcinés mais avec aussi des boules de foin donc aussi des prés de fauche. Ce sont les premières vues depuis Puerto Montt soit depuis un peu plus de 500 kilomètres de pédalage.

Villa Manihuales est un village-rue, bâti de part et d'autre de la nationale 7 (Carretera Austral). Trempé jusqu'aux os, je n'ose entrer dans aucun magasin pour demander une chambre, et je finis, après trois ou quatre échecs, à trouver l'idéal : une chambre, avec wifi, qui est accolée à un restaurant, et qui a une douche chaude pour un prix enfin un peu plus raisonnable que ceux des jours précédents. Le rêve ! ... avec la pluie.

Demain, je voudrais gagner Coyhaque en une étape (si Madame la Pluie me l'autorise), la dernière plus grosse bourgade en terme démographique de la Carretera Austral. Mais je devrais avoir un peu de montées probablement à gravir. Et ... pour décider comme prévu de la suite à donner à cette descente vers le Sud, pour le moment après cette première partie, un peu trop axée sur l'apprentissage des passages boueux et caillouteux des pistes en travaux, avec les plus grands honneurs quotidiens de la douche permanente ...

Vendredi 13 janvier 2017 - Pas de pluie à Coyhaique

Porte-bonheur ? Un vendredi 13 sans pluie ! Oui c'est vrai. Incroyable ... Ce fut une fuite vers le Sud car je sentais la pression forte des nuages sombres venant du Nord. Quel bonheur de voir ce matin au point du jour une rue qui semble sèche. Le vélo a été bien nettoyé car tout commençe à coincer avec la boue accumulée. La route est asphaltée ou cimentée ou pavée. C'est la nuit et le jour entre faire du vélo par piste mouillée, boueuse, caillouteuse et pédaler sur du ... lisse.

L'étape est longue (un peu plus de 90 km) avec une bonne cuesta à passer une dizaine de kilomètres avant d'arriver. On continue la grande chaussée des Géants en passant au plus simple entre les énormes masses rocheuses (de la lave ?) et les méandres du rio Simpson. C'est la route de Puerto Aysen que l'on laisse au bout d'une cinquantaine de kilomètres pour bifurquer vers Coyhaque. Puerto Aysen et Puerto Chacabuco voisine sont des points stratégiques pour les marchandises. Les gros ferrys y accostent.

La route est très fréquentée par les camions, par les bus, par les voitures qui roulent à vive allure sur un ruban qui n'a pas de bas-côtés. Inutile de dire le danger de cette portion de la Carretera Austral pour les cyclistes et les piétons. En témoignent la kyrielle de reposoirs fleuris que j'ai vus aujourd'hui. Et puis, il y a au fond d'une voûte rocheuse un lieu de prière dédié à Saint Sébastien avec des centaines de dépôts allant de fleurs aux enjoliveurs aux canettes de boisson.

Le rio Simpson est à l'image des rios déjà rencontrés : impétueux, de couleurs vert sombre, avec un débit imposant. Et puis, une jolie libellule vient virevolter au-dessus du vélo : vendredi 13 ! Pas de village sur tout le trajet de 90 kilomètres. Quelques propriétés foncières près du rio Simpson à vendre. Curieux comme toute la nature est tenaillée par des clôtures !

La route est principalement cimentée mais juste pour permettre à deux véhicules de se croiser. Des portions courtes sont couvertes de pavés autobloquants dans les zones de "déformations permanentes" autrement dit aux endroits où probablement on traverse des failles qui, lors des tremblements de terre, feraient craqueler la chaussée. Avec les pavés autobloquants, l'adaptation aux mouvements tectoniques est moins cassante. La Cuesta à franchir est pentue avec un passage en tunnel éclairé depuis un accident mortel. La montée est humide. On débouche sur un plateau où trônent en plein vent cinq éoliennes.

Coyhaique est la capitale régionale, une grosse ville. Tout y semble plus cher qu'ailleurs notamment pour le logement et la nourriture. Mais on y trouve tous les services dont la possibilité de changer de l'argent.

Je pensais rester à Coyhaique un jour pour me reposer. Finalement, je préfère continuer mon chemin même si, au cas où je devrais rentrer plus tôt que prévu pour d'évidentes raisons liées à un tel périple à vélo, le retour sera plus compliqué. Mais l'objectif est bien d'aller au bout de la Carretera Austral. Demain, très grosse étape puisque je dois monter à plus de 1000 mètres pour espérer atteindre Villa Cerro Castillo distante de 100 kilomètres. Mais peut-être vais-je prendre deux jours pour la faire. Tout dépendra - comme d'habitude - des conditions et du temps, et du vélo, et du bonhomme.

Samedi 14 janvier 2017 - Ca commence à Cerro Castillo ...

... l'intérêt pour la Carretera Austral. Peut-être parce que, fondamentalement, c'est la montagne qui m'intéresse ... Partir de Coyhaique est aisé. On attrape très vite la nationale 7 qui mène à l'aéroport de Balmaceda et à Villa Cerro Castillo. Le temps est au beau fixe, semble-t-il. La route bétonnée est très fréquentée jusqu'à l'aéroport mais dès qu'on prend l'embranchement pour Cerro Castillo, il n'y a presque plus personne. La journée promet d'être rude avec 100 kilomètres environ et la montée à plus de 1000 mètres. En deux fois, en une étape ? Je suis dans les temps même avec une journée supplémentaire. En réalité, je ferai tout dans la même journée.

Halte aux feux ! Les forestiers du Chili mettent partout des grands panneaux pour faire arrêter la tradition de mise à feu de la forêt pour ensuite défricher. Aujourd'hui, j'ai vu toute une plantation très récente (les arbres ont tout au plus une vingtaine d'années) complètement noircie. Dans la réserve naturelle nationale de Cerro Castillo que la route traverse, on met des plants partout de part et d'autre de la chaussée, enchâssés dans des protection de plastique pour éviter l'abroutissement par les animaux. On y protège avec force le Huemul (cerf andin) en demandant aux chauffeurs de ne pas dépasser 60 km/h. La traversée de la réserve est un régal, tout en montagne russe avec de superbes stations de lupins mauves, bleus, blancs. Enfin, on voit les sommets des montagnes alentours dont, à ne pas manquer, le très beau massif du Cerro Castillo. On voit notamment un énorme glacier dont le front fait au moins 150 mètres de hauteur.

La montée à un peu plus de 1000 mètres est assez rapide mais ensuite on fait du yoyo sur une bonne vingtaine de kilomètres avec les bosses et les creux autour des 1000 mètres. Au bout du 85ème kilomètre, enfin la descente commence nettement avec une série de virages très bien dessinés que l'on peut descendre à bonne allure.

Plus que 10 kilomètres ... Les arrêts photos sur le massif du Cerro Castillo sont fréquents. J'aperçois même un condor et ... un magnifique cavalier avec son chien qui va rassembler ses bêtes. Photo ? Il est fier comme un condor, accepte, et force un peu l'allure en amorçant un trot avec élégance.

Villa Cerro Castillo est là : quelques maisons, beaucoup de backpackers et de cyclistes au long cours dont deux françaises qui viennent ensemble d'Ushuaia. On échange quelques informations qui peuvent servir notamment pour moi à El Chalten un camping dénommé Derincho. En revanche, mon étape de demain va être encore des gros cailloux en travaux. Ce soir, j'ai mis ma tente dans un des deux campings de Cerro Castillo.

Dimanche 15 janvier 2017 - Journée décisive

"Une forte dépression sur le Pacifique se dirige lentement vers le Chili" : c'est un mail de mon collègue Jean-Pierre Tihay. Coup de massue pour moi !

Ce matin, je pars quand même de Villa Cerro Castillo.

Dès la sortie, c'est la galère des travaux sauf que là aucun engin de chantier n'est présent. En revanche c'est un tapis de billes de cailloux qui ont été jetés très abondamment sur toute la largeur de la chaussée. Et, comme s'il fallait en rajouter, un vent d'Ouest très sévère me frappe en plein dans le nez (la dépression Pacifique ...). Les rafales m'ont déséquilibré plusieurs fois et obligé de pousser le vélo en marchant. J'ai pesté contre ces incohérences qui font commencer des travaux et qui laissent tout en plan sans terminer la besogne. J'ai fait cinq kilomètres ainsi (la pente est comme d'habitude tout en montagnes russes obligeant de monter au plus petit développement). Mais comme on est obligé de zigzaguer, lorsqu'on est sur des billes on rattrape les dérapages deux fois sur trois mais on finit toujours invariablement par se coucher avec le vélo. C'en est trop. J'injurie le sort. Et, finalement, le guidon se tourné tout seul vers le bas ... pour revenir à Villa Cerro Castillo. C'en est finie de cette épopée commencée à Puerto Montt.

Après 730 km de pédalage très souvent dans des conditions difficiles, il faut jeter l'éponge, ne pas tenter le diable. Une Carretera Austral rapiécée de tous côtés avec des travaux qui deviennent la galère du cycliste, telle est aujourd'hui la situation de l'ancienne piste mythique. Et, bien sûr, chose qu'on ne peut jamais prévoir, le temps pourri 9 jours sur 11.

Le moral est bas lorsque, revenu à Villa Cerro Castillo, il faut prendre la deuxième décision : comment revenir à Puerto Montt ? Après discussions avec un couple franco-chilien, je vais revenir par l'Argentine pour espérer trouver de meilleures conditions météorologiques. Les deux françaises venues d'Ushuaia continuent vers Coyhaique tandis que je repars pédaler vers Puerto Ibanez pour prendre à 18h30 un ferry pour joindre Chile Chico au Sud du lac du général Carrera.

Puis, demain, je vais franchir la frontière avec l'Argentine pour espérer prendre un bus ensuite à destination de San Carlos de Bariloche. La suite est encore à définir ...

Lundi 16 janvier 2017 - Journée improbable à Los Antiguos

Chile Chico est une petite cité agréable en bordure du lac Général Carrera. Curieusement, le change pesos chiliens / pesos argentins peut se faire très publiquement au supermarché sans paperasse. Il fait un vent de beau temps.

La route vers l'Argentine est large, droite, libre pour le cycliste. La police des frontières ne fait pas de zèle, le contrôle de l'immigration est rapidement effectué. Je roule dans un no man's land de quelques kilomètres jusqu'aux contrôles argentins. Deux dames âgées à pied traînent leur valise roulante, solitaires dans cet espace inter-frontalier. Ce sont des françaises qui vont au gré de leurs envies d'un pays à l'autre. Elles m'ont dit : "Vous savez à nos âges on ne risque plus rien". Etonnantes !

Los Antiguos est le pendant frontalier de Chile Chico en Argentine. La ville s'étire le long de la route internationale avec un système en quadrats pour l'organisation des rues. C'est apparemment jour de petit marché. La grand-route est occupée par les étals de nourriture, de bibelots, de vêtements. Où trouver un endroit où passer la nuit ? Où trouver le terminal de bus ? Très peu d'indications. Car c'est d'ici que, normalement, je dois trouver un bus pour joindre Bariloche.

Au terminal de bus, deux compagnies Chalten travel et Taqsa : aucune des deux n'accepte les vélos ! Décidément la Patagonie n'aime pas l'engin à deux roues ! Je n'avais jamais eu aucune difficulté pour mettre vélo et sacoches dans un bus au Pérou et Nord Chili. En discutant un peu, je finis par comprendre que, peut-être, demain si je reviens, l'employée de Taqsa aura demandé si ... en démontant les roues ... ça serait peut-être possible. J'ai l'impression d'être arrivé dans un trou de rat. Je repars commençant à échaffauder des plans B, C ... jusqu'à envisager de laisser le vélo ou de joindre à vélo à nouveau le Chili pour Coyhaique et prendre le bateau à Puerto Chacabuco. En déambulant, je tombe sur l'Office du tourisme. Et j'y trouve les deux marcheuses françaises ne comprenant ni l'espagnol, ni l'anglais et essayant de se faire expliquer les diverses solutions pour joindre Perito Moreno. De mon côté, j'interroge à nouveau pour trouver un bus qui ...Le jeune employé téléphone et finit par me dire que, contrairement à ce qui est affiché et écrit dans les dépliants, il y a un bus tous les jours qui part pour Bariloche (et pas seulement les jours pairs) et que vélo démonté ça doit être possible. Mon thermomètre intérieur remonte de quelques degrés. Puis question classique : où trouver une chambre pas chère avec wifi ? L'employé très efficace m'indique chez "Suzana" la chambre souhaitée mais un peu à l'écart de la ville. Je file trouver "Suzana" après un chemin de galets. Chambre dortoir, wifi ... Ca me va. Il est 14h. La dame mange une soupe maison et me propose une assiette : j'avale goulûment cette potion magique avec légumes du jardin et morceaux de jambon. J'explique mon problème de vélo à démonter. Elle téléphone à un ami et me dit sur un ton comminatoire qu'à 18h je dois aller chez cet ami au bord du lac avec le vélo. Il va le démonter et mettre des cartons pour que le bus puisse le prendre. A l'heure dite, je finis par trouver l'Ami de Suzana. On démonte le vélo avec même les porte-bagages retournés pour raccourcir le bicycle et, bien sûr, les roues enlevées. Le pauvre Mulet est méconnaissable. On va chez un autre ami chercher des plaques cartonnées avec une citroën méhari bricolée : tout cliquète, tressaute, les cardans claquent, mais ça avance. Les plaques de carton sont tenues en appui avec deux packs de 12 bouteilles d'eau. L'emballage du Mulet commence : les roues sont ficelées au cadre, le guidon aligné, les pédales retournées, la selle enfoncée, les porte-bagages raccourcis par pivotement, le tout est serré par des cordages que Suzana m'a donnés.

Retour à la casa de Suzana avec la méhari cahotante. Mais, demain matin, comment aller avec carton-vélo et sacoches au terminal de bus à 5 km ? Les taxis ne prennent pas les vélos ... encore un coup de plus pour les pauvres deux roues ! Suzana a bien une polo. La solution est là. On baisse la banquette mais ... le carton-vélo est trop large de près de 10 cm. J'arrive à réduire la largeur en pliant un peu les bords, le vélo finit par rentrer un peu, se coince mais dépasse pas mal ! La malle restera ouverte toute la nuit. Il n'a pas plu ...

Mardi 17 janvier 2017 - Bariloche 23h

A 5h, le réveil de ma chambre où deux autres compères sont venus dormir, me tire du sommeil. Pas de toilette. Suzana me prépare un café avec des biscuits. Mais ... la malle étant restée ouverte la lumière du coffre est restée allumée toute la nuit ! La polo va-t-elle démarrer ? 30 secondes plus tard, Suzana revient rassurée (et ... moi aussi !). Les 5 km sont rapidement parcourus pour atteindre le terminal de bus. Je n'ai toujours pas de billet pour prendre le bus ce matin. Et hier, par internet, j'ai vu qu'il ne restait que 3 places, mais le site de TACSA n'était pas accessible pour acheter un billet en ligne. Il faut donc être les premiers au bureau de l'agence TACSA. Tout est encore fermé. Pas mal de personnes ont passé la nuit dans le terminal de bus. Affichage sur la vitre que le bureau de l'agence est ouvert à partir de ... 9h. Or le bus doit partir à ... 7h30. Arrive un bus à 7h mais c'est celui de l'autre compagnie Chalten travel qui, aussi, part pour Bariloche à 7h15 mais ... ne prend pas les vélos. Suzana est inquiète - et moi donc ! A 8h toujours pas de bus TACSA. Mais, l'employée d'hier qui m'avait dit que peut-être en revenant demain matin ce serait possible si le chauffeur est d'accord, finit par me vendre un billet pour Bariloche. Suzana obtient que le vélo démonté, encartonné, soit considéré comme bagage normal. Pas de supplément donc. Suzana, rassurée, me salue et repart chez elle. Grand merci Suzana !

A 8h30, toujours pas de bus. A 8h45, un vombrissement, le bus TACSA arrive d'El Chalten quasiment plein après avoir roulé toute la nuit. Des passagers débarquent. Les soutes s'ouvrent. Le portier voyant mon grand carton voit que c'est un vélo et le fait rentrer dans une soute autre : le vélo restera debout coincé entre une cloison et d'autres bagages. Mes sacoches sont aussi embarquées. Finalement tout peut être simple. Je monte vite m'asseoir dans le fauteuil semi-couchette qui m'a été attribué, et remercie le ciel de ce moment incroyable où je suis dans un bus qui part pour Bariloche avec le vélo et les sacoches. Oui c'est vrai. 9h30, le bus démarre avec 2h de retard.

... L'arrivée à Bariloche était prévue à 20h. Elle aura lieu à 23h. Il fait ... nuit !

Tout est débarqué. Carton-vélo et sacoches sont tour à tour portés dans le terminal éclairé. Je commence le remontage du vélo. Une vis de fixation du porte-bagage avant foire, je force un peu, la vis casse ! Un policier arrive un peu plus tard et me dit que le terminal va fermer ... Le vélo en pièces finit par tenir debout. Je transporte tout hors des portes du terminal. Les pneus sont à moitié gonflés. Les freins frottent un peu. Je demande à un chauffeur de taxi la direction du centre : 3 km plein Sud. Une chambre ? Il y a l'hôtel Costa del lago à 4 km. Je branche ma lampe frontale sur la tête. Mon feu clignotant arrière fonctionne. Je file. Le Mulet a repris du poil de la bête. La voiture de police me dépasse sans rien me dire, mon éclairage intermittent arrière et frontal avant devant suffire. L'hôtel est éclairé. Beaucoup de grosses voitures au parking. L'employé me trouve une chambre. Visiblement intéressé par le vélo, je lui demande s'il y aurait un réparateur de vélo pour fixer mon porte-bagage avant. Il me propose de le faire lui-même ... demain.

Curieuse Argentine tout de même ... Il est 1h du matin. Je suis dans une chambre avec les sacoches. Le vélo est dans le sas d'entrée d'un hôtel***. Allez, dodo ...

Mercredi 18 janvier 2017 - Bariloche, le Nice argentin

Journée de repos et ... de renforcement des calories pour le cycliste. Tout est bleu dans le ciel. Un léger vent adoucit la température somme toute très agréable. Beaucoup de jeunes filles font du footing le long du lac à croire que les garçons n'en ont pas besoin ! J'ai fait quatre petits tours de vélo histoire de vérifier le remontage rapide et de nuit du vélo. Le garçon de l'hôtel m'a mis des attaches rapides en plastique pour faire tenir le porte-bagage avant et le garde-boue arrière. J'ai eu tout de même à gauchir un peu le porte-bagage aluminium avant qui, par la déformation qu"il a subie, lui faisait toucher le pneu avant. Sinon, en ménageant la bête, ça devrait aller s'il n'y a pas trop de difficultés dans les jours à venir.

J'ai rencontré un français, Valentin, qui ... gardait mon vélo, étant à l'Office de tourisme demander de la documentation sur la région. Valentin est guide pour une agence américaine qui organise des voyages à vélo en France. Ariégeois, il est passionné de préhistoire et écume tout ce qui peut être vu de peintures rupestres de gravures, de figurines, de statuettes datant de la préhistoire. Il a un vélo semblable au mien acheté également chez Randocycle.

Après rapide estimation par la carte, je décide de partir demain pour faire un tour très différent je pense (j'espère) de la Carretera Austral. Je ne promets pas d'accès internet tout le temps car j'ignore totalement si je vais camper ou coucher quelque part avec le wifi disponible. Donc, patience, si les humeurs journalières sont épisodiques. Le repérage sur la carte est le tour suivant pour atteindre Puerto Montt le 6 février pour un retour en France les 8-9 février : je pars dans le Nord de Bariloche suivre la route des 7 lacs jusqu'à San Martin de los Andes puis je passe la frontière pour Pucon au Chili puis Villarica puis descente vers le Sud pour Osorno, Puerto Varas si, bien sur, j'ai le temps et si ... tout va bien. A très bientôt ?

Jeudi 19 janvier 2017 - Tranquilo à Villa la Angostura

Ca y est, c'est reparti pour une autre phase du voyage, un autre voyage.

Coucher dans un dortoir à 8 places avec des personnes qui arrivent à n'importe quelle heure de la nuit, qui n'ont aucun souci de ceux qui essaient de dormir, parlant fort, avec même de la musique ... à éviter ! Je suis parti après le petit-déjeuner de 7h30, donc grasse matinée ! Pourtant l'étape faite aujourd'hui est correcte : 87 km de Bariloche à Villa la Angostura. C'est un autre pédalage que pour la Carretera Austral. Certes, plus facile parce que sur du goudron mais beaucoup plus dangereux. La circulation est intense, voitures et camions touche à touche et la chaussée bitumée est juste une petite deux voies. Un oeil devant et l'autre dans le rétroviseur (encore faut-il qu'il soit bien réglé !) comme fait le gendarme pour voir tout ce qui se passe. On longe quasiment tout le temps le lac Nahuel Huapi qui fait le charme de Bariloche et qui signifierait lac du tigre (en réalité le puma). Plusieurs contrôles de police sur la route, une police qui aime dialoguer : je me serai cru au Maroc avec même un policier qui, après m'avoir demandé d'où je venais, où j'allais ..., a voulu me serrer la main alors que la circulation allait bon train. Il reconnaissait que pour les cyclistes la chaussée était très étroite. De fait, j'ai dû me balancer sur les côtés à plusieurs reprises car deux camions se croisant prennent toute la chaussée. J'ai eu droit à des coups d'avertisseurs multiples car au lieu de freiner lorsqu'ils voient un cycliste, ils cornent ! Pas un village entre Bariloche et Villa la Angostura sauf juste avant Angostura, Puerto Manzano. La route longeant le lac passe aussi dans le parc national Nahuel Huapi (du même nom que le lac). On monte pas mal avec un col à passer à 1252 mètres.

Une silhouette tout là haut au sommet d'une côte. Vélo ou moto ? Je vois les réflecteurs des sacoches Ortlieb, les mêmes que les miennes. C'est Laurent, un français qui file vers Ushuaia en rejoignant la Carretera Austral à Futalefu soit en évitant les zones les plus problématiques que j'ai traversées mais ... il va devoir passer par les zones de travaux d'après Villa Cerro Castiello. Je lui ai souhaité ... bon vent ! Il a un vélo équipé d'un moyeu Rohlof qui est un système permettant de passer les vitesses sans dérailleur extérieur. Le gros avantage est qu'il n'a extérieurement qu'un seul petit pignon et donc des risques très limités de dégâts en cas de choc. Sans doute vais-je équiper ainsi le futur Mulet car je sens que l'actuel vélo, certes solide, commence à être au bout du rouleau à force d'être monté/démonté pour les avions et les bus.

L'arrivée à Villa la Angostura est pour moi assez irréaliste. Alors que je viens de parcourir 80 kilomètres sans quasiment voir une seule habitation, je vois des aménagements touristiques dignes des plus huppées des stations de mer ou de montagne. Tout est policé, les maisons sont bardées de bois vernis, des restaurants/bars, des échoppes de fripes à des prix élevés. Pas une auberge. Que des hôtels ou presque. Je m'arrête dans un supermarché pour m'acheter de la boisson et file à l'Office du tourisme. Autant de queue qu'à Bariloche, il y a un monde fou. Les tarifs sont exorbitants. Même un dortoir partagé est plus du double de ce que j'ai payé à Bariloche. Direction le camping juste à la sortie de la ville. Je ne veux pas recommencer une nuit comme celle du dortoir à 8 places. La tente est montée. La douche est excellente. Interdiction de faire du bruit de 0h à 8h du matin. Pas mal. Le camping est très arboré. Beaucoup de clients mais on a de la place suffisante. Pour le wifi, il faut revenir au centre-ville où la connexion publique est gratuite.

Demain je continue la route des 7 lacs vers San Martin de los Andes où je n'arriverai qu'après demain.

Vendredi 20 janvier 2017 - San Martin de Los Andes, la route des 7 lacs

Villa la Angostura est une bourgade très chic. J'ai pu trouver tout de même un petit restaurant avec wifi et un très bon poulet purée. Dodo dans un camping très bien tenu avec de l'herbe sous la tente (ce qui n'est pas si fréquent). Le départ ce matin a été tranquille puisque je dois faire une soixantaine de kilomètres pour atteindre un camping et passer devant 5 des lacs de la route "à faire". Les 7 lacs sont le lac Correntoso, le lac Espejo, le lac Espejo chico, le lac Escondido, le lac Falkner, le lac Villarino, le lac Machonico. Les 10 premiers kilomètres se déroulent sur la route qui mène à la frontière chilienne relativement proche. La suite sera plus compliquée. C'est une route pour ivrogne qui ne fait que tourner dans tous les sens, avec de très nombreuses bosses à franchir, une route évidemment très fréquentée car tout argentin se doit d'avoir fait la "Carretera de 7 lagos".

Le cycliste est globalement assez respecté. De nombreux parkings pour des panoramas sur les lacs, avec de grosses inscriptions pour ne pas rater le tableau. Or, il se trouve qu'une fois sur deux, le panorama est bouché par les arbres qui ont poussé juste de l'autre côté de la barrière du parking. On voit quand même un bout de lac, et grand plaisir est de se faire photographier devant Le panorama même s'il est en grande partie bouché. Le parcours m'a fait penser à cette région des lacs italiens près de Côme. Le soleil est vraiment de la partie aujourd'hui. Je mets ma chemise à manches longues. Mon nez commence à piquer, mes cuisses aussi. Les kilomètres s'enfilent. Les bosses deviennent de plus en plus dures, pentues, longues. Je dépasse trois cyclistes, harnachés comme moi, mais poussant le vélo pieds à terre. C'est vrai que la pente est rude. Vient l'heure de devoir trouver le camping repéré hier à l'Office du tourisme. Surprise : l'entrée du camping est en friche. C'est fermé. Je poursuis tranquillement mais commence à vraiment trouver que l'étape est un peu longue. Pas de camping, pas de maison ... je dois continuer. Finalement, je parviens en haut d'un col d'où une fantastique descente commence : cool jusqu'à ... presque San Martin de Los Andes, car bien sûr, avant d'arriver à la ville, quelques bosses sont encore à franchir. Les cuisses sont chaudes, piquantes.

San Martin de Los Andes est plantée au bord de l'immense lac Lacar. C'est ... pire que Villa La Angostura. Toutes les échoppes sont astiquées, bien polies, aux bois bien vernis. Direction Office du tourisme. La queue. L'employée connaît par coeur les noms, les lieux, les prix des campings, des hostels. Sauf que tout est faux ou presque. Je pointe sur la carte un camping à la sortie de la ville vers San Junin. Je décide d'y passer deux nuits car aujourd'hui a été un peu chaud et fatiguant. De fait, regardant mes repères, je constate que j'ai fait 115 kilomètres avec un peu plus de 1800 mètres de dénivelées positives. De quoi donner un peu de repos au Mulet. Et puis, il faut que je me calme sinon je risque ne pas arriver au bout du nouveau programme ! Le wifi qui doit fonctionner a un débit tellement réduit que je ne peux rien consulter. Je file en ville dans un restaurant pour déguster une milanaise napolitaine bien méritée, et pour laisser un mot sur le tchat indiquant où je suis.

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Andes Argentine Chili 2012 - 2

Mardi 18 septembre 2012

Dans la nuit, j'ai aperçu quelques nuages. Pourtant, la nuit, le vent s'arrête normalement. Le réveil sonne. Dehors, total changement d'ambiance. Le vent n'a jamais été aussi fort. A l'ouest, une grosse barre noire dans le ciel. A l'est, le soleil commence à pointer dans un ciel bleu, limpide. Ca va aller. J'ai encore deux cols à passer puis c'est la descente dans l'après-midi vers San Pedro. J'ai énormément de mal à plier la tente. Je me suis mis dessus toutes les couches chaudes. Pas de petit-déjeuner dans de telles conditions. Il faut avancer. Je suis seul sur ce ruban de goudron. Trop tôt pour voir des camions. La montée devient très très dure avec ces rafales de vent qui me prennent en écharpe. Les barres noires du ciel gagnent. Le soleil va bien nettoyer tout ça ! Pas de problème. La méthode Coué pour garder le moral. Je finis par passer le premier des deux cols. J'ai passé le col F à 4713 mètres. La descente est là mais le vent est tel de face que j'ai beaucoup de mal à avancer en appuyant sur les pédales à 5 km/h. Ca devient dément. Le ciel est maintenant gris-noir en totalité. Le soleil n'est plus qu'une boule comme la lune le soir. Tout évolue très rapidement. Je n'en peux plus. Je ne peux plus avancer. Je pose dix fois mon vélo, et vais essayer de m'abriter dans un creux de terre. Pas une cabane, pas une ruine à l'horizon. Pas un camion, pas une voiture. Je vois maintenant sur le bitume de drôles d'écharpes blanches qui finissent par envelopper toute la montagne autour de moi. Rien de tel dans les Pyrénées ou dans les Alpes. La neige arrive par le bas ! La visibilité devient nulle. Je décide de poser mon vélo au milieu de la chaussée de façon à ce qu'un véhicule passant le voit. Je mets mon poncho fluo orange et me blottis le plus possible dans un maigre creux de terre. Une heure, deux heures passent. Rien. Le grésil est de plus en plus cinglant. Une voiture passe et ... me fait signe avec le pouce levé ... et continue. Un pick up monte. Le chauffeur sera mon sauveur. Guillermo est un guide qui conduit des clients au salar de Tara. Je crois comprendre qu'il redescendra et me prendra très vite. En fait, avec la tempête qui fait rage, il ne pourront pas aller au salar de Tara. Ce sera ma chance. Une petite heure après, la voiture revient. Au même moment, un pick up de la police monte. Je suis sauvé. Le vélo est prestement monté dans le pickup de Guillerùmo. Ca y est, je sors du cauchemar. Je retrouve la descente faite il y a deux ans après le sud Lipez. Le Licancabur est là, énorme. Guillermo se pose au petit pueblo artisanal de San Pedro. Il est passionné d'archéologie. Il ne veut pas d'argent ... Le temps est totalement différent. Ici, le soleil, un peu de vent mais que du bonheur. Trouver une chambre est difficile car c'est la semaine de fêtes au Chili, et San Pedro est plein à craquer. Je retourne à l'hospedaje qui m'avait accueilli il y a deux ans. Tout est plein. Je finis par trouver une auberge pour touristes (alojamiento Casa de Huespedes). C'est 7000 pesos pour une chambre avec possibilité de se faire la cuisine. C'est bon pour quatre nuits. Je pose mes affaires, le vélo, et m'affale sur le lit. Un SMS pour la famille. Je file à la douane pour régulariser ma situation. Change d'argent. Restaurant avec gros plat de lasagnes accompagné de vraie purée et d'un verre de rouge. Retour par la très belle église. Une messe est en cours. J'y assiste après cette mémorable journée. Douce était la pomme dégustée avant de me coucher. Qui a dit que les miracles n'existaient pas ?

Mirador 4587 m - San Pedro de Atacama, 7h30 - 16h, 10 km à vélo, 74 km en véhicule (altitude maximale en vélo : 4713 m)

Mercredi 19 et jeudi 20 septembre 2012

Deux journées passées à récupérer tranquillement. San Pedro est tout à la fête nationale. Grosse évolution depuis deux ans : la bourgade s'étend de plus en plus ; le commerce touristique marche fort. J'ai vu la maison où il y a deux ans j'étais accueilli. Elle a triplé de capacité d'accueil. L'ambiance est toujours très baba-cool. Les gens sont calmes. Les chiens sont toujours aussi nombreux. J'ai entendu beaucoup de jeunes français et françaises (d'âge étudiant) qui se sont installés à San Pedro pour des motifs de qualité de vie et de fantastiques paysages. C'est vrai que c'est unique au monde. Il fait quasiment toujours beau avec un ciel bleu rutilant. San Pedro est à 2500 m et, bien sûr, ne subit quasiment pas les mauvais temps captés par la ligne des volcans là où j'ai biciclété depuis le Paso de Jama à plus de 4000 mètres d'altitude. L'aménagement central de San Pedro est assez bien organisé avec une propreté agréable. Ici, les employés travaillent à la main comme autrefois chez nous : pas d'engins à moteur pour nettoyer les rues, mais des personnes qui balaient avec énergie les rues, ramassent les poubelles. La commune a installé un wifi public sur la place principale de San Pedro. Très agréable pour ceux qui disposent de tablettes ou de petits ordinateurs. De nombreux bancs, de beaux arbres, des terrasses de café ... Revers de la médaille : beaucoup de jeunes et moins jeunes pas très nets, et des chiens nombreux. Car, San Pedro - je l'avais observé il y a deux ans - est la commune des chiens. Tout leur semble permis, et ils sont ... très nombreux mais tranquilous sauf ... la nuit où il doit y avoir pas mal de combats de territoire si l'on en croit les hurlements nocturnes qui, parfois, couvrent la musique. Un petit problème avec les cartes bancaires. Deux banques de retrait mais les distributeurs sont souvent vides et surtout la carte Visa premier ne permet pas de retirer de l'argent à la Banco de la Nacion. Il vaut mieux avoir pas mal de liquidités en poche. Le change est assez variable : j'ai changé entre 425 et 465 pesos pour 1 dollar US. Beaucoup de restaurants, de la nourriture en général bonne parfois de très bonne qualité. Il me semble que les prix sont moins chers qu'il y a deux ans, ou alors je suis plus riche !

Vendredi 21 septembre 2012

Volcan ! Oui ! Aujourd'hui ! J'avais ça dans la tête depuis bien longtemps, un peu comme j'ai fait en Afrique. Il y a au Chili un sacré Lascar (c'est le nom du volcan) qui est en activité permanente, qui se trouve à portée de voiture et de jambes de San Pedro de Atacama, et qui fume en plus tout le temps. Rien de mieux pour me faire redonner du tonus pour aborder la seconde partie de mon périple qui commence ... demain ! Je n'ai pu trouver que la date du 21 septembre pour un départ avec une agence spécialisée de San Pedro. Il faut dire que c'est une montée au cratère très facile puisqu'on n'a que 650 mètres de dénivellation à monter à pied. Le volcan est un stratovolcan donc est explosif, mais il est surveillé en permanence. Pour accéder à la ligne de départ, on est tenu de prendre un 4x4 - même un vélo ne passerait pas. Donc, pour me remonter le moral après l'épisode de la tempête à 4800 mètres qui me fait croire aux miracles, j'ai cherché et j'ai trouvé une excellente agence Cumbres 6000 qui m'a été recommandée par Claudio, un chilien qui a passé 20 ans dans la région de Clermont-Ferrand, et avec qui j'ai pu longuement discuter à San Pedro. Un guide, trois autres touristes payants, un excellent 4x4 qui n'est pas pour une fois Toyota mais Chevrolet, un accueil exceptionnel et la mise à disposition gratuite du client par exemple de chaussures ou d'un sac à dos (pour moi qui n'ai que mes sacoches de vélo), la nourriture, bref un tout compris pour 90 000 pesos (en gros 200 dollars) pour gravir un volcan actif de 5500 mètres. Vendu, j'y vais ... Ce matin à 6h, le beau 4x4 passe me prendre à l'alojamiento où je loge (alojamiento Casa de Huespedes, excellent repère pas cher et très propre où l'on peut se faire la cuisine). Le guide s'appelle Mariano. On charge ensuite la nourriture, un jeune couple et une étudiante en chimie, trois amis de Santiago venus en bus pour Le Lascar. La piste commence après le village de Toconao. On passe le village de Talabre et on gravit une très longue mais facile piste pour le 4x4 (ça secoue fort mais les amortisseurs sont excellents). On monte, monte, les quatre roues motrices assurent ! Camp de base : on petit déjeune, on prend le gros sandwich à la mayonnaise, salade, viande, et on commence la montée, raide comme toujours pour les volcans. Au bout de 15 minutes, l'altitude commence à produire ses effets : l'étudiante s'arrête tous les 20 mètres, mal de tête, puis tête qui tourne. Mariano le guide diagnostique les premiers symptômes du mal aigu des montagne, et lui demande de descendre à la voiture. Il l'accompagne et me demande d'assurer la montée au volcan pour les deux autres. La petite dame du couple devient assez vite d'une blancheur de visage qui fait pâlir. Son mari est en pleine forme. On s'arrête souvent, mais on finit par arriver au bord du cratère. Impressionnant comme souvent. De nombreuses fumerolles fusent de toutes les parois du cratère. Le vent nous est favorable heureusement, sinon ce serait insupportable compte tenu de l'acidité. Très beau, et, comme pour chaque volcan, ce volcan est différent de tous ceux que j'ai vus. Un cratère énorme de l'ordre d'un kilomètre de diamètre, des paliers en forme d'entonnoirs mais on ne peut voir le fond, des fumerolles nombreuses, alignées mais pas toujours, parfois éphémères. On n'est pas inquiet outre mesure. Le guide nous rejoint au bout de quelques minutes, me remercie, et nous finissons par une gentille descente en piquant tout droit vers la voiture tout en bas. Le retour nous ménage une très belle surprise. Le guide nous fait découvrir d'étonnantes structures rocheuses que les photos pourront rendre je l'espère. Retour à San Pedro pour 16h30, donc circuit assez rapide, pour prendre une bonne douche ... écrire un peu sur le site. Bonne journée pour le cycliste qui a vu que les effets de l'altitude ont été totalement gommés par les longues journées à plus de 4000 mètres de la première partie du parcours, et, pour la nième fois, on a encore demandé quel âge j'avais pour faire tout ça. Bref, après la retraite, peut-être voudrait-on me mettre le doigt sur autre chose ? En fait, ce sont des jaloux, non ?

Je reprends le vélo demain samedi pour le retour vers Salta par le passage frontalier au Paso Sico. Encore quelques bosses. Par sécurité, j'ai supprimé le décrochage par la laguna Miscanti pour me donner un jour de battement de plus car je dois avoir plus de 200 km de pistes non goudronnées. Pas d'inquiétude si je n'écris plus avant le retour à Salta car je vais retourner dans une zone sans possibilité de connection. J'essaierai tous les jours d'envoyer des SMS a la famille et Thomas fera une News sur la page d'accueil lorsqu'il recevra un SMS mais je ne garantis rien pour les SMS : tout dépendra du réseau.

(les textes des jours suivants ont été écrits à l'arrivée à Salta à partir des notes prises chaque jour sur mon carnet)

Samedi 22 septembre 2012

Ouverture à 8h de la douane. Il faut tamponner la sortie du Chili ici à San Pedro de Atacama, sinon ils refoulent à la frontière au Paso Sico, et il y a ... plus de 150 km à se refaire à l'envers ! Il y a déjà plus de 30 personnes en attente, des transporteurs routiers pour l'essentiel qui passent la frontière au Paso de Jama et non au Paso Sico. On comprendra pourquoi dans les jours qui suivent. Il fait froid, tout le monde est encagoulé. Je commence à discuter avec un des tout premiers de la file d'attente, un chauffeur plutôt gentil et qui, au bout d'un moment, comprend que je veux lui demander de me laisser passer. Le policier arrive vers 8h15. Il est pressé de salutations. Apparemment, il est ... connu. C'est un jeune. Le tampon ne pose pas de problème. Je lui dis bien que je passe le Paso Sico dans quatre jours. Il est plutôt étonné que je veuille faire cela en vélo. Je comprendrai bien pourquoi ... dans les jours qui viennent. La route de Toconao est toute droite. Je la connais pour l'avoir remontée il y a deux ans. Du goudron magnifique. Que ça dure ! Mais plus de trace des cadavres d'ânes très nombreux vus il y a deux ans. Pas âme qui vive sur cette route de 39 kilomètres. Certes, c'est tôt mais ... je comprendrai pourquoi plus tard, les gens optent pour le Paso de Jama. A 25 kilomètres de San Pedro, le désert est coupé par une très belle barrière végétale : une beau boisement longiligne. Une nouveauté : Toconao est annoncé par de très beaux panneaux laissant entendre un village à visiter absolument. En réalité, l'entrée au village se fait toujours par le passage devant un ensemble bâti de la police mais, après, c'est un amas de bidonvilles puis le franchissement un peu délicat d'un énorme ravin qui donne accès à ce qui semble être le nouveau Toconao avec ... un superbe stade aux tribunes couvertes. La route continue, toujours aussi déserte. On laisse la bifurcation vers Talabre (le village près duquel se trouve le volcan Lascar gravi la veille). J'ai l'impression que cette route du Paso Sico est beaucoup moins emprunté par les véhicules que celle du Paso de Jama. Je longe pendant de très longs kilomètres le salar d'Atacama. La route devient en travaux pour "volcanisme". On fait un énorme busage sur lequel passera la nouvelle route. En attendant, une grande déviation est faite, en terre bien sur. Je me dis que le vélo doit s'affranchir de cette déviation. Gagné mais de justesse. Le passage des énormes buses est de la dimension des deux roues. Toujours le désert total et au plan paysager et sur la route. Il ne faudrait pas tomber en panne ! Des exploitations se font jour sur le désert d'Atacama, de sel mais aussi de lithium (panneaux). La montée des 30 derniers kilomètres vers Socaire est rude sous le soleil. Un plan de développement de l'agriculture est en cours avec la captation de sources d'eau et la création de bassins de rétention d'eau d'où serpente un réseau de canaux empierrés alimentant des cultures en terrasse. A l'entrée de Socaire, un hospedaje la Casa de Huespedes, un peu comme à San Pedro de Atacama. D'un bel aspect extérieur, tranchant bien avec le reste des habitations du village, je tombe sur un couple de gérants fort aimables. Je demande deux oeufs au plat avec une bière. L'intérieur de la salle commune est vraiment très propre avec une petite fleur dans un verre d'eau sur chaque table. La chambre, l'accès à une salle de bain commune avec douche chaude, le dîner, le petit-déjeuner, les oeufs et la bière font 18200 pesos soit un peu plus de 30 euros. Mais ... il faut que je prévois la nourriture pour les jours à venir sous tente. Contrairement à toute attente, il n'y a quasiment rien de disponible à acheter. C'est la surprise et ... un peu l'angoisse. Une première alimentation est fermée. La propriétaire, malgré mes demandes, ne daigne même pas lever les yeux et refuse de me vendre quoi que ce soit. A la deuxième alimentation, je trouve trois pommes mâchées que nulle part on ne vendrait, deux boites de thon, deux bouteilles d'eau, une bouteille de Coca, un petit paquet de biscuits pour ... 8000 pesos tout ronds (environ 15 euros !). Point intéressant : l'ancienne chapelle du village toute tordue est superbe. Mais l'ordonnancement du village, très longiligne de part et d'autre de la route, révèle une probable grande difficulté des gens de ce village à s'accorder sur une vision commune du développement de Socaire qui pourrait être une base touristique essentielle de ce secteur de l'Atacama, aux grandes richesses comme on le verra dans les jours suivants.

San Pedro de Atacama - Socaire, 92 km, 8h15 - 16 h, + 1114 m - 217 m (altitude maximale en vélo : 3274 m)

Dimanche 23 septembre 2012

Je pars de Socaire un peu angoissé car Socaire est le dernier village avant le Paso Sico, la frontière avec l'Argentine, à deux nuits de tente. L'asphalte s'arrête à Socaire. Après, c'est de la bonne piste d'après ce que l'on m'a dit. Mais si c'était de la bonne piste, pourquoi cette absence de trafic d'autant que le passage le plus haut est 300 mètres plus bas que celui de l'itinéraire par le Paso de Jama ? C'est vrai que la piste est très bonne à la sortie de Socaire. C'est de la terre compactée avec du sel comme j'en ai trouvé de nombreuses fois lorsque je suis "descendu" vers Santiago du Chili il y a deux ans. Il fait frais ce matin après ce petit-déjeuner bien sympathique pris aux aurores avec une excellente confiture de cerises un peu trop cuites qui lui donne une saveur "tatin". La piste est roulante, montante. Toujours pas âme qui vive. Le paysage devient très coloré, un peu comme ce qu'on trouve en Bolivie. La piste salée laisse la place à la piste en terre/sable classique. Tiens ! une ligne à très haute tension avec des formes de pylônes assez originales (les pylônes sont montés sur un seul point d'appui mais élingués en carré). Trois cols sont franchis à 4040 mètres (col J), à 4089 mètres (col K), à 4137 mètres (col L). La piste a été très bonne pendant 25 kilomètres puis c'est de la tôle ondulée durant 40 kilomètres. Vue surprenante sur l'entrée du Salar Aguas Calientes depuis le dernier col avec comme premier plan ... la ligne THT. Sublime évidemment en faisant abstraction de cette structure artificielle. Les cables de la ligne sont marqués de boules rouges. Entre les boules, la lune en plein jour. La descente au Salar est ponctuée par quelques visions de vigognes, peu farouches. Le vent a commencé à pointer son nez il y a quelques heures mais il reste supportable car, cette fois-ci, plutôt favorable. Où poser la tente ? A l'abri du ... vent si possible. Mais, aucune ruine, aucun mur, aucun refuge, aucun rocher n'est suffisamment important pour faire office de coupe-vent. Je finis par positionner mon abri de toile derrière un ensemble de rochers en pleine vue du Salar Aguas Calientes. La tombée du jour sera belle ce soir ! Au menu, ... du lyophilisé, pas très appétissant car sans trop de goût. Et pourtant, il faut que je m'alimente un peu n'ayant rien mangé de la journée.

Socaire - Salar Aguas Calientes, 65 km, 8h - 15 h, + 1077 m - 413 m (altitude maximale en vélo : 4235 m)

Lundi 24 septembre 2012

Que ça caille ! Tout est gelé. J'avais pourtant pris soin de mettre la bouteille de Coca et la bouteille d'eau dans la tente. Des glacons ! Je me passerai du petit-déjeuner. Pas envie de mettre le réchaud en route. Le soleil arrive assez vite. La tente a pu être pliée. Ciao les flamants ! La piste est ... dure, cassante, sablonneuse, glissante ... 33 kilomètres ainsi jusqu'à El Laco, un ensemble de bâtiments pour mineurs. Je ne m'arrête pas car je sais que je ne céderai pas à la tentation de me poser là. Or, le chemin est encore long. Le vent est présent depuis quelques heures. Je plante le vélo plusieurs fois. Puis, le vent le fait tomber tout seul alors que je buvais un coup de Coca. Le moral n'est pas terrible. Piste horrible avec tôle ondulée, cailloux pointus, sable imprévisible. Un pick up me rejoint, s'arrête. Les deux occupants sont inquiets pour moi. Quelle tentation cette caisse à l'arrière qui est vide et qui serait un endroit idéal pour reposer le Mulet. Mais non, je réponds que ça va ... Les deux cols M et N sont franchis respectivement à 4077 mètres et à 4570 mètres. Très belles lagunas Tuyato et et Sico, celle où se trouve le poste de carabiniers chiliens. Car, malgré tout ... j'avance. La piste de descente sur le poste de police est caillouteuse à souhait. Un jeune policier me demande les papiers. Je lui dis en rigolant que c'est mon anniversaire. Pas un geste de compassion. Je pensais pouvoir trouver un abri pour la nuit dans un recoin du poste de police. Au diable, là-bas à 500 mètres entre deux conteneurs, ce sera, d'après ce que me dit le bipède chapeauté en uniforme, un excellent abri contre le vent. Heureusement, le soleil est encore là. La tente sera secouée toute la nuit comme on secoue un prunier. L'effet Venturi ... j'aurai dû m'en douter. Nouvel épisode de lyophilisé : non, ce n'est vraiment pas appétissant, et pourtant ... il faut s'alimenter un peu quand même !

Salar Aguas Calientes - Carabiniers chiliens, 52 km, 8h25 - 14h30, + 682 m - 354 m (altitude maximale en vélo : 4570 m)

Mardi 25 septembre 2012

Très froid encore ce matin. Coca et eau pourtant dans la tente font des icebergs ! La reprise vélo est dure sur une piste toujours aussi dure. Mais la frontière est bientôt là. Peut-être que côté argentin ce sera plus sympa ! Je franchis le col O à 4452 m. Le paysage est toujours exceptionnel : paysage de haute altitude sans un poil de vie apparente, mais un éclairage fantastique que seuls peuvent apprécier les lève-tôt. Curieusement, ledit Paso Sico (4079 m) n'est pas à proprement parler un col. La frontière se franchit sur un grand plat. Le poste douane/police argentin est 15 kilomètres plus loin à 3822 m. C'est un énorme ensemble bâti à l'intérieur luxueux. Douaniers et policiers semblent faire bon ménage. Pas une seule voiture ni camion aujourd'hui. Au total, depuis quatre jours sur cette "route internationale" un seul véhicule ! Dur, le travail des fonctionnaires ! Ils sont un peu plus sympas que les policiers chiliens d'hier. Ils me donnent deux litres d'eau et me disent de ... filer ! Il faisait pourtant bon dans ce beau bâtiment chauffé ! Deux directions possibles : soit rejoindre Olacapato par une nouvelle piste avec branchement sur la droite, soit rejoindre Catua par l'ancienne piste avec branchement à gauche. J'avais prévu de coucher à Catua, ce petit village minier où, normalement, je dois pouvoir trouver gite, couvert et alimentation. La piste est à peine meilleure. La tôle ondulée, les cailloux, le sable mou sont toujours là. Un nouveau petit col (col P) est franchi à 3977 mètres après 15 kilomètres depuis le poste de police, puis j'arrive assez rapidement au village minier. Village assez imposant, très étendu, une église à la peinture extérieure provocante, des habitants qui se cachent. Trouver une alimentation est ma première préoccupation. J'achète du coca, puis je demande deux oeufs. Deux petits vieux, des frères, me prennent en charge et me conduisent dans un labyrinthe qui aboutit sur un tronc d'arbre qui sert de chaise au pied d'une caisse renversée qui sert de table. J'ai trop faim. En guise d'oeufs, on m'apporte une plâtrée de riz avec quelques millimètres de viande. Je demande une bière. Un litre m'est apporté avec trois verres. Je comprends vite que je dois partager le super brevage. Un verre fini d'un seul trait ... pas par moi mais par mes convives. Je remplis à nouveau - au diable l'avarice - et il me reste a peine de quoi boire la moitié d'un verre. Le tout pour 45 pesos. Une chambre ? Bien sûr, avec douche chaude, me promet-on. Les deux frères me conduisent à ce qui est considéré comme un hospedaje. Un dortoir, un lit avec des draps propres, la douche dans un réduit crasseux, avec les toilettes et une poubelle pleine à ras bord. Eau chaude, si, si, dans une heure ! Bien sûr, j'attendrai l'eau chaude qui n'arrivera jamais. Pour la chambre sans petit déjeuner, c'est 25 pesos. Pour la douche, on me demande 15 pesos. Je dis au monsieur que je suis français pas américain, que le prix de la "chambre" inclut toujours la douche. Il n'insiste pas. Je suis trop fatigué, je me couche quelques quarts d'heure. Un des deux frères me propose le repas du soir, du poulet pomme de terre pour 15 pesos. Bien sûr, j'accepte. A 20 heures. De acuerdo ! La nuit arrive, le village devient un peu fantomatique. 20h15, toujours pas de poulet. Je retrouve le labyrinthe qui me conduit chez les deux frères. Ils discutent autour d'une bouteille de ... bière. Me voyant, le plus ancien bondit vite et comprend ce que j'attends. Il se lève et ... titube, sort et va chercher le ... poulet. Cinq minutes passent, dehors, nuit noire. Je file à mon dortoir pour attendre le précieux aliment. Un quart d'heure passe. Toujours rien. Je repars faire le labyrinthe et retrouve le frère aîné ... assis autour dune table discutant autour d'une nouvelle bouteille de bière. En me voyant, le titubant se redresse et ... file dehors dans la nuit noire pour chercher le ... poulet. Même scénario : je file à mon dortoir. 15 minutes plus tard, toujours pas de poulet. Je reviens et hausse le ton : ils discutent toujours autour de la bière blanche. Excédé, sentant que je ne mangerai pas ce soir, je sors en les maudissant. Il me reste à trouver une solution. Je vois une lumière. Je tape au carreau et demande du ... poulet ! La brave dame a pitié et finit par me proposer, dans un quart d'heure, du steak de boeuf avec des frites. Bien sûr : de acuerdo ! Et là, ce fut la bonne. Un quart d'heure après, elle me portait dans mon dortoir un excellent et copieux steak frites. 15 pesos. Muchas gracias ! Il avait fallu que dans ce village perdu, je tombe sur les poivrots du coin ...

Carabiniers chiliens - Catua 62 km, 8h15 - 16h, + 340 m - 715 m (altitude maximale en vélo : 4452 m)

Mercredi 26 septembre 2012

Réveil à 7h30. bonne nuit sans douche chaude. Petit déjeuner chez la brave dame d'hier. Tout est propre chez elle. Une vraie table avec une vraie chaise. Café-lait avec pain et pâté. Le mari m'indique la piste pour Olacapato : pas de problème, ça monte un peu au début puis ça descend toujours. A peine 40 kilomètres. Confiant, je file, le soleil levant en plein dans les mirettes. En fait, ce sera la plus mauvaise piste que j'aurai franchie ! Et pourquoi croyez-vous donc cher français cycliste que l'on fit la nouvelle piste pour rejoindre Olacapato depuis la maison des policiers/douaniers ? En bon basque, il a fallu que je choisisse le mauvais côté. Infernal cet espèce de magma sableux pendant les 20 premiers kilomètres. Et ça montait en plus. Je poussais le vélo très souvent par la force des choses car le sable était mou. Une seule voiture 4x4 vint de face. Le chauffeur me dit que la piste est ... de l'autre côté parce que celle-la est trop difficile. Il me donne un verre de jus d'orange. Quelques lamas observent cet espèce de bipède qui marche avec des roues. Un vrai col oublié est franchi à 4310 mètres. Puis, descente ... ouf ! le salar de Cauchari est en vue. Je le traverse. Que c'est agréable une piste salée. Mais ... le cauchemar continue après. Je finis par rejoindre la nouvelle piste. Là, ... des camions, des voitures, des motos, mais en petit nombre, semblent sortir de nulle part et rejoignent Olacapato dans des nuages de poussière. Tiens, des rails ! C'est la voie ferrée du Train des nuages qui, aujourd'hui, n'est plus utilisée qu'une fois par semaine de Salta jusqu'à San Antonio de los Cobres - où je serai demain - par les touristes. Je pousse très souvent le vélo et finis par voir poindre les maisons d'Olacapato. Village de mineurs encore avec de l'or, du borax, du cuivre, du lithium. Une grande et belle école accueille 70 élèves. Son directeur me propose d'envoyer un message par internet. Bonheur de pouvoir dire où je suis par liaison satellite - le téléphone ne passe toujours pas. Un hospedaje m'accueille avec une vraie douche. Que buena ! Bonne nourriture ... j'en avais bien besoin. Je décide de chercher un véhicule pour me monter au col prochain à 4550 mètres durant les 30 kilomètres de piste de sable demain. La journée a été trop dure aujourd'hui.

Catua - Olacapato, 49 km, 8h15 - 17h, + 352 m - 394 m (altitude maximale en vélo : 4310 m)

Jeudi 27 septembre 2012

Le petit-déjeuner, c'est juste du pain sec et un peu de café au lait. La voiture pour les 30 kilomètres de montée au col, c'est 100 pesos. Je n'ai pas le choix. Un seul véhicule possible, et ... quel véhicule ! une "camionnette" comme l'appelle le directeur du collège. En fait, un 4x4 hors d'âge où tout est métallique, même la planche de bord. Un énorme moteur à essence qui fait ... solide. Le moteur ronronne comme un chat enrhumé. Au moins un bon huit cylindres ! L'heure promise était 9h30. J'ai attendu jusqu'à plus de 11h. La montée au col s'est faite sur cette foutue piste sableuse. Bien m'en a pris de prendre un véhicule. Deux cyclistes descendant poussaient leur vélo les pattes au sol ! Arrivés au col, le chauffeur me propose de me conduire directement à San Antonio de los Cobres. J'hésite fort. Mais ... non. Point trop n'en faut. La descente semble faisable à vélo. Adios ! Beau soleil, beau paysage. La descente se fait sur une piste de plus en plus dégradée mais au moins ça passe sans mettre pied à terre. De nombreux engins de travaux publics essaient d'aplanir un peu les passages. Descente de 28 kilomètres. Aucune habitation mais de très belles ruines tout en pierres avec des astuces de construction assez belles. A n'en pas douter, il y a eu là un artisan talentueux. L'arrivée à San Antonio de los Cobres se fait en passant sous un énorme viaduc ferroviaire du Train des nuages. Sur les conseils judicieux de précédents voyageurs, je file à l'hospedaje Sumaq Samay. Excellent accueil de Nabor, l'homme au prénom mondialement unique m'a-t-il dit. Impeccable de propreté ! Quel changement ! Digne d'un bon hôtel. Certes, la salle de bain est commune, mais il y a tout pour être "tranquilo" comme dit Nabor : possibilité de se faire la cuisine, internet gratuit, petit-déjeuner. 75 pesos. On y resterait la semaine ! A recommander fortement. C'est le meilleur rapport qualité/prix de tout mon périple. Demain, normalement, je vais retrouver l'asphalte. Good, good !

Olacapato - San Antonio de los Cobres, 30 km en voiture, 45 km en vélo, 11h - 16h, + 600 m (voiture) - 800 m (altitude maximale en vélo : 4550 m)

Vendredi 28 septembre 2012

Impeccable le Nabor ! Soigné comme un milord ! A 7h30 pétante, le petit-déjeuner est servi dans une pièce chauffée avec une douce musique. Tranquilo ! Café au lait, dulce de leche, beurre, pain. Il manque juste le jus de fruit. Piste encore pendant 28 kilomètres. Ca monte dur mais l'espoir de trouver bientôt l'asphalte me donne des jambes. Quelques poussées vélo. On suit la voie ferrée souvent. Le col R n'est pas à 4096 m mais à 4200 m. Et ... la piste se termine brutalement. Goudron, que tu es bienvenu ! Abra blanca, un col que je n'avais pas prévu à 4100 m. Un vent à décorner les imbéciles ! Une brave dame tout encapuchonnée propose des bonnets à vendre. Qui voulez-vous qui s'arrête là ! Mon vélo tombe tout seul sous les coups de boutoirs d'Eole. Vite, dégageons ! La descente est splendide. Cette vallée du Rio Toro est magnifique par les formes de la montagne et les couleurs. Arrivée à Santa Rosa de Tastil. Beaucoup d'étals de bibelots artisanaux. J'ai faim. Dans un réduit tout noir, un jeune me sert des spaghettis avec une sauce, un verre de vin rouge, pour 26 pesos. Que c'était bon. Il manquait une peu de rappé de parmesan ou, à la rigueur, de gruyère ... Pas de possibilité de chambre. Je file plus bas. Alfarcito est une sorte de station à la fois pour touristes mais aussi pour un collège catholique qui accueille autour de 100 élèves qui viennent des alentours. Belles constructions modernes qui font la part belle au solaire. J'y ai vu même des murs passifs qui emmagasinent l'énergie pour la restituer à l'intérieur. Très belle petite chapelle. C'est un lieu-dit très prisé des autocaristes. Quelques lamas cabotins. Sympa le lieu. Je trouve une chambre chez les maîtres des lieux, une famille qui a fait don des terrains pour construire le collège religieux. Tout est un peu sommaire mais très authentique. La famille m'accueille pour le repas du soir, très typico, dans une pièce qui sert à tout. Chauffage par une cuisinière qui brûle du bois de cactus. L'Ancien est là, 82 ans, très admiré de ses enfants. Il a du sang de condor, m'ont-ils dit.

San Antonio de los Cobres - Alfarcito, 75 km, 8h05 - 15h, + 472 m - 1387 m (altitude maximale en vélo : 4200 m)

Samedi 29 septembre 2012

Petit-déjeuner prévu à 7h30. Tout le monde dort ! La Señora finit par sortir son bonnet, tape aux différentes portes pour réveiller son monde. Un quart d'heure après, l'Ancien pointe le nez. C'est finalement lui qui me préparera le petit-déjeuner. Pas grand chose : café avec du pain sec. Je pars en descente tranquillement vers Campo Quijano, la porte de sortie de mon tour Salta/Salta. De la vraie route ! Tout est tranquille, la vallée est bardée de boisements de cactus. Au bout de 30 kilomètres, horreur ! de la ... piste ! Oui, un dernier morceau de 25 kilomètres. Quel morceau ! La piste serpente dans une partie étroite de la vallée du Rio Toro. Le paysage est très beau avec de temps à autre des éclairages de couleurs magiques sur les flancs érodés de la montagne. L'éclairage en biais souligne des formes géométriques assez uniques. Je croise et recroise la voie ferrée. Aujourd'hui samedi, le train devrait circuler mais il y a eu un problème de machine, alors ! C'est la tornade blanche quand les bus, les camions remontent la vallée. Peu consentent à ralentir leur allure à mon passage. Toujours la piste. Un très beau viaduc ferroviaire barre la vallée. Un morceau de goudron, c'est la sortie de la piste ! ... Non, pas encore. 10 kilomètres avant l'arrivée à Campo Quijano, brutalement le goudron bienfaisant est là ! Finie la galère. La petite ville est un un peu bizarre pour l'étranger. Pas d'information sur les possibilités de logement sinon une indication policière pour un camping tout proche, et une totale ignorance de la tenancière du camping qui ne me propose qu'une place pour la carpa (tente). Je trouve une chambre, mais dans une pièce où tout est noir, pas très propre pour 90 pesos. Pas question. Je finis par trouver une très belle chambre avec un grand lit et tout le confort pour 100 pesos. C'est vendu. Ouf ! Curieusement, alors qu'on n'est qu'à une quarantaine de kilomètres de Salta, les deux cybercafés ne permettent pas l'accès a la messagerie : problème de fin de réseau, m'a-t-on dit. Une grosse et ancienne et authentique machine à vapeur du Train des nuages est exposée en centre-ville.

Alfarcito - Campo Quijano, 76 km, 8h - 12h, + 86 m - 1319 m (altitude maximale en vélo : 3000 m)

Dimanche 30 septembre 2012

C'est le bout ! Après une très bonne nuit - l'altitude doit y faire - départ au soleil avec une banane. Les vêtements chauds restent de mise. La route est certes goudronnée mais devient un peu dangereuse car étroite avec une circulation qui n'est plus nulle. Mon esprit divague un peu pensant aux bonnes choses que je vais pouvoir maintenant avaler. Hier soir déjà, ça a bien commencé avec des pâtes, de la sauce, du gruyère rappé, et un bon verre de vin rouge. Ne relâchons pas l'attention, mon cher Mulet. Hier déjà, il m'a donné des signes de lassitude avec des craquements de chaîne inquiétants. Pourtant, il a bénéficié d'une chaîne toute neuve, de pignons et de plateaux rutilants ! Mais ... peut-être les quelques 280 kilomètres de pistes poussiéreuses ont-ils fatigué ses crocs ? On est à 1500 m d'altitude. La respiration est redevenue normale. C'est la campagne, verte, avec des élevages de bovins, de chevaux. Pas trop de cultures. Les abords de Salta pointent du nez. Une grande station-service. C'est l'heure du nettoyage du Mulet. Impossible de le présenter tout blanchi de poussière. La Casa de Borgoña m'interdirait l'entrée. Un seau, une serpillère, de l'eau chaude avec un peu de produit. Ouaouh ! Du coup, vélo et sacoches sont à la même enseigne : à l'eau ! 10 kilos de moins ou presque. Tout léger, je fais trois fois le tour de la ville avant d'arriver rue d'Espagne. Il est 11h. Je me pose devant la belle porte ancienne en bois de la Casa de Borgoña. Je sonne. Aude et Sebastien viennent m'accueillir, contents de me retrouver ... vivants, m'ont-ils dit. Sympas, non ?

Campo Quijano - Salta, 37 km, 8h - 12h, - 254 m (altitude maximale en vélo : 1664 m)

30/09/12: La boucle est bouclée! Il est de retour à Salta

Vendredi 5 octobre 2012 : De retour à Eysus avec vélo et sacoches grâce à Ross et à Cécile, son épouse, qui sont venus me cueillir hier à l'aéroport de Barcelone, et qui m'ont fait découvrir la sierra de Monsant à environ 80 km au sud de Barcelone, un havre de paix, de confort et de bonne chère (excellent hôtel-restaurant).

Et si je faisais un premier bilan ...

De tous mes voyages à vélo, c'est le plus engagé qu'il m'ait été donné de faire. Non pas physiquement (il suffit de trouver le bon réglage de vitesse pour faire monter le bonhomme et les quelques 50 kg de vélo/bagages), mais mentalement du fait de l'ensemble des éléments de risque qui étaient réunis : l'altitude avec 12 journées de pédalage à plus de 4000 mètres (5 consécutives dans la première moitié du parcours, 6 consécutives dans la deuxième moitié) avec 16 cols franchis dont 15 à plus de 4000 m avec un maximum à 4830 m, l'absence de possibilité de ravitaillement imposant par précaution un minimum de trois à quatre jours de réserve d'aliments et surtout de liquide (12 litres mais, à l'expérience, c'est deux fois trop), l'inconnue de la météorologie locale (s'engager à plus de 4000 m pour 3 jours de vélo sans aucun refuge, aucun abri autre que la tente) qui, comme je l'ai vécu, aurait pu me jouer un sale tour avec la tempête subie, la qualité des routes (très bonne pour la première partie par le paso de Jama, souvent très difficile dans la deuxième partie par le paso Sico avec 281 km de pistes réellement faites à vélo + 30 km de pistes faites avec un 4x4). Ceci sans compter qu'il faut veiller en permanence à ne commettre aucune faute compte tenu qu'on est seul (vélo en parfait état et mené avec douceur, éviter les chocs et les chutes, anticiper les évènements (notamment avec les véhicules rencontrés), rester très modeste face aux envies (éviter d'aller au-delà des traces car certaines portions de terrain sont minées parait-il). Bref, toujours rester lucide et anticiper (froid, manque d'oxygène, surprises de toute nature). Au total, un sacré morceau (ceux qui ont fait la boucle complète à vélo Salta/Salta par Paso Jama et par Paso Sico ne doivent pas être légion). Un excellent souvenir : le volcan Lascar.

 

Une curiosité : un impact de météorite ?

Voilà ce que j'ai pu observer après avoir gravi le volcan Lascar : une forme circulaire quasi parfaite que l'on repère bien sur Google Earth. Je ne résiste pas à mettre ici photos et coordonnées.

J'ai interrogé des collègues sur l'origine de cette forme circulaire :

"J'ai localisé le cratère. Il est 60 km au nord de Monteraqui. Il a une "bonne tête", mais il y a beaucoup de volcans dans le coin ... Il faudrait l'échantillonner pour savoir ce qu'il en est. Si c'est un nouveau cratère, c'est excitant ! Causé par le même bolide que Monteraqui ?" (Professeur Matthieu Gounelle, Laboratoire de Minéralogie et Cosmochimie du Muséum National d'Histoire Naturelle)

"Impressionnant !! Dommage que tu n'aies pas pensé à ramener un échantillon de roches, car, en géol, il est finalement assez simple de reconnaitre un impact météoritique car on y retrouve des minéraux particuliers marqués par la violence du choc (mais en vélo !!!). En tous cas, son état de conservation est magnifique ; il est peut-être très jeune quoique le climat de l'Atacama est parfait pour conserver ce genre de formes." (Professeur émérite Jean-Jacques Lagasquie, géographe, Université de Pau et des Pays de l'Adour)

"Concernant le supposé point d’impact, il y a au voisinage en liaison évidente avec lui, un champ de roches noires (laves ou blocs épars), dont la disposition quelconque n’évoque pas un épandage issu d’une collision (que l’on supposerait plus ou moins rayonnante). Aussi me suis-je posé la question de savoir si la forme parfaite observée n’était pas le résultat d’une «éruption phréatique», ayant produit quelques coulées.. Par analogie avec un autre édifice subcirculaire que je connais. Ceci, pour ce que je crois savoir, supposerait un processus plus ou moins explosif à proximité de la surface, localisé, dans le contexte d’un épisode éruptif plus large. Par contre, on voit bien à la périphérie immédiate de la dépression un rempart (noir) formant liseré continu, tel qu’en construirait un impact. Un astroblème est habituellement confirmé par la présence dans les débris du minéral coesite, qui est (comme le quartz) une forme de silice mais de haute pression. La coesite peut être détectée sur échantillons dans un laboratoire de minéralogie équipé d’une chambre d’analyse aux rayons X." (Professeur émérite Michel Clin, géologue, Université de Bordeaux)

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Pérou 2010 - 2 (suite)

Samedi 1er mai 2010 : Toute la nuit, la tempête a sévi, et la pluie n'a pas cessé. J'ai opté pour du camion-stop pour sortir de la tempête. Le matin à 5h mes affaires étaient prêtes, le vélo harnaché des sacoches. Quelques camions se sont arrêtés pour un petit café. Et finalement, je n'ai pas eu de mal à me faire conduire jusqu'à 20 km en aval de Abancay soit durant 250 km. Durant ce trajet dans un 48 t, le vélo était à l'air libre, les sacoches aussi. Tout a continué à prendre la pluie, la grêle, la neige (la route était tout le temps à plus de 4000 m). On ne voyait presque rien du paysage. Je n'ai regretté qu'une superbe et longue descente que le camion a descendu à 20 km/h maximum. Vers 15h30, j'étais de nouveau sur le vélo. J'étais dégagé de cette souricière. J'ai pu trouver un hôtel correct pour me remettre un peu de ces trois jours. Finalement, il y a un petit défaut d'organisation quand on veut être autonome : il faut du change, mais lorsque le change est lui-même mouillé et que rien ne peut sécher, on est un peu pris au piège de devoir se faire aider ou acheminer si l'on veut garder un peu de force et ne pas être malade puisque ... ca continue ! Mais le Pérou a sacrément besoin d'avoir de bonnes et justes cartes !

Camion 250 km et vélo 25 km Refuge 4100 m - Abancay

Dimanche 2 mai 2010 : Abancay est perché à 3300 m. Hier, après le camion-stop, j'ai grimpé les 20 derniers km pour l'atteindre. Hôtel correct, reposant, surtout après la très spéciale nuit précédente. Je suis parti assez tôt car Abancay est tout en pente directe, avec le petit pignon et le petit plateau ... et cela a duré jusqu'à 13h. Pénible d'avancer encore et toujours à 5-6 km/h. J'ai croisé un cycliste du coin qui m'a accompagné sur quelques km. La pluie de la nuit avait dégagé le ciel, et laissé voir un très beau "névé permanent" comme ils disent ici. Paysage ressemblant un peu à ce que l'on peut voir à La Réunion avec les villages en balcon et la montagne qui se referme derrière, et qu'il faut franchir. Pente donc raide mais route toujours bien tracée. La fatigue commençait à se faire sentir, donc boire, et ... manger un peu parce que l'on n'a pas faim. Passée la crête vers 3800 m, je plonge (enfin !) sur une autre vallée qui aboutit au village de Curahuasi où je loge ce soir dans un hospedaje. Magnifique descente plein pot avec des couleurs de paysage assez étonnantes du fait des cultures pratiquées. On change complètement de climat : très chaud et sec. Je me suis arrêté à 15h à ce village pour être à peu près sûr de me reposer car ... les inconnues sont de taille : au lieu des 90 km prévus, j'en ai encore 140 avec passage de la route à 4500 m. Le village est à 2650 m ... Donc, demain encore, un gros truc à faire. Cusco la désirée ne sera au mieux que pour après-demain.

Abancay - Curahuasi 72 km, +1630 m, - 1245 m, 6h30 - 15h30

Lundi 3 mai 2010 : Atteindre Cusco était l'étape qui me faisait un peu peur d'abord vu l'incertitude du kilométrage - et surtout des altitudes à franchir - ensuite parce que la veille au soir (2 mai), le cycliste était ... assez malade, probablement d'avoir bu une excellente boisson au citron mais aussi probablement faite avec de l'eau pas facile à supporter pour un estomac d'européen : mais c'était tellement bon ! Le soir, je m'étais promis de bien manger avec une superbe truite ... j'ai presque tout laissé. Le matin du 3 mai, je suis un peu patraque. On frappe à ma porte de chambre de l'hospedaje avec "Andres" : surprise ! C'était un géomètre que j'avais rencontré la veille au soir. Il me proposait de m'embarquer avec le vélo sur 50 km pour me faire gagner du temps. C'était la providence qui me l'envoyait ! Après hésitation, mais vu mon état physique pas encore rétabli, j'accepte. Cela me fit gagner un peu de temps mais pas d'altitude car on n'a fait que descendre. Il me déposa ... au pied de la montée ! Elle fut rude comme vous pouvez l'imaginer, très rude, très très rude ... à 4-5 km/h soit à peu près la vitesse de marche. Mais ... tout a une fin. Je passe le point le plus haut, et je bascule dans une nouvelle vallée, plus chaude plus protégée, avec une superbe descente. Que c'est bon quand on en a bavé pendant des heures à 5 km/h. Et là, miracle, une banane, de la boisson ... bonne, en bouteille cette fois-ci (coca éternel), de superbes paysages encore, et le bonhomme a repris des couleurs, de la forme. Je voulais coucher avant Cusco mais finalement j'ai encore pédalé, monté des pentes et ... j'ai téléphoné à Arnaud, le français qui m'avait été recommandé à Lima : il pouvait me recevoir le soir même. J'appuie donc un peu plus sur les pédales et arrive à la pénombre à Lima, Plaza des Armas. Là, je suis accosté par un jeune couple français qui avait fait le tour de l'Amérique du Sud en tandem. Puis accueil chez Arnaud ... un régal.

Ca y est, je suis sorti de cet itinéraire terrible, de Nazca à Cusco. Comme Dominique me l'a recommandé, je vais rester trois nuits à Cusco pour me refaire un peu. Mais ça va déjà beaucoup mieux. Peut-être faut-il que je repense mon itinéraire en transformant le marathon continu en un voyage un peu plus intelligent sans être après la course au temps. On va réfléchir ... et visiter le vieux Cusco ainsi que, si possible, Machu Picchu.

Curahuasi - Cusco 50 km camion et 84 km vélo, +1860 m, - 1165 m, 8h - 17h

Mardi 4 mai 2010 : Passer une journée autour de la Place des Armas à Cusco à flâner, visiter la très belle cathédrale, se gaver au restaurant ... ça fait du bien. En revanche, tout plein de monde avec beaucoup, beaucoup de mendicité. On vous accoste en permanence. Ce n'est pas très original mais c'est vraiment gavant au bout d'un moment. De la surveillance policière partout, beaucoup de marchands du temple, mais ... c'est tout de même unique et à voir. Toutes les visites sont payantes et c'est même cher pour le touriste (la visite d'un site archéologique au-dessus de la ville n'en coûte pas moins de 14 repas quotidiens habituels (5 soles). Mais l'altitude se fait toujours sentir lorsque vous voulez faire un mouvement un peu rapide ou brusque (on est à 3350m). Ce soir cool. Pour demain, normalement, la virée touristique aux racines de la chienne de Laure, Pierre, Baptiste, Amaïa, ... qui s'appelle Pichu !

Mercredi 5 Mai 2010 : Machu Picchu ! Qui n'a pas rêvé d'aller voir cette énième merveille de la terre ! Dur d'y arriver mais quand on y est, on a beau avoir l'expérience de sites "uniques" "patrimoniaux", on est quand même sous la magie des lieux. C'est sûr qu'il y a quelque chose de ressenti, d'ineffable, de difficile à verbaliser, mais bien une certaine force liée à la manière dont les lieux ont été compris, aménagés, organisés. Ce qui pourrait frapper d'abord un spécialiste en aménagement de l'espace est le regard qu'a dû porter le concepteur de l'aménagement de ces lieux avec la prise en compte de toutes les dimensions : éléments vitaux comme l'amenée d'eau comme la production vivrière, éléments d'ingénierie pour utiliser les matériaux existants sur place, éléments d'organisation de l'espace en dissociant le cultivé et l'habitat, éléments cosmogoniques pour intégrer l'aménagement réalisé aux cycles du climat et aux forces du cosmos. Tout cela paraît assez exceptionnel compte tenu des possibilités techniques de l'époque, mais ... n'en fait-on pas trop ? N'interprète-t-on pas par excès un peu comme pour les auteurs célèbres, et puis, et peut-être surtout, que ressort-il de la vie sociale, individuelle de ce système (car il s'est agi probablement d'un système intégrant toutes les dimensions) ? L'homme de l'époque était-il heureux ? Ne faut-il pas relativiser ce côté réellement exceptionnel de la dimension ingénierie au regard finalement d'un résultat qui est une ... disparition que l'on honore aujourd'hui ?

Jeudi 6 mai 2010 : Cusco était radieuse à 6 heures ce matin. Le cycliste était en forme, prêt à avaler les paysages et les km. Evidemment, je me suis fourvoyé dans Cusco malgré les très claires explications d'Arnaud Lagadec qui m'a logé. Total, encore des km en plus mais bôf ! La vallée que l'on suit pour joindre la belle cite de Sicuani puis ensuite Puno aux portes du lac Titicaca, est parsemée de lagunas très prisées des touristes. La route les dévoile au fur et à mesure. Le paysage est très habité, très varié. Ca monte un peu mais pas trop. Enfin je peux dépasser les 20 km/h. Vers 15h, alors que je venais de faire quelque 100 km, j'envisage de camper. En bout de la grand-route goudronnée, une grande masse ombrée de très beaux arbres. En fait, c'est un S que fait la route qui traverse là une forêt. J'aperçois une ombre qui bouge sur le bas-côté, puis une deuxième, et enfin une troisième sur le bas-côté opposé. Curieux ! Je continue d'avancer, les ombres se dressent : trois hommes. Très bizarre. J'ai le pressentiment qu'il va se passer quelque chose de pas nécessairement bon pour moi. De fait, un des hommes lève le bras : un accident ? Le deuxième homme de l'autre côté de la route se lève. Tous les deux avancent sur la chaussée pour, avec insistance, me demander par geste de m'arrêter. Le troisième homme reste de l'autre côté de la chaussée. Je comprends alors très bien le risque compte tenu de ce que l'on m'a déjà raconté. Il s'agit bien de bandidos. J'avance normalement en roulant vers celui qui fait signe d'arrêter. Arrivé au plus près de lui, je fais un gros écart à gauche et accélère très fort. L'homme arrive malgré tout à me saisir par le bras droit. Ayant un peu imaginé le scénario, je tiens évidemment très fort mon guidon. Il ne me fait pas tomber et lui-même fait ... un demi-tour qui l'a fait lâcher prise. J'accélère en gueulant tant que je peux, mais ... personne hormis ses compères ! Je m'attends alors à être facilement rejoint (le maximum de vitesse avec un vélo de 50-60 kg n'est pas bien élevé). Non, ils ont dû juger qu'un petit cycliste n'était peut-être pas une bonne opération pour eux. J'appuie tant que je peux sur mes pédales pendant des km sur cette unique route qui n'est à cet endroit pas très fréquentée, ce qui en fait aussi son charme. Je regardais en permanence dans le rétroviseur, et m'arrêtais un peu lorsque je voyais quelqu'un sur le bord de la route ou dans les champs. J'ai fini par arriver dans plusieurs pueblos avant Sicuani, la ville ou je ne pensais pas arriver ce soir compte tenu du kilométrage depuis Cusco. A l'entrée de Sicuani, le poste de police. Je signale le fait. Les policiers qui ne paraissaient pas surpris, sont partis de suite en voiture vers le lieu indiqué. Moi, je plonge dans un petit hôtel près de la place d'Armes, ferme la porte à clef et ... respire fort, fait l'état de tout ce qui aurait pu arriver avec les conséquences associées : pertes d'argent, de matériel, de passeport, sévices divers ... J'ai écrit un mot à Dominique, à Laure et à Thomas de suite. Puis ... j'ai savouré une bière en expliquant tout au tenancier puis à la patronne du snack où j'ai ensuite mangé un bout.

Cet épisode me fout un coup ! Comment envisager de camper voire même de traverser des zones isolées dans de telles conditions ! Dominique, Laure et Thomas m'aideront à prendre la bonne option. Le risque pour moi est d'autant plus grand que je suis évidemment très facilement repérable sur la route (combien de salutations sympathiques de camionneurs et de conducteurs de voitures qui font régulièrement le trajet Lima-Cusco-Puno-Titicaca, et qui m'ont plusieurs fois reconnu). Je suis le seul cycliste à rouler dans ces conditions. J'ai besoin d'y voir plus clair et me donne deux jours pour essayer de prendre l'option la plus réaliste. Demain, je vais essayer de joindre Puno en bus. L'avantage est d'éviter Juliaca - ville réputée pour ses ... bandidos -, et de me trouver tout de même à 250 km de "mes bandidos". Décidément, le Pérou n'est pas pour les touristes en ce moment, aussi sympathique qu'on le penserait. Déjà, hier soir ... un tremblement de terre s'est produit (risque 6) avec l'épicentre à Tacna, la dernière ville avant le Chili ...

Cusco - Sicuani 149 km, +1100 m, - 865 m, 7h - 17h

Vendredi 7 mai 2010 : Les péruviens sont étonnants pour des français. Dans le bus qui me conduit de Sicuani à Puno, j'ai trouvé drôle de voir une cloison avec une porte entre le chauffeur et les passagers. J'ai compris un peu après le départ vers 11h : le Pérou a cette originalité d'accepter dans les bus des commerciaux qui font des présentations - fortement sonorisées comme il se doit - pour des produits. Et cela dure ... plus d'une heure pour chaque présentation avec, bien sûr, un bonhomme qui débite à 100 à l'heure son topo. Aujourd'hui, il y en a eu deux sur la nourriture avec, au bout du compte la vente de compléments alimentaires. Bien sûr, cela commence toujours par le Gouvernement qui a déclaré que la question alimentaire était un "affaire nationale de santé publique". Les péruviens sont très crédules, semble-t-il. On leur montrait des dessins justifiant que LE complément en question était indispensable pour le foetus, pour l'enfant, pour l'époux, pour l'épouse, pour ... Et au total, après avoir vanté les bienfaits de l'huile végétale et des omega 3, les commerciaux ont fini par vendre - en promotion bien sûr - les paquets, puis un livre, puis un CD de musique. Cela s'est répété deux fois ... avec les mêmes passagers pour des produits différents bien sûr....

Le parcours de Sicuani à Puno est assez joli avec montée progressive sur l'altiplano qui est assez bien occupé par le bétail, par les cultures dont le blé qui est coupé à la faucille et battu au fléau manuellement. En prenant ainsi le bus, j'ai éloigné un peu le spectre de mes bandidos d'hier. Puno est une très grande ville, très touristique, apparemment sans problème. Les gens sont d'un abord facile et renseignent très aimablement. J'ai pris un hospedaje pour deux nuits. L'altitude sera désormais toujours au minimum de 3800-3900 m. Puno est située contre le lac Titicaca avec les célèbres îles qui sont proches.

Sicuani - Puno, bus 250 km

Samedi 8 mai 2010 : Toutou !... j'ai fait le vrai touriste ce matin. J'ai pris le "bateau-mouche" pour les îles Uros sur le lac Titicaca situées à environ 30 à 40 minutes de bateau. Ces îles sont en réalité des créations humaines. On les a fabriquées à partir de pieds de végétaux (la totora) recueillis dans le lac avec une très grosse motte de l'ordre de 50 cm de côté sur 70 cm de profondeur. Ces mottes sont ensuite reliées et serrées avec des cordes. L'ensemble est fixé avec des pieux dans le fond du lac (peu profond à cet endroit), sinon tout dériverait. Puis, par dessus, on dépose une couche un peu épaisse de roseaux puis une autre couche, etc ..., le tout constituant un quadrillage assez épais. L'ensemble flotte. Lorsqu'on marche dessus, évidemment le pied est un peu instable. Sur ces îles, ils ont construit des cabanes en roseaux, et ont fabriqué des barques en roseaux. Des trous de 10 m x 10 m ont été laissés dans cet assemblage pour permettre l'aquaculture avec notamment des truites. Ainsi, quelques familles arrivent à bien vivre, mais ... à quel prix ! Ils sont déguisés en permanence pour les bateaux de touristes qui accostent toutes les deux heures. Ils chantent pour les toutous, ils jouent pour les toutous, ils font semblant de pêcher pour les toutous ... Avantage à leur honneur : l'artisanat est assez original tant par les tapisseries qu'ils confectionnent, très colorées, que par les miniatures fabriquées en roseau, répliques de leur bateau traditionnel, et de leurs cabanes. Bien sûr, le toutou se fait solliciter très fort, par exemple pour embarquer en payant sur leurs barques en roseau assemblées en double comme des coques de "catamaran", pour manger, pour boire ... bref, le classique des classiques. On revient trois heures après au port de Puno. Ca vaut le coup quand même. A Puno, la Plaza des Armas n'a rien à voir avec l'exceptionnelle plaza de Cusco. Mais la vie à Puno semble assez tranquille avec des rues au carré que prennent difficilement les petits bus. Heureusement qu'il n'y a pas trop de diesel car la circulation est très intense. Les gens semblent néanmoins assez calmes. Les voitures respectent à peu près le piéton (exceptionnel pour le Pérou). Quant au vélo, il est resté à l'hospedaje manger un peu de foin et d'avoine car il en aura besoin demain !

Dimanche 9 mai 2010 : Longue journée en perspective puisque je voudrais peut-être atteindre la frontière bolivienne à Desaguadero. Je suis parti à 6h15. Un froid de canard avec un soleil rasant ... de face ! Je mets mes lunettes de soleil, hésite un peu pour trouver la sortie de Puno (Ah! moi et l'orientation dans les villes), et c'est parti pour cette route qualifiée aussi de panaméricaine, qui doit longer le lac Titicaca. En fait, on voit le lac au début à la sortie de Puno, et après Juli (magnifique, l'emplacement de Juli sur un promontoire à environ 100 km de Puno, où j'ai mangé un bout). La route est assez plane bien que par endroits elle monte vraiment. Mais les dénivellations de la journée sont peu importantes comparé à certains jours précédents. On trouve tout le long de très belles lagunes situées plutôt à l'ouest de la route avec de très beaux habitats pour les oiseaux. On voit bien la cohabitation entre agriculture paysanne très traditionnelle et maintien de riches écosystèmes. On a essentiellement du blé et de l'élevage avec vaches, brebis, alpagas, cochons (noirs), volailles. Au passage, un très beau faucon est parti d'une falaise quand je passais, avec une queue quasi rouge ... L'habitat est très dispersé, toujours en torchis mais parfois avec des constructions dont l'architecture fait penser à Gaudi (Barcelone). Les vingt derniers km avant la fin du lac sont splendides avec le soleil qui, à partir de 15h, donne une lumière accentuant toutes les couleurs. On roule avec, en permanence de l'autre côté du lac, les sommets blancs prestigieux de l'Illimani, du Huayna Potosi, des Condoriri, situés bien sûr en Bolivie. Desaguadero est une cité frontalière ... donc pas grand chose à dire : beaucoup de passages, des commerces partout et, pour moi, le premier faux-billet de 20 sols qu'on ne peut pas reconnaître sans habitude ou sans machine. Au total, une journée sans problème avec un bon kilométrage compte tenu qu'on est toujours entre 3800m et 4000m. Demain, ce sera la Bolivie pour ... de nouvelles aventures ! Pas trop d'inconnues j'espère quand même.

Puno - Desaguadero 153 km, +630 m - 615 m 6h15 - 16h30

 

 

Andes Argentine Chili 2012 - 1

Boucle en vélo Salta / Paso de Jama / San Pedro de Atacama / Paso Sico / Salta

6 septembre - 5 octobre 2012

Lorsque, il y a deux ans, j'avais imaginé relier Lima à Santiago à vélo, j'avais choisi l'option de la côte Pacifique à la sortie de la Bolivie. Mais j'avais longtemps hésité car l'option par l'Argentine était très tentante aux dires des connaisseurs. Les quelques 3500 km faits pour rallier San Pedro de Atacama m'ont fait prendre une décision qui me paraissait plus sage. Mais le haut de l'Atacama chilien et toute la région argentine de Salta restaient drôlement tentants ... J'ai donc imaginé une boucle Salta/Salta pour découvrir ces immensités. Un aperçu de la carte indique déjà que l'altitude est souvent très inhabituelle (une très grande partie se trouvant à plus de 4000 m), avec de nombreuses "bosses" à grimper (18 dont 16 à plus de 4000 m), plusieurs centaines de kilomètres sans goudron, des points de ravitaillement possible très limités (pour la nourriture mais aussi et surtout pour la boisson), des possibilités de communication souvent absentes (téléphone et internet).

Les nouveautés dans ce périple saute-mouton ...

Salta, joli nom pour amorcer du saute-mouton ! Le Mulet est un peu plus chargé, ce qui m'a obligé à raccourcir les distances journalières. Le périple se décompose en deux : jusqu'à San Pedro de Atacama en passant la frontière Argentine-Chili au Paso de Jama, puis de San Pedro de Atacama à Salta en passant la frontière Chilii-Argentine au Paso Sico. Une très grande partie se déroule dans des zones désertiques à plus de 4000 mètres ce qui veut dire : pas de village donc plusieurs jours de nourriture à prévoir, et surtout pas de source d'eau potable (les lagunas sont salées). Obligation donc d'emporter alimentation et boisson pour plusieurs jours avec réchaud, essence, couchage, vêtements pour le froid. J'ai pris l'option d'avoir une réserve d'aliments lyophilisés, et de pouvoir charger jusqu'à 13 litres de liquide. La montée à 4000 mètres se fait après Purmamarca à deux jours-vélo de Salta. Le petit-petit pédalage a été adopté pour se fatiguer le moins possible, la raréfaction de l'oxygène devenant là la principale barrière à dépasser.

Et ... le Vélo ?

De retour d'Afrique, le Mulet claudiquait pas mal. J'ai entrepris une grande visite de toutes les pièces. Le sel du Salar d'Uyuni traversé il y a deux ans (http://etchelec.free.fr/index.php/bolivie lundi 17 mai 2010), a fini par faire beaucoup de dégâts même dans les parties dites étanches. Le moyeu du pédalier enlevé, j'ai trouvé ... des cristaux très acérés (de sable, de sel ?) qui avaient pas mal rayé le moyeu. Je comprends mieux les craquements en Afrique lorsque je pédalais ! J'ai fait monter un moyeu en céramique par Pascal Berrote, réparateur de cycles à Oloron-Sainte-Marie. J'ai changé quelques billes du roulement de la roue avant qui étaient rouillées puis j'ai finalement fait changer le roulement avant. La jante a été remontée avec des rayons neufs, plus solides m'a dit Pascal Berrote. J'ai changé les pignons, les plateaux, la chaîne, démonté et nettoyé toutes les pièces du dérailleur. Les câbles de frein étant toujours d'origine, j'ai remplacé et les patins et les câbles et les gaines : le freinage est devenu étonnamment doux. Pour le reste, le Mulet est en forme, prêt à en découdre à nouveau ... mais ... avec cette fois un poids plus conséquent sur le dos.

Comment y aller ?

Les compagnies aériennes font payer de plus en plus cher le transport des vélos. Pour un trajet aérien Toulouse-Salta , Air France mais aussi KLM, Lufthansa, Alitalia, demandent un coût supplémentaire pour le vélo de 200 euros par trajet, soit un total de l'ordre de 2000 euros aller-retour. En cherchant un peu, quelques compagnies n'appliquent pas encore cette pénalité. Aerolineas Argentinas acceptent deux pièces de 23 kg en soute en tolérant qu'une des deux pièces soit un vélo dans un carton. Mais, ... tous les aéroports ne sont pas possibles. Ainsi, le billet que j'ai pris est un aller-retour Barcelone (Espagne) - Salta avec changement d'aéroport à Buenos-Aires. La tarif est de 1223,93 euros (Havas Voyages Oloron-Sainte-Marie). Il m'a fallu trouver une solution pour aller et revenir de Barcelone avec le vélo encartonné. Les copains ... bien sûr ! Elie et Michel se sont libérés pour me conduire d'Eysus à Barcelone le 6 septembre. Ross et son épouse se sont proposés pour me récupérer le 4 octobre. C'est bon les copains ! Merci !

Mercredi 5 septembre 2012, veille du départ

Etat fébrile ... c'est toujours comme cela à la veille des départs. Tout est ficelé. Le carton-vélo a été savamment pesé pour ne pas atteindre la barre des 23 kg. Les sacoches ont été enfournées dans un sac plastique très solide en apparence ceinturé de sangles plates : deux sont réellement pleines. Les autres sont aplaties sous une grande poche contenant tout le petit matériel de cuisine, de dépannage. Le tout fait 18 kg, donc c'est largement bon pour l'acceptation en soute des deux colis de 23 kg. J'ai eu du nez de tester ma petite bouteille thermos car ... elle ne garde plus la chaleur. Pourquoi ? Bizarre. Apparemment il n'y a pas de trou à l'intérieur. J'avais eu un pressentiment lorsqu'en la remplissant d'eau chaude, j'avais constaté que mes mains chauffaient en tenant le bidon. Pourtant, il doit y avoir du vide entre les parois ! Je me passerai donc de ce petit luxe le matin où je n'avais plus qu'à ouvrir le bouchon et à verser l'eau encore chaude sur la poudre de café. Le carton-vélo a été enchâssé dans un bâti en bois que j'ai fabriqué pour éviter que les lanières n'écrasent le carton puisque le carton-vélo va voyager demain fixé aux barres de toit de la voiture jusqu'à l'aéroport de Barcelone. Michel est venu m'aider à monter l'ensemble. Les batteries sont rechargées pour le téléphone, la lampe frontale, le GPS, l'appareil de photos. J'emporte finalement mon capteur solaire. Depuis quelques jours, je profite de la moindre chose (alimentaire) en trouvant que tout est ... excellent ! Je sais que c'est le plus mauvais moment : être là mais avoir la tête là-bas déjà tout en n'y étant pas encore ...

Jeudi 6 septembre 2012

A 7h45, Elie et Michel sont à la porte de la maison Baigt. La voiture est prête, chargée la veille. Je finis les dernières inspections : volets fermés, lumières éteintes, gaz fermé. réfrigérateur vide, poubelle emballée ... La vallée d'Aspe est remontée tranquillement. le tunnel du Somport est franchi autrement mieux que le tunnel d'accès au Tadjikistan depuis l'Ouzbekistan ce mois d"août ... Jaca dort encore, Sabinanigo est contournée, Huesca est dépassée par la rocade nord, Lérida est franchie puis on entre dans la campagne Catalane à l'agriculture très industrielle. Les pains de sucre de Montserrat sont en vue, à portée de jumelles. C'est l'heure pile du casse-croûte. Tout semble avoir été prévu, même un banc et une longue table devant le très beau panorama de l'envers de Montserrat. L'aéroport de Barcelone est atteint une heure après. Difficile de se garer. L'emballage est promptement défait. Le vélo est dans le carton parfaitement à l"aise ... sauf que lors de l'enregistrement il est un poil trop gros ! L'employé force un peu pour le faire rentrer dans le tapis roulant mais ... niet, trois cm de trop et ... le carton se déchire. Je rafistole puis porteur spécial ensuite pour le Mulet qui a ... disparu. Michel et Elie sont partis visiter Barcelone. Attente à l"aéroport que j'ai trouvé à la fois agréable et un peu désert, L'heure de l'embarquement arrive. Un vieil avion à quatre petits réacteurs, un intérieur dur avec peu de place pour les jambes. Les petits écrans individuels ne fonctionnent pas. Mais ... la nourriture a été correcte. Au lieu de treize heures d'avion, on en a fait quatorze car, au décollage, une seule piste fonctionnait, et ... il a fallu laisser atterrir au moins vingt cinq avions avant de décoller. A raison de trois minutes d"intervalle, on a l'explication.

Dans l'avion à peu près plein, surprise ! je vois des chaussures de ski autour du cou d'une jeune fille, puis une autre. Ca parlait français. A côté de moi, un membre du groupe : c'était l'équipe de France de ski féminin avec trois athlètes et le staff accompagnateur dont un entraîneur et un technicien pour les skis (celui qui était à côté de moi) qui était missionné par Rossignol. Avant d'entamer les épreuves en Europe (Super G), ils allaient d"abord au Chili puis vers Ushuaia pour un mois de mise au point.

Vendredi 7 septembre 2012

La nuit fut assez bonne. Atterrissage à quatre heures locales soit cinq heures de plus en France. Galère après pour passer la douane d'abord puis pour récupérer les bagages car un autre avion venant de Madrid est arrivé au même moment. Le matériel de l'équipe de France était monstrueux. Mon vélo a fini par pointer le nez avec pas mal de bosses et de déchirures dans le carton. Au bout d'une demi-heure de tourniquet, enfin je vois mes sacoches sur un autre tapis roulant. Sortie de l'aéroport Ezeiza sous des trombes d"eau. Heureusement la station de bus Tienda Leon est abritée. Une heure de plus, le bus arrive à l'autre aéroport Aeroparque situé à une quarantaine de kilomètres mais de l'autre côté de Buenos-Aires à l"heure des ... embouteillages. Un hollandais m'a aidé pour charger le carton dans le bus, puis discussion intéressante : il habite l'Ardèche depuis vingt ans, va en Uruguay où il a acheté une maison sur les bords de la seule plage de sable au bord du Rio de la Plata car ... il est passionné de planche à voile et, pour lui, c'est un super site.

Arrivée à Aeroparque sous la pluie. Le Rio de la Plata est marron, plein de vagues. Pas mal d'inondations ont eu lieu si l'on regarde les titres des journaux. Le surcoût vélo pour le bus a été de 6 euros. Il me faut des pesos. Aucun distributeur de billets, aucune banque (casa de cambio) ne sont ouverts. Je finis par échanger 50 euros dans une boutique pour pouvoir manger un peu car cinq heures de décalage, ça creuse. Je n'ai jamais payé une pauvre bière de 25 cl aussi cher : l'équivalent de 8 euros. Mais les empanadas étaient vraiment très bons, un peu justes en taille. Des heures d"attente. Passe-temps à regarder le nouvel Ibook d'Apple : une sacré belle bête de 600 g. L'écran n'affiche pas l"avion de Salta. Aîe ! Pour forcer le destin, je vais à l'enregistrement. Ca marche ! Les sacoches partent sur le tapis roulant, le Mulet part. La pluie continue. Finalement, l'avion est retardé d'une heure en raison des intempéries. On se rend en bus sur la piste. Il y a des bagages partout partout sur les chariots roulants. Pas de mulet en vue. On finit par décoller dans un très bel Embraer tout neuf qui ressemble beaucoup à un Airbus, avec de très beaux sièges et ... de la place pour les jambes. L'arrivée à Salta est très belle : on tourne autour des montagnes toutes proches et, surtout, le beau temps semble être là. Petit aéroport pour une ville d'un million d"habitants. Un seul tapis roulant. Dehors des pancartes : je vois mon nom en grand. Luis, de la Casa de Borgoña, a bien fait les choses. Je récupère vite vélo et sacoches. On charge dans un Partner Peugeot. Le chauffeur est un professeur de gymnastique qui doit arrondir les fins de mois. 60 pesos, c'est le tarif prévu (10 euros). L'arrivée à lla Casa de Borgoña se fait à la tombée du jour. Il est 19h, L'accueil est on ne peut plus agréable. Sebastien, employé par Luis, est parfait. La chambre est petite mais le lit est bon. Il y a de l'eau chaude. Les pensionnaires sont un peu sourds certainement pour parler aussi forts, mais c"est l'Amérique du Sud. Sebastien finit par me changer des dollars contre des pesos : ainsi, je peux payer l'auberge et me payer à boire. Je vais manger dans un bistrot proche dans la rue d'Espagne, tipico. Le match de foot Argentine-Uruguay se prépare. Le bar se remplit. Je me couche vite. La journée a été un peu longue.

Samedi 8 septembre 2012

Réveil un peu tôt car le décalage de cinq heures n'est pas facile à perdre. Petit-déjeuner à 6h45. Correct. Puis, je vais faire un tour voir le Mulet. Il est tout démonté mais rien d'anormal, sauf un écrou qui manque et pas n'importe lequel : celui qui permet a la selle de ne pas bouger et d'être à la bonne hauteur. Je cherche partout : pas l'ombre de la pièce, Je finis par bien remonter le vélo et trouve une solution provisoire en démontant la béquille pour utiliser un boulon-écrou qui, après un savant vissage, finit par tenir provisoirement la tige de selle. Et, en route pour trouver un magasin de vélo. Salta est une ville classique avec des quartiers carrés séparés par des rues à sens unique. Après un arrêt chez un réparateur de tondeuse, je finis par trouver Manresa, LE magasin de vélo de Salta. On finit par ajuster une pièce qui n'est pas tout à fait identique mais qui assurera j'espère la bonne tenue de la pièce la plus fragile pour un cycliste : l'arrière-train. Après, direction le marché municipal, un marché classique où j'ai pu acheter les provisions manquantes et, bien sûr, me faire servir un excellent poulet frites salade avec, évidemment, la bière locale "Salta", assez douce et pas amère. De retour à la Casa de Borgoña, Sebastien m'ouvre et me présente Aude, son amie, une française photographe qui est venue pour un reportage il y a deux ans, et qui n"est plus repartie. Voilà éclairci pour moi le mystère de l'excellent français des mails échangés avec Luis mais qui comprend bien le français néanmoins.

Dimanche 9 septembre 2012

Quelle ferveur ! Salta est dans une ambiance surprenante avec la célébration annuelle de l'hommage à la Vierge pour les fêtes de la Virgen del Milagro. La Vierge aurait permis d'éviter un tremblement de terre. Les pèlerins arrivent tous les jours par tous les moyens, les plus endurants faisant tout le chemin à pied. Le clou de cet anniversaire annuel est le 15 septembre. Mais, dans les jours précédents, tout Salta est en émoi avec des cars qui viennent même de Patagonie. Un jeune chauffeur qui est à la Casa de Borgoña nous a raconté ce voyage de plus de 2500 kilomètres avec 49 personnes en couchettes à bord. La messe à la cathédrale ce matin était poignante. Des personnes partout, un petit feuillet à la main, la bouche récitant les prières. Des gens de toutes conditions, des cassés de la vie, physiquement et probablement aussi moralement, se retrouvent dans une cérémonie à la fois très simple et très priante. Etonnant le prêtre qui a commencé son homélie en disant en espagnol Comment ça va ? (que tal) et la foule qui répond "bien". Ca fait du bien de voir les gens dans une tout autre dimension que les sempiternels soucis quotidiens. Le pire des mécréants aurait pu voir que finalement le genre humain garde une profonde dimension spirituelle qui s'exprime ainsi. On adhère ou on n'adhère pas. Mais quand on est mêlé à cette empathie, on est heureux finalement de voir que l'homme peut devenir grand intérieurement...

Tout est fermé le dimanche. J'ai oublié mon élastique long dans la voiture lors du débarquement un peu précipité de mes affaires à l'aéroport de Barcelone. C'est avec cet élastique que j'attache le sac à dos à l'arrière du vélo sur le porte-bagage. Comment faire ! Je vais devoir m'en passer et mettre matelas et tente coincés entre mes sacoches et le mieux attachés possible, Demain soir peut-être qu'à San Salvador de Jujuy, je trouverai une meilleure solution. Je me suis rendu à la sortie de la ville de Salta pour repérer le cheminement dans les rues demain matin au point du jour. Bien m'en a pris car, évidemment, je me suis perdu. J'ai fini par trouver la route 9 dite de la corniche. A midi, poulet grillé frites, ça n'est pas très varié mais c'est très appétissant et très bon. Le décalage horaire est long à digérer : il est 17h et j'ai sommeil. Un petit tour en ville voir les pèlerins ...

Lundi 10 septembre 2012

Le réveil a été multiple car je craignais de ne pas entendre la sonnerie de ma montre. 7h : c'est bon. Le bonhomme part vite prendre une douche chaude puis engloutit le petit-déjeuner. Les sacoches sont bouclées avec finalement le sac à dos en moins puisque je n'ai plus de quoi l'attacher. Lourd quand même l'ensemble, surtout devant. J'ai tout de même pris trois litres d'eau dans une des vaches, en réserve, et aussi pour m'habituer au poids. Au revoir à Sebastien et à Aude de la Casa de Borgoña. Retour prévu le 1er octobre. J'ai pris néanmoins le numéro de téléphone d'Aude la française au cas où ... Je sors de la Casa de Borgoña en fendant une file de personnes. Le ciel est gris mais il ne pleut pas. Durs les premiers mètres avec ce vélo alourdi. L'équilibre se fait entre les voitures. C'est l'heure où la circulation est assez dense. Je pédale tel un somnambule, reconnais le chemin de sortie de Salta fait hier. Et c'est la quatre voies sur 10 kilomètres. La piste cyclable est bienvenue ! Le vélo est en ordre de marche, le clignotant magnétique fonctionne, l'écarteur est et reste en place. La sortie de la ville se fait à 15 km/h, tranquille. Le nouveau cycliste qui m'habille est, comme tous les habits neufs, un peu serré, mais c'est bon pour le maintien sur la selle. La réparation de fortune pour fixer la selle semble tenir normalement. La sortie de la ville de Salta vers le nord débouche dans des friches agricoles. La route suit le lit très large de la rivière Caldera. A en voir les charriages, elle doit avoir un débit étonnant alors que son débit actuel est tout petit. On extrait les graviers et le sable dans de nombreux endroits. La route devient très très étroite. Pas plus de 4 mètres de chaussée bitumée dans beaucoup de secteurs. Des panneaux recommandent 40 voire même 20 km/h. Evidemment, deux camions qui se croisent et ... le cycliste se trouve dans le fossé. Heureusement ce matin, la circulation est faible. Les virages deviennent agréables. Ca monte un peu mais juste pour se mettre un peu les jambes au parfum pour les prochains jours. Le ciel est très menaçant mais, à la différence des Alpes et des Pyrénées, pas une goutte d'eau. Plutôt frais mais finalement c'est fort agréable de pédaler dans ces conditions. La route est appelée route en corniche. Rien de plus faux. On traverse une très belle forêt. La route court en virages. Quelques fermes bien sûr mais rares, des vaches très belles avec un port de tête très impressionnant parfois, des chevaux, des brebis, des cochons. Rien de bien original, sinon que de temps à autre, on voit sortir sur la route des cavaliers chapeautés d'un couvre-chef rond et très large. Un premier lac de barrage puis un deuxième réalisé en 1912 pour l'alimentation en eau potable. Beaucoup de chants d'oiseaux avec des espèces aux parures inconnues pour moi. Difficile de les identifier, sauf lorsqu'il s'agit à l'évidence de rapaces. Les conducteurs des rares voitures croisées m'ont tous fait un petit signe amical. Un gros chien arrive sur la route. Un molosse avec sa laisse qui traîne. Il l'a donc arrachée. Je fais comme avec tous les chiens : je lui parle doucement. Ca marche si bien qu'il me suit sur plus de 10 kilomètres, à la course. Il a la santé quand même ! L'arrivée à San Salvador de Jujuy se fait par une quatre voies qui devient alors très fréquentée voire dangereuse pour le bipède à deux roues. Mais celui-ci a été vacciné on ne peut mieux au Chili, en particulier entre Valparaiso et Santiago. Pas d'affolement. Une grosse station-service à ma droite, un monsieur me fait signe. Je m'arrête pour lui dire ce qu'il veut savoir (d'où je viens, en combien de temps, où je vais ...). J'en profite pour lui demander un service. Je veux remplir mon bidon d'essence du réchaud. Il hèle un pompiste apparemment connu de lui. Le bidon se remplit : perfecto. Mais il veut savoir comment ça marche. Alors, je lui fais la démonstration avec le pompage puis le préchauffage puis le brûleur à fond. Il appelle tous les autres pompistes pour voir. La démonstration est vite terminée car je dois garder le carburant jusqu'a San Pedro de Atacama. Service contre service : le monsieur a une vieille 504 hors d'âge, et il veut que je le pousse pour démarrer. Je m'exécute avec un autre bonhomme, et ça démarre (c'est une peugeot, bien sûr!). Trouver la Casa de Bicicleta dans le centre-ville n'a pas été une petite affaire, d'abord parce qu'il faut accéder au centre-ville - et pour un cycliste, jongler avec les quatre voies est assez déroutant car les signalisations sont assez grossières voire fausses. Pas mieux que de demander à un policier. Inconnue la Casa de Bicicleta. Je finis par trouver un hostal "Club Hostel" qui fait un prix correct mais en dortoir. Bof ! L'important n'est-il pas d'être à l'abri, dans un lit avec si possible une douche chaude ? En plus j'ai internet gratuit. Vendu 60 pesos avec le petit-déjeuner (soit 11 euros). Je ne vais pas plus loin. Mais ... un petit creux à combler au bistrot du coin : un habillage de viande dans on ne sait trop quoi, avec du riz et un verre de rouge. Ca suffira pour ce midi. Le soir, je reviens comme convenu au bistrot du coin. On ouvre pour moi. J'ai droit à une succulente préparation de viande avec des pâtes, un verre de rouge, du fromage avec une espèce de délicieuse pâte de fruit (dont le nom m'échappe), le tout devant le superbe match de tennis Djokovitch contre Andy Murray médaillé d'or aux jeux olympiques de Londres. En discutant, je finis par connaître toute la famille : la maman, le fils qui cuisine, le petit-fils qui aide. La doyenne m'offre gratis deux empanadas contre une photo, car elle voulait avoir une photo de ce curieux bonhomme qui fait les Andes à vélo. Je lui donne même l'adresse du site etchelec. Toute la famille a l'air contente. Moi, j'ai l'estomac bien plein. Retour au dortoir. Nuit très correcte. Réveil à 7h et petit-déjeuner à 7h30 (ils ont avancé d'une demi-heure pour moi). Très bonne adresse.

Salta - San Salvador de Jujuy : 8h - 14h, 99 km, +712 m -633 m (altitude maximale en vélo : 1553 m)

Mardi 11 septembre 2012

Tout est prêt à 7h45. Départ pour traverser San Salvador de Jujuy (ils disent "rourouilh") par le centre. Longue, froide remontée vers le nord. Bonne nouvelle : j'ai retrouvé l'écrou de selle que j'avais perdu. Avec les divers transports avions et bus, il est tombé et est allé se loger dans un pli du matelas. Ce matin, en prenant le matelas pour le fixer sur le vélo, un petit bruit et ... je l'ai retrouvé le petit bout de ferraille si important. Je finis par rejoindre la route qui file vers la Bolivie à travers une longue vallée que l'on voit bien en mettant la vision 3D sur Google Earth. On fait une quatre voies en sortant de San Salvador de Jujuy mais c'est court. Après, la route serpente avec des pentes assez douces mais longues. La dénivellation positive aujourd'hui m'entraîne pour ... demain où les choses très sérieuses vont commencer. Occupation très faible de cette vallée. Très peu d'exploitations agricoles. Les nuages laissent la place au ciel bleu en remontant vers le nord. Et c'est là que l'on commence à découvrir ce qui fait l'attrait touristique de cette région : les couleurs chaudes des montagnes, avec d'énormes effets érosifs qui laissent apparaître de nombreuses cheminées de fée et ... des énormes cactus, bien dodus. Rien à voir avec les cactus du Salar d'Uyuni. La bifurcation arrive. On laisse la route qui file vers la Bolivie. On prend plein ouest la route du Paso de Jama c'est-à-dire la frontière chilienne. Purmamarca est à une quinzaine de kilomètres de la bifurcation. Les très beaux pans de montagne colorés prennent parfaitement le soleil. Ces formations si particulières sont très anciennes. Un très beau panneau explicatif donne les périodes : précambrien, cambrien, ordovicien, crétacé, tertiaire. Il me reste à trouver un endroit pour passer la nuit. La tenancière du bistrot d'hier, Suzanne Ibañez, m'a dit d'aller voir le directeur du collège secondaire de Purmamarca. Je finis par trouver. Il est absent mais une collègue m'indique une bonne adresse pas chère (car Purmamarca est tellement fréquenté par les touristes que les prix ont explosé). Finalement, je finis par trouver une chambre avec salle de bain et douche chaude, un petit-déjeuner pour 75 pesos - soit 15 euros (mais demain matin il faudra ajouter 20 pesos de plus). Je fais le tour du village pour prendre quelques clichés de ces formations géologiques. Quelqu'un remonte vers le collège à pied. Je lui demande s'il est le directeur : réponse positive. On discute un peu. Je lui transmets le bonjour de Suzanne Ibañez. Il est tout surpris. Ils ont été ensemble à l'école. Le directeur me prend en photo pour l'envoyer à son amie Suzanne. Il me donne quelques renseignements sur les possibilités de trouver de la nourriture avant la frontière chilienne. Chasse au cybercafé pour dire où je suis. 4 pesos de l'heure (0,75 euro) : je m'attendais à beaucoup plus ici. Je fais quelques provisions pour demain soir : rôti de porc froid, bananes, pommes, gruyère, biscuits. Purmamarca est vraiment LA cite pour touristes avec un marché permanent aux tissus et autres souvenirs. Demain soir, ce sera la tente, donc pas d'internet, peut-être un SMS s'il y a le réseau.

San Salvador de Jujuy - Purmamarca : 68 km 7h50 - 13h50 +1202 m -145 m (altitude maximale en vélo : 2346 m)

Mercredi 12 septembre 2012

7h30 petit-déjeuner surprise. Alors qu'hier tout était OK pour inclure dans le prix le petit-déjeuner, ce matin c'est 20 pesos de plus. Bon, Gilles Fert m'avait averti de ce type de stratagème en Argentine. Il fait froid ce matin, et c'est le test pour moi de la montée à plus de 4000 mètres. Le temps est très nuageux, mais finalement ce n'est pas mal. La route est belle, pas trop de circulation. La pente est uniforme. Je dois passer de 2346 mètres à 4170 mètres, le premier col de ma série qualifié de col A car, curieusement pour nous, les Argentins n'ont pas trop l'idée de nommer les cols. La pente dure 35 kilomètres. Je veille à bien rester sur mes équilibres physiques et mentaux. Quelques cultures rares le long de cette vallée que je remonte. Les guanacos, les lamas et les vigognes me font coucou. Quelques voitures descendent sans doute pour aller au boulot, avec, lorsque le chauffeur me voit, un très beau sourire et le pouce levé très appuyé. Les camions commencent à descendre également, venant du Chili avec plein de voitures à destination du Paraguay, m'a-t-on dit. D'ou viennent les voitures - qui sont d'occasion - du Japon sans doute m'a dit en rigolant un argentin. Un 45 tonnes s'arrête à ma hauteur. Le chauffeur me tend une bouteille de jus de fruits ! Arrive le col A 4135 mètres petit à petit. 14h15. Il m'aura fallu pas moins de 6 heures pour ces 35 kilomètres. La descente sur les Salinas Grandes est un régal. On arrive droit sur le salar, puis, à droite, on traverse le salar. Des exploitations de sel en bordure avec, à un endroit, beaucoup de touristes chaussés comme en ville ! Peut-être y a-t-il à boire ? Je demande : accueil froid mais une bonne bouteille fraîche de soda m'est donnée pour 7 pesos. Je sors des Salinas Grandes pour arriver à un carrefour qualifié Tres Posos. Une auberge est là. Je m'arrête pour déguster une bière, et j'obtiens la permission de poser ma tente entre des murets de béton pour me protéger du vent. Ouf ! Je suis rassuré d'avoir pu passer ce premier col test. Mais ça gamberge pas mal dans ma tête pour la suite.

Purmamarca - Tres Posos, 80 km, 7h50 - 17h, +1963 m -854 m (altitude maximale en vélo : 4184 m)

Jeudi 13 septembre 2012

La nuit sous tente fut bonne. A 7h30, heure de mon réveil habituel, l'auberge est fermée. Pas de petit-déjeuner chaud. Je me contente d'une banane. Je pars le plus discrètement possible car la tente est collée à la maison. J'enfile les petits gants un peu chauds. Et c'est parti pour le col B, plus bas lui à 3873 mètres, appelé une fois n'est pas coutume Mal Paso. Avec ce nom je m'attends à quelque chose d'un peu difficile. En réalité, c'est une suite de montées dans une enfilade de gorges rocheuses assez belles. C'est tortueux et long mais avec toujours une pente assez régulière. De superbes vigognes sont intriguées probablement par un tel bipède roulant. Un troupeau de lamas toujours étiquetés de boucles fluo aux oreilles. Le ciel est magnifique. Puis, longue descente vers le village de Susques, plus important que prévu. La place centrale est une enfilade d'allées assez bien pensées. Une alimentation à l'ancienne assez remarquable avec un vendeur qui connait parfaitement son métier et qui, lorsque je lui demande la moitié du morceau de fromage restant, le regarde d'abord puis le fait tourner pour voir quelle est la meilleure façon de le couper. Du grand art ! Puis, lorsque je pose la question du choix des pommes et des bananes, il répond sans hésiter sur la très bonne qualité de ces produits qui, de fait, seront d'excellents fruits avec du goût. Sur ses conseils, je vais non pas à l'un des deux hôtels mais à l'hospedaje San Andres situé dans une ruelle tout au fond du village. Bon prix, bonne qualité moyenne. Chambre pour 60 pesos, poulet riz pour 26 pesos, bière blanche excellente 18 pesos le litre - que j'ai bue avec le tenancier. Le repas du soir a été un plat de riz-saucisses-salade (les saucisses sont à Susques qualifiées de chorizo). Le début de la nuit fut un peu rude avec les vociférations d'une dame qui manifestement n'avait pas l'air très contente. A ma question sur le temps demain : très beau, bien sûr.

Tres Posos - Susques 64 km, 7h50 - 13h30, +520 m -397 m (altitude maximale en vélo : 3873 m)

Vendredi 14 septembre 2012

La nuit à l'hospedaje San Andres fut bonne. Petit-déjeuner un peu léger avec juste un jus de café au lait et du pain sec pour 10 pesos. Le ciel est encore très clair, très froid. Le soleil commence à éclairer le cheminement du calvaire qui domine le village. La route bien asphaltée est tranquille, montant toujours régulièrement. Je passe devant les deux hôtels El Unquilla et Pastos Chicos. Je finis par franchir le col C à 4104 m. Aïe ! Vent de face venant de l'ouest. Quelques vigognes toujours aussi belles avec leur fameux cou élancé, et des lamas un peu plus rablés. La descente est magnifique vers le Salar de Olaros. Puis, une longue et interminable ligne droite de plus de 20 kilomètres le long du salar en direction du sud. Un volcan tout encapuchonné de neige apparaît au sud. Est-ce l'Ojos del Salado ? La route file vers l'ouest maintenant. A droite contre la montagne, quelques formes géométriques rectangulaires : des maisons. C'est le hameau d'Archibarca. Je m'arrête pour demander si je peux poser ma tente. L'accueil est on ne peut plus curieux. Une voiture de police est stationnée au centre de la place du hameau, avec plein de personnes autour qui semblent dans un état inhabituel. A ma question, une dame sur un ton un peu affolé me crie : non ce n'est pas possible. Manifestement, il y a problème ! Un homme vient vers moi, en fait, le policier. Il me fait comprendre que le hameau est en état de choc du fait d'un décès. Il me dit qu'il y a une ruine à 1 kilomètre qui pourra me servir d'abri. Je file donc en m'excusant auprès du policier de cette arrivée intempestive. Je finis par dresser la tente à l'intérieur des ruines d'une maison. Des ânes sont en liberté. Bonne soirée, avec utilisation pour la première fois d'aliments lyophilisés : purée-jambon. Bof ! mais pas mal pour la survie.

Susques - Archibarca, 69 km, 7h50 - 13h40, +698 m -421 m (altitude maximale en vélo : 4104 m)

Samedi 15 septembre 2012

Quel froid ce matin au réveil ! Durant la nuit, j'ai rajouté ma polaire en duvet Valandré et mon bonnet en laine d'alpaga. La bouteille d'eau est un glaçon. Pas de réchaud, il fait trop froid. Petit-déjeuner banane, coca-cola que j'avais pris soin de mettre dans la tente au chaud. Mais le soleil est très vite là. La route est assez plane, toujours très bonne, mais à 4000 mètres. J'ai le soleil dans le dos : c'est bon pour les reins. Quelques vigognes sont intriguées mais se laissent photographier. Puis, surprise : un couple de cyclistes arrive en sens inverse. John et Mathilde qui viennent de Bolivie et comptent aller tout au sud de l'Argentine vers la Patagonie, la Terre de Feu et remonter à Buenos-Aires. Quel programme ! Un peu plus loin, un deuxième couple, italien cette fois, Sylvano Grasso et sa compagne qui se sont faits monter avec un pick up au Paso de Jama depuis San Pedro de Atacama, pour 200 dollars. Ils ont rencontré les suisses sur le Salar d'Uyuni mais les deux couples m'ont dit qu'ils avaient dû renoncer à le traverser en totalité en raison des trous de sel qui leur faisaient faire du ... saute-mouton. L'italien est un peu malade. Sa compagne a l'air en pleine forme. Ils filent vers Salta pour prendre l'avion. Le paysage est maintenant très ouvert. Je passe à côté de la laguna Arna dont il reste peu de chose, puis du Salar de Jama contre lequel est implanté le village de Jama, siège de la douane argentine. Je trouve une petite roulotte avec des chinois qui dégustent une pizza. J'en veux : j'en ai pris deux. Une chambre, est-ce possible ? La tenancière de la roulotte me dit de la suivre. Elle a un très joli petit vélo repeint à neuf. Son papa me propose une chambre pour 50 pesos. Je vais prendre un café expresso (mais oui !) à la station-service avec deux petits croissants mondialement réputés pour leur qualité, sur internet. Pas mal, sans être toutefois exceptionnels. Près de la chambre, se trouve le coin douche. La douche est électrique, dans tous les sens du terme. Au moment de la mettre en marche, je suis réellement électrisé. Je saisis un emballage plastique qui me permet d'actionner l'interrupteur de la douche sans me prendre le jus, et d'avoir ainsi la précieuse eau chaude. Bien sûr, tous les boitiers de prise et d'interrupteurs sont pendants. Voyant vite le danger, la douche fut certes chaude mais courte. Le dîner m'est apporté dans la chambre sans table, sans chaise : une assiette pleine de poulet/frites que j'avais demandée, posée maintenant par terre. Je dîne l'estomac plié en deux, me dépliant pour respirer de temps en temps. Je mets du blanc de poulet de côté pour demain. Les frites sont bien grasses mais ... qu'est-ce que c'est bon !

Archibarca - Douane argentine village de Jama 53 km, 8h10 - 13h, +134 m -81 m (altitude maximale en vélo : 4118 m)

Dimanche 16 septembre 2012

La nuit a été très bruyante. La chambre se trouve à 30 mètres d'un énorme groupe électrogène qui alimente en électricité tout le village de Jama. Pas d'insonorisation du moteur diesel. C'est un peu comme si on dormait avec un aspirateur en marche en permanence. Le propriétaire de la chambre m'a pourtant dit que, la nuit, le groupe ne marcherait pas, m'a promis deux parts de pizza à emporter et le petit-déjeuner à 7h30. Rien de tout ça. A l'heure dite 7h30, tout est fermé. Je dégage donc avec mon vélo vers la station-service ouverte 24h/24 pour prendre un petit café et une bouteille d'eau supplémentaire. Car ... aujourd'hui commence la longue traversée totalement désertique du secteur de l'Atacama. Trois journées de vélo sans absolument aucun village, aucune cabane, et, on le verra par la suite, aucun mur de protection du vent. J'ai un peu d'appréhension mais suis totalement lucide sur les risques et les précautions à prendre pour ce type de traversée en très haute altitude. Il faut d'abord passer la douane qui ouvre à huit heures. En réalité, je suis tamponné à 8h45. Désormais, je suis au Chili. Pas âme qui vive. Le ciel est très bleu, la route très belle et fréquentée quasi exclusivement par les camions dont les porteurs de voitures pour le Paraguay. Le trafic est très faible. Les camions sont à fond. La route ondule en montées-descentes. Trois endroits (appelés miradors) sont aménagés le long de ce trajet de quelque 160 km jusqu'à San Pedro de Atacama. Ce sont des constructions circulaires de murs d'un mètre de haut placés dans les endroits les plus photogéniques, et qui devraient servir d'abri contre le vent. Je pense que les concepteurs de ces murs n'ont jamais testé cette pseudo protection du vent. En franchissant le Paso Jama, on entre dans ce qui peut devenir un énorme piège. Cela nécessite un engagement total avec les risques associés pour le cycliste : pas de retour possible simple, pas de téléphone, pas une seule cabane, pas de zone refuge, altitude très élevée jusqu'à pédaler à l'altitude du Mont-Blanc. Mais c'est le grand beau, presque plus chaud qu'en basse altitude lorsque j'étais à Purmamarca. En passant la frontière, on laisse en contrebas le salar de Jama. Quel dommage que le gros village de Jama soit bâti sans aucune conception d'ensemble, sans place de village, en s'étendant tout contre le beau salar de Jama avec la centrale d'alimentation électrique activée par le groupe moteur diesel. Après le mirador de Jama, je franchis le col D à 4411 mètres. Je rentre dans des paysages vraiment splendides. J'atteins le salar de Quisquiro. Je dépasse son mirador. La route est belle, le bonhomme pédale bien. Un camion porteur de voitures est là sur les bas-côtés complètement calciné. Toutes les voitures ont brûlé. Plus loin, un camion-fou dépasse un autre camion à ma hauteur. Malgré mes gestes, la tête brûlée accélère. Je suis obligé de m'arrêter compte tenu du déplacement d'air énorme occasionné. Je passe la laguna Aguas Calientes (plusieurs lagunas sont dénommées ainsi dans l'Atacama) avec son panneau de réserve de flamants roses du "Chili". Je m'installe avec la tente face à cette laguna, derrière un mur du mirador : incroyable beauté du panorama. Les flamants seront bien là, mais en fin d'après-midi. Repas lyophilisé. Trop beau ! Un vent violent s'est levé dès 11h ce matin, alors que, normalement, le vent n'aurait dû se lever que vers les 14h.

Douane argentine village de Jama - Laguna Aguas Calientes 53 km, 8h45 - 13h30, +526 m -371 (altitude maximale en vélo : 4411 m)

Lundi 17 septembre 2012

Toute la nuit, le vent du nord et de l'ouest a soufflé par coups de boutoirs. Normalement, la nuit est ... sans vent. Pas moyen de trop dormir. Le matin, j'ai eu beaucoup de mal à plier la tente car tout volait. Le ciel était bleu, donc pas de problème. Je prends la route. De suite, vent de face qui envoie des gifles terriblement déstabilisantes pour l'équilibre. Je commence à sentir mes rotules. Pédaler avec le vent de face pour passer le plus haut col de ce périple à 4830 mètres, c'est le défi d'aujourd'hui. 17 kilomètres de montée. Une pente régulière mais ce vent ! Quelques voitures de touristes. J'ai été pris en photos je ne sais combien de fois. La montée devient plus raide, des pentes avoisinant probablement ce que je trouve à Marie-Blanque mais à plus de 4600 mètres et avec le vent de face. Impossible de tenir. Par deux fois, je pose pied à terre et je pousse le vélo. Mais je monte alors à 2 km/h. Ca ne va pas. Un effort énorme. Je remonte sur le vélo. J'appuie, le nez dans le guidon, au sens propre du terme. Et ... poco a poco, je finis par atteindre cette barrière des 4830 mètres. C'est la plus haute altitude que j'ai jamais atteinte en vélo. C'est aussi pour moi un beau pied de nez à ce médecin de Toulouse chez qui j'avais fait le test du vélo (au retour d'une expédition au Karakoram), et qui, entouré de son aréopage d'infirmières, d'étudiants, le tout en blouses blanches en demi-cercle autour de moi, m'avait très solennellement dit que je ne pourrai pas monter à plus de 3000 mètres d'altitude. Je passe devant la très belle laguna de Pujsa qui fait partie des zones humides protégées au titre de la Convention de Ramsar. Une famille chilienne, très sympathique au demeurant, veut à tout prix me prendre en photo. Le vent devient de plus en plus violent. Je continue. Le ciel est toujours bleu. Je finis par trouver un inattendu mirador à 4587 mètres face à la laguna Aguas Calientes. Je comptais passer la nuit dans une buse de la route. Là, c'est trop beau. Je pose ma tente au ras du mur pour me préserver le plus possible du vent. Repas maigre. Je commence à douter du temps. Toute la nuit, des sacrés coups de boutoirs ont violenté la tente au point que parfois j'ai été soulevé. Solide heureusement, cet abri de toile testé pour tenir à des vents de 140 km/h. Pas fermé l'oeil de la nuit.

Laguna Aguas Calientes - Mirador 4587 m, 8h - 13h, 35 km, +730 m -275 m (altitude maximale en vélo : 4830 m)

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Pérou 2010 - 1

Après le périple Tashkent - Kashgar et la suite chinoise imprévue de l'automne 2009 (http://tashkentpekin.free.fr), changement de continent en 2010

C'est un retour non plus pour gravir quelques volcans mais pour une magnifique combinaison vélo de Lima à Santiago.

Il y aura d'abord le Pérou avec une mise en jambe sur la panaméricaine, en bordure du Pacifique, de Lima à Nazca, puis une longue montée jusqu'à Cuzco, avec un détour au Machupichu, pour ensuite rejoindre le lac Titicaca. En Bolivie, après avoir atteint La Paz, il faudra rejoindre le Salar d'Uyuni ... le traverser durant 100 km après bien sûr avoir posé la tente durant une nuit au milieu de l'immense étendue blanche de sel... Arrivée à Uyuni pour un bon nettoyage du vélo (attention au sel !) et ... pour une pause avec une bonne bière car, alors, il y aura une dizaine de jours à bien calibrer. La traversée du Sud Lipez peut être redoutable. Selon mes souvenirs, ses pistes désertiques doivent être abordées avec beaucoup de préparation en raison du cumul de difficultés possibles : le sable (très meuble parfois), le vent (souvent dans le nez), la soif (très rares points d'eau), l'altitude (entre 3800 m et 4900 m, bonjour l'oxygène !). Mais le Sud Lipez c'est aussi ... la féerie des couleurs avec les lagunas Colorada, Verde, Blanca, les flamants roses, les volcans soufrés, ocres, blanchis de neige ! ... C'est passé, la frontière arrive. On peut souffler un peu au Chili en traversant l'Atacama, très beau désert mais avec le havre de San Pedro au milieu pour reprendre des forces et ... du ravitaillement. Alors, ... ce sera l'heure des choix car je dois être à Santiago le 27 juin pour prendre l'avion du retour. Deux solutions pour joindre Santiago : la plus probable, par la côte Pacifique 1780 km (tracé en rouge mais pas toujours évident sur plusieurs centaines de km), par l'Argentine et le versant oriental des Andes (tracé en rose) peut-être plus beau mais ... 2500 km. Tout dépendra ... du bonhomme, du vélo, du temps ! ... Au pire, il devrait y avoir la solution du bus. On y va ? ... Départ 23 avril. Mais oui, petit volcan, fais en sorte de nous laisser un créneau pour passer dans le ciel !

J'ai réparti textes, photos, cartes en trois ensembles par pays. Pour vous donner envie, j'ai mis juste là en dessous un choix de quelques-unes de mes photos préférées. Amusez-vous à cliquer dessus, à les mettre en plein écran (cliquer en bas à droite), à naviguer d'une photo à l'autre avec le clic gauche de la souris, à rapprocher ou à reculer avec la roulette de la souris ...

Pérou

Vendredi 23 avril 2010 : Et oui ... C'était pourtant bien parti à l'aéroport de Toulouse avec un enregistrement rapide, sans payer quoi que ce soit en supplément. Le départ de Toulouse a été parfait. On est passé devant les hangars de l'A380 avec un Concorde qui trônait là comme le vieux papa qui veille sur le "petit" A380.

On est arrivé dans les temps à Amsterdam. Une anecdote révèle l'état de psychose affectant certaines personnes: un passager a appelé une hôtesse pour l'avertir qu'il y avait un vilain nuage gris-noir à l'ouest en lui disant que c'étaient les poussières du volcan qui étaient là ... Une heure et demi de battement, et j'embarque pour Lima dans le Boeing 777 plein comme un oeuf, qui a décollé avec plus de 30 minutes de retard. La montée en altitude s'est faite à fond les manettes et on s'est très vite stabilisé entre 10 000 et 11 000 mètres. Service parfait (mais ils ne proposaient pas le champagne comme dans le Pékin - Paris). Arrivée à Lima avec 45 minutes de retard sur l'heure prévue. Sortie assez rapide mais ... sans le vélo ! "Mañana a la misma hora" ... Kike, mon hôte d'un soir (de deux maintenant car il faudra que je dorme une deuxième nuit à Los Olivos près de Lima) avait une pancarte à la main avec un gros "ETCHELECOU". Diner très agréable et très bon, préparé par Myriam, son épouse. Il est maintenant plus d'une heure du matin en France ... je commence à avoir les petits yeux. Vite au dodo !

Le vélo n'est pas encore la mais bon c'est déjà bien que je sois à Lima aujourd'hui. En espérant que Monsieur le volcan ne fera pas des siennes demain ... car alors la situation deviendrait assez cocasse avec un cycliste sans vélo ! ... N'y pensons pas. Attendons patiemment demain soir ...

Samedi 24 avril 2010 : en attendant que le vélo arrive

... Aujourd'hui, j'ai suivi un couple canadien qui est parti avec Kike (le propriétaire du B&B à Los Olivos) dans le centre de Lima. On est allé bien sûr à la plaza de Armas puis visiter l'ancienne église San Francisco avec des catacombes où sont déposés des dizaines de milliers d'os de ... riches qui payaient pour être dans ces catacombes. J'ai pu m'approvisionner en victuailles et en boissons, au cas où ...

... 18h30, je récupère enfin LE vélo ! Le carton n'est pas explosé comme à Tashkent, donc c'est bon signe ! Tout a l'air OK. Il fait chaud. Je vais tout remonter et charger pour partir demain de bonne heure (vers 7h) essayer de trouver la panaméricaine depuis la commune où je suis, Los Olivos au nord de Lima.

Dimanche 25 avril 2010 : C'est parti ... enfin ! Parti ce matin à 7h, je suis évidemment allé dans le sens opposé. 15 km de trop. C'est ça le basque, toujours à l'envers mais l'important est de s'en rendre compte assez ... tôt. Les 50 km que j'ai fait dans Lima sont une véritable épreuve : accélération, freinage brutal, se faufiler dans les voitures et les bus, éviter les petits bus qui guettent les clients et se rabattent brusquement sur la droite ... Après Lima, c'est du gâteau, la panaméricaine est superbe. Reste le problème des grands bus et des gros camions qui ont du mal à comprendre qu'un vélo ça aime aussi le goudron et non le bas-côté. Un faucon crécerelle a foncé sur sa bien-aimée et l'a honoré sur le fil électrique en un beau cri ... rapido ! J'ai pris le temps de déjeuner avec du bon poisson frit, du riz, des papas, et une bière. J'ai trouvé à San Vicente de Cañete un hospedaje où normalement je dois avoir une douche qui fonctionne, avec l'eau chaude, mais sans doute dort-elle encore un peu, peut-être tout à l'heure ? J'ai finalement pu faire 173 km en partant à 7h et en arrivant à 17h.

Los Olivos- Lima - San Vicente de Cañete 173 km, +950 m, -950m, 7h-17h

Lundi 26 avril 2010 : Chaud ! Dans tous les sens aujourd'hui ! Dans la tête d'abord, car un malin camionneurm'a serré de trop près, et le compagnon à sa droite a eu l'excellente idée de me taper sur le casque en passant ! Surprise et peur bleue immédiate car j'étais à 30 cm du camion. Rien de plus. Chaud ensuite dans le désert que j'ai abordé après San Vicente de Cañete avec un soleil de plomb et peu ou pas de vent, avec des montagnes russes ... Chaud en voyant le Pérou, terre des agro-industries, avec tout ce que nous ne voulons pas chez nous. Chaud en voyant que tout le littoral pacifique est propriété privée avec des clôtures hautes partout. Chaud en constatant que des dizaines de milliers de poules sont dans des élevages industriels en bordure des plages du Pacifique. Chaud de voir la panaméricaine en véritable chemin de milliers de croix en bordure de la route avec des milliers de petits reposoirs un peu abandonnés, d'accidents mortels de surtout cyclistes et piétons ... Sympathique l'ambiance ! Chaud de voir que les rois de la route sont les gros camions et bus, le cycliste n'a droit qu'au bas-côté ... Je suis à Ica.

San Vicente de Cañete - Ica 163 km +960 m, -580 m, 7h - 17h30

Mardi 27 avril 2010 : Pourquoi n'avez-vous pas une moto ? J'ai répondu que j'étais un peu dérangé (loco), alors les dames n'ont plus rien dit ... Aujourd'hui, dure journée : départ 6h, arrivée 18h à ... Nazca, soit encore beaucoup de km, beaucoup de dénivelées. Toujours le fort trafic sur les portions de la panaméricaine qui sont en réalité des voies urbaines, donc sans bas-côté. Je vous passe les détails du slalom permanent. Nouveau : 60 km de désert sans aucun point d'eau ou d'habitation. On regarde bien ses sacoches pour les réserves de liquide et ... on y va ... sous un cagnard de plomb, bien sûr à la plus belle heure (entre 12h et 15h). Je suis arrivé au pylône d'où l'on peut voir les géoglyphes, des traces d'animaux, d'hominoïdes faites sur le sol avec des dimensions que l'on ne peut voir que si on prend les ailes d'un oiseau. Mais il était 16h et j'avais encore 25 km pour atteindre Nazca. L'éclairage était sublime, les avions (de touristes) volaient, mais il a fallu que je me force à partir car la nuit tombe ici à 18h. S'en est suivie une sorte de course contre la nuit avec mon bon Mulet qui n'en pouvait plus beaucoup. Le vent de face s'est mis de la partie ! Je suis arrivé ... juste, avec les klaxons d'approbation de quelques camions qui faisaient : - - ... - - ... (comprenne qui pourra !). Je dois dire que je ne suis pas fâché d'être à Nazca car, après, je prends la route de Cusco. Je suis dans un hôtel où j'ai enfin de l'eau chaude à la douche. J'ai fait Lima - Nazca en trois jours (493 km). Donc, demain matin, un peu de repos. Je verrai si je pars vers les altitudes ou si je passe encore une nuit à Nazca.

Ica - Nazca 163 km, +1035 m, - 865 m, 6h - 18h

Mercredi 28 avril 2010 : Ouf, la panaméricaine est finie pour le Pérou ! ... Mais c'est oublier un peu vite que la carte du Pérou, même refaite à partir de Google Earth, comporte beaucoup beaucoup de lacunes et d'erreurs (il suffit de zoomer fort sur les photos de Google Eartth pour s'en apercevoir dans certaines portions dont ... celle de Nazca à Cusco). Et je suis parti tout content d'avoir la route pour moi tout seul. Oui, sauf que c'est le vrai désert, en un peu plus vert que le long de la Côte Pacifique. Pas de petit commerçant qui propose des fruits, des boissons. Pas de bistrot, pas de point d'eau. Et cela dure tout le temps ! Heureusement, j'avais fait un peu le plein au cas où ... mais cela ne m'a pas empêché de montrer ma gourde vide à plusieurs automobilistes et camionneurs, et ... oui, miracle, j'ai eu droit à un litre de coca gratis de la part des ouvriers qui entretenaient la route. Mais ... quel cagnard ! Un vrai calvaire à supporter tout en montant très très lentement entre 5 et 6 km/h le plus souvent. En fin d'après-midi, je finis par comprendre qu'une tienda n'était pas loin au lieu-dit Alouata (tiens, curieux pour les basques !) et je tombe sur une petite boutique noire avec des bouteilles ! je finis par me faire faire un petit diner (toujours la même chose : un peu de poulet, quelques morceaux de pomme de terre et du riz). Je couche sous la tente. Mais quelle chaleur et quelle montée pour cette journée !

Nazca - Alouata 48 km, +1775 m, - 20 m, 10h - 17h15

Jeudi 29 avril 2010 : C'est la journée du chaud et froid. La tente et les affaires sont rangées très tôt. Pas de petit déjeuner (la dame d'hier soir était partie, et son mari ne savait pas faire ...). Ca monte et ça monte jusqu'à plus de 4000 mètres. Puis, descente. Enfin un peu de roue libre mais avec un climat totalement différent : j'enfile la polaire et le coupe-vent jaune. J'arrive dans un village qui n'est pas le bon. Je continue, on me promet un hospedaje (gite) à Lucanas, un village que l'on atteint en grimpant fort, et qui est complètement occupé par les ouvriers pour les travaux de réfection de la route. Accueil très correct. Mais je me rends compte que les péruviens ont besoin de parler fort, de mettre de la musique en permanence partout, de mettre la télé à fond. J'ai pu envoyer les SMS à Dominique, Laure, Thomas, alors que la veille rien ne passait. Douche style chaise électrique. Méthode : ouvrir le robinet d'eau et allumer l'interrupteur électrique associé audit robinet, ne pas mettre trop de pression d'eau car l'eau reste froide. Donc .https://ddvagabondages.fr/index.php/dede-velo/voyages/amerique-du-sud/2010/perou-2010-2.. diminution du débit et l'eau chauffe, la résistance électrique émettant toujours plein pot !

Alouata - Lucanas 89 km, +1980 m, - 1080 m, 6h20 - 17h

Vendredi 30 avril 2010 : Ce fut une journée un peu folle. Toujours la pente forte à 5-6 km/h. Ca ne va pas vite. On fait évidemment moins de km que sur le plat. On part de 3260 m pour finir à 4160 m et ... dans quelles conditions ! Chaleur moyenne au début, tout allait normalement. Puis le vent, dans le nez, puis la pluie, puis le froid, puis le tonnerre avec des nuages partout, puis de la grêle, on ne voyait presque plus rien mis à part les quelques mètres devant la roue. Et il fallait avancer pour aller où ?? Les voitures et les camions qui me dépassaient, me klaxonnaient, et moi j'essayais de sortir mon nez du poncho que j'avais mis, mais qui, avec le vent, la pluie, la grêle, n'avait plus qu'une fonction : celle de m'empêcher de voir puisque, bien sûr, le capuchon se mettait sur le visage. Je finis par débouler à la nuit dans ce qui était marqué restaurant sur une pancarte, tout heureux de trouver un toit alors que j'étais frigorifié et que tout était absolument trempé. Heureusement, la dame m'a donné une soupe chaude. Dehors, la pluie redoublait, et la neige était sur le bas-côté de la route (on était à plus de 4000 m). Où coucher la nuit ? Car, en réalité, c'était insupportable de saleté. La dame a voulu me donner une espèce de bas-flanc avec une peau d'animal qui séchait. Ca sentait trop fort, je ne pouvais pas ! Je lui ai dit que j'allais mettre deux bancs de la salle commune côte à côte, avec l'accord de son mari. Mais ! alors que j'étais au plumard dès 8h du soir, la musique était à fond pour les camionneurs qui faisaient halte pour prendre leur consommation avec de l'ambiance ... La nuit, toujours la musique et en plus comme il faisait un temps exécrable (la pluie et la tempête sans cesse), les gros 48 tonnes se garaient avec le moteur allumé juste à côté de la porte ... et ... je recevais tous les gaz d'échappement en cadeau. Inutile de vous dire que ma décision était prise : je devais dégager absolument le lendemain, mais comment ?

Lucanas - Auberge 4100 m 67 km, +1330 m, - 470 m, 6h30 - 14h30

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Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten